Transcription Transcription des fichiers de la notice - Dédicace de <em>Geneviève</em> Aure, François d' 1670 chargé d'édition/chercheur Lochert, Véronique (Responsable du projet) Véronique Lochert (Projet Spectatrix, UHA et IUF) ; EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle) PARIS
http://eman-archives.org
1670_avre_genevieve-innocence-reconnue 1670 Fiche : Véronique Lochert (Projet Spectatrix, UHA et IUF) ; projet EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle). Licence Creative Commons Attribution – Partage à l'Identique 3.0 (CC BY-SA 3.0 FR)
<a href="https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5619355h" target="_blank" rel="noreferrer noopener">Gallica</a>
Français

À Madame, Madame la duchesse de Roannais.

Madame,

L’Innocence reconnue, réduite en tragédie, dont la princesse Geneviève, fille d’un duc de Brabant, belle et sainte épouse d’un palatin de Trêves, fait l’auguste sujet, a porté mes pensées à des réflexions de plusieurs circonstances qui m’ont représenté, en leur maison hautement relevée, l’idée de la vôtre. J’ai remarqué, Madame, en Sifroy, très noble comte, votre époux reçu par vous comme Sifroy par Geneviève, en l’ancienne maison d’un très illustre duc. J’ai reconnu au parfait mariage de cette sainte dame, l’admirable ménage du vôtre, doucement disposé, mais efficacement achevé par l’heureuse conduite de la divine providence, laquelle, avec de pareilles faveurs qu’elle fit autrefois à cette fille céleste, après avoir nourri l’innocente pureté du printemps de votre âge des entretiens du Ciel dans les éloignements de l’air contagieux du siècle, vous a fait généreusement violenter vos propres volontés, pour les soumettre à ceux auxquels Dieu a consigné son absolue autorité pour régler la vie des enfants, et fixer l’irrésolution de leur tendre jeunesse en l’état d’une vocation chrétienne, mais propre et convenable à leur vrai bien, que le défaut d’expérience leur rendait inconnu. Et c’est ainsi que sainte Élisabeth, fille du roi de Hongrie, mais en somme presque toutes les reines et princesses lesquelles, par les mêmes soumissions, ayant rompu leurs inclinations et rempli dignement, par leurs mariages chrétiennement contractés, les devoirs de cette honorable condition conformément au bon plaisir de Dieu, sont reconnues par l’Église dans un rang très célèbre du sacré catalogue des saints, comme s’étant acquise la glorieuse fin de leur vocation, et le dernier effet de leur éternelle prédestination.

Je considère, Madame, en votre brave époux le zèle incomparable de l’époux de ma sainte princesse, le généreux Sifroy, dans l’emploi de leurs armes contre les infidèles, où la chrétienté les a vus concourants en sa faveur à se prêter et rendre par une sainte émulation les secours nécessaires au soutien de la foi. Voilà Sifroy, l’époux de Geneviève, assistant la France, et voici en échange le vôtre assistant l’Allemagne. En sorte qu’on peut bien donner à ces deux généreux capitaines l’éloge avec les titres que l’ancienne Rome donnait au grand Fabie et au très célèbre Marcel de bouclier et d’épée des Romains, pour leur digne soutien de l’Église romaine.

Il est vrai, Madame, que ces deux illustres seigneurs ont été portés de même zèle à la défense de la même foi, contre les mêmes ennemis de l’Église, avec de pareils avantages, quoique l’éloignement de leurs maisons ait eu des effets différents. Mais si la peine très sensible que vous avez soufferte pour l’absence du légitime objet de vos affections n’a pas été surchargée des troubles et traverses dont notre Geneviève s’est vue presque accablée, et si ses amertumes, par la faveur du Ciel, n’ont point interrompu les douceurs innocentes de votre mariage, les raisons en sont claires. Votre sage et très prudent époux avait eu soin de faire qu’au choix de ses bons et fidèles domestiques, il ne se trouvât rien de Golo que l’horreur de son nom et la détestation de ses perfidies.

Et d’ailleurs, Madame, les vifs éclats de vos perfections portés à la face d’un Paris et à toute la vue d’une cour de France, où vous avez toujours paru ayant l’Honneur pour écuyer, la Vertu pour compagne, et la Piété pour confidente, vous ont trop rendu visible pour être méconnue, et pour n’être pas heureusement jouissante de la gloire qui comble toute votre excellente famille au lustre universel de tous les beaux et rayonnants éclats de chasteté dans toutes ses espèces, où paraît une vénérable mère ayant très exemplairement vécu dans la chasteté d’une longue viduité, un frère unique ornant sa qualité de duc du précieux choix de la chasteté d’un célibat parfait et accompli, deux sœurs relevées dans l’éminente chasteté de la virginité régulièrement professée. Et vous enfin, Madame, parée avec merveille de l’assortissement entier d’une chasteté conjugale, en quoi Dieu a voulu pour l’édification de ses élus, sous les rayons d’un cercle incomparable de couronne ducale qui embrasse hautement toute votre maison, faire une belle et digne montre de toutes les puretés chrétiennes en leur perfection.

C’est sur ces véritables considérations, Madame, que j’ai pris l’assurance, d’un aveu général, que le titre de L’Innocence reconnue, par des spéciales prérogatives, est dû à vos mérites, et que je ne me suis point mépris de vous rapporter l’éloge de l’idée gravée en Geneviève et copiée en vous, ayant osé, Madame, prendre la liberté de vous le présenter sur la croyance que vous en pourriez recevoir quelque petit divertissement conforme à votre naturel, épuré des espèces qui peuvent s’imprimer aux lascives représentations du théâtre moderne, et c’est tout ce que le défaut d’occasion et de pouvoir a voulu m’accorder, pour témoigner comme je suis avec toutes sortes de respects,

Madame,

Votre très humble, et très obéissant serviteur,

Fr. d’Avre, prêtre, docteur en théologie.