Transcription Transcription des fichiers de la notice - Dédicace de <em>Crispin médecin</em> Hauteroche, Noël Lebreton (1617-1707) 1670 chargé d'édition/chercheur Lochert, Véronique (Responsable du projet) Véronique Lochert (Projet Spectatrix, UHA et IUF) ; EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle) PARIS
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1670_hauteroche_crispin-medecin 1670 Fiche : Véronique Lochert (Projet Spectatrix, UHA et IUF) ; projet EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle). Licence Creative Commons Attribution – Partage à l'Identique 3.0 (CC BY-SA 3.0 FR)
<a href="https://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb387624622" target="_blank" rel="noreferrer noopener">Arsenal GD-23018</a>
Français

À Madame Le Camus.

Madame,

Je ne saurais plus m’en empêcher, il faut que j’en passe mon envie, c’est-à-dire, Madame, qu’il faut que je vous dédie le Crispin Médecin. L’estime que vous fîtes de L’Amant qui ne flatte point lorsque j’eus le bien de vous en faire la lecture, et les applaudissements que vous lui donnâtes quand vous le vîtes sur le théâtre m’avaient inspiré la pensée de vous le présenter. Mais à vous parler franchement, je n’osai jamais l’entreprendre. Il ne fut pas en mon pouvoir de vaincre une timidité respectueuse, qui malgré moi s’opposait à l’exécution de mon dessein, et je me trouvai contraint de me taire, dans le temps que j’avais le plus grand désir du monde de vous faire un remerciement public. La même chose m’est encore arrivée au Souper mal apprêté ; vous avez eu beau l’applaudir en toutes les manières, je n’en ai pas eu plus de hardiesse pour cela, mais à ce coup j’ai franchi le pas, et je me suis mis en tête que mon silence passerait pour une ingratitude affectée. Recevez, Madame, le Crispin Médecin, ou plutôt en lui seul recevez toutes ces trois comédies ensemble, puisqu’elles vous étaient destinées. J’espère que, comme vous avez l’esprit aussi bienfaisant que pénétrant et délicat, vous agréerez le présent que je vous fais de la même façon que s’il était digne de vous, et que vous souffrirez que ce médecin aille vous rendre grâces des bontés que vous lui avez témoignées. Je vous avoue que quand il se persuade qu’il a eu le bonheur de vous plaire, et qu’il s’imagine que par ses falotes ordonnances, il vous a quelquefois divertie, il ne voudrait pas changer sa condition à celle de tous les autres médecins. Si je l’accuse d’un peu trop de vanité, il tranche de l’habile homme ; et me dit que tout ce qui réjouit est profitable à la santé, et qu’ayant eu l’avantage de vous avoir réjouie, il a contribué quelque chose à la conservation de la vôtre. En suite de cette conséquence, il s’explique en vers, lui qui dans toute la pièce n’en a dit que deux à la fin, et voici comme il s’exprime :

Contribuer à la santé D’un corps où loge une belle âme, Et dont l’éclatante beauté Peut causer dans les cœurs la plus ardente flamme, C’est de quoi faire naître un peu de vanité.

Et pour prouver davantage, Madame, qu’il a quelque sujet d’en avoir, il fait encore une légère ébauche de votre portrait :

La bonté jointe à la sagesse, N’en est pas le moindre ornement, L’esprit et la délicatesse, Règnent chez elle pleinement.

Mais comme s’il craignait qu’on ne vous connût pas assez, il poursuit ainsi :

Le cœur grand, l’humeur agréable, L’accueil charmant, l’entretien doux, Un fin discernement, la conduite admirable, C’est, dit-il, ce qu’on voit en vous,

Toutes ces choses sont si véritables que s’il est vrai qu’il ait pu vous divertir quelque moment, on peut bien lui permettre quelque sentiment de vanité ; mais où ne la fera-t-il point aller quand vous lui aurez accordé l’entrée de votre chambre, lui qui sait qu’elle est depuis longtemps le réduit des personnes de mérite de l’un et l’autre sexe. Je pense qu’alors il fera furieusement l’entendu, et qu’il croira valoir beaucoup plus qu’il ne vaut, mais ce sera à vous, Madame, à lui rabattre sa fierté, et à lui faire connaître que sans votre considération, il ne serait que très peu de chose. Quant à moi, j’abandonne le soin de sa fortune, puisqu’il est sous votre protection, c’est maintenant votre affaire, et la mienne est seulement de vous persuader que je suis,

Madame,

Votre très humble et très obéissant serviteur,

De Hauteroche.