À Madame.
Madame,
Dans le dessein que j’avais d’offrir la Fête de Vénus à votre altesse royale, je craignais bien que la fortune, qui n’est pas de mes amies, ne me jouât quelque mauvais tour. Mais je n’ai pas raison aujourd’hui de me plaindre d’elle ; elle a laissé à mon présent tout l’agrément de
En effet, si parmi les dieux les plus connus
La fable vante tant une fausse Vénus,
N’êtes-vous pas la véritable,
Ou la vérité de la fable ?
Si l’on tient de Vénus au sentiment de tous
Ce qu’on voit de poli, de galant, et de doux,
Si Vénus des beautés est la source féconde ;
Si Vénus est enfin l’âme de tout le monde,
Que serait le monde sans vous ?
Si tout languit sans la belle déesse,
Que deviendront les grâces, les amours,
Les ris, les jeux, les fêtes, les beaux jours,
Sans la charmante et divine princesse ?
Agréez, Madame, que j’arrête toutes mes pensées sur une idée, qui nous représente si bien votre altesse royale. Elle sait bien que Vénus, grâce, et beauté, sont une même chose, et qu’ainsi, il est vrai de dire qu’on ne voit rien
Vous me tiendrez lieu des neuf Muses,
Et même, s’il le faut, de tous les Immortels ;
Ces vierges près de vous muettes et confuses,
Vous céderont tous leurs autels ;
Vous y serez seule adorée ;
Vous aurez tous les vœux que j’ai perdus ailleurs ;
Pour vous tout mon encens, pour vous toutes les fleurs,
Dont la fable autrefois couronna Cythérée.
Je ne ferai plus de portrait,
De héroïne et de déesse,
Où je ne mêle quelque trait
De l’incomparable princesse.
Vous voyez, Madame, par quel zèle, et par quelles promesses, je tâche de mériter l’honneur de votre protection. Les dieux de la terre comme ceux du ciel ne regardent que l’intention dans les vœux des mortels ; la mienne est d’attirer vos faveurs pour vous rendre mes offrandes plus agréables, ce que vous avez droit de refuser à la faiblesse
Madame,
De votre altesse royale,
Le très humble, très obéissant, et très fidèle serviteur,
Boyer.