Transcription Transcription des fichiers de la notice - Dédicace de <em>Les Eaux de Pirmont</em> Chappuzeau, Samuel (1625-1701) 1672 chargé d'édition/chercheur Lochert, Véronique (Responsable du projet) Véronique Lochert (Projet Spectatrix, UHA et IUF) ; EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle) PARIS
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1672_chappuzeau_eaux-pirmont 1672 Fiche : Véronique Lochert (Projet Spectatrix, UHA et IUF) ; projet EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle). Licence Creative Commons Attribution – Partage à l'Identique 3.0 (CC BY-SA 3.0 FR)
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Français

À son altesse sérénissime Madame la duchesse de Brunswick et Lunebourg- Hanovre, née princesse palatine.

Madame,

Je prends la hardiesse d’apporter une seconde fois aux pieds de votre altesse sérénissime un ouvrage dont j’ai conçu le dessein à la porte de son palais, et formé les premières idées dans une des ailes du théâtre d’Hanovre, d’où j’eus l’honneur de contempler vos altesses. Elles attirèrent dès ce moment-là mes plus fortes inclinations à leur service, je leur consacrai mes veilles, et remarquant sur leur visage le plaisir qu’elles goûtent à la poésie, j’appelai les Muses à mon secours pour tâcher de leur donner à Pirmont quelques divertissements. Je n’osai alors, Madame, me présenter devant elles, et comme ces chevaliers errants qui se faisaient connaître dans un tournoi par un ajustement extraordinaire et quelques actions hardies, je crus qu’avant que de leur rendre mon profond respect, je devais produire quelque chose qui me rendît moins indigne de les approcher. Votre altesse sérénissime aura donc la bonté d’agréer mon zèle, et d’excuser ma faiblesse. Elle se souviendra, s’il lui plaît, que je composai ces treize cents vers en treize jours, et que je n’eus pas le temps de donner toute la justesse nécessaire et au discours et à la pensée. Mais, Madame, ce fut dans le dessein de travailler un jour avec plus d’application et plus de loisir à quelque ouvrage moins indigne de l’attention de votre altesse, qui sait juger de tout avec un discernement et une délicatesse qui doit faire appréhender les plus fins auteurs. Toutes les productions les plus excellentes et des plus grands maîtres ne seraient que des présents peu proportionnés à l’éclat de sa personne, et aux brillantes lumières de son âme. Elle conçoit tout avec une facilité admirable : elle pénètre d’abord jusqu’au fond des choses, et n’a presque pas besoin de passer par les degrés de notre raisonnement, non plus que ces substances purement spirituelles, qui ont ce beau privilège par-dessus nous. C’est, Madame, cette vivacité d’esprit merveilleuse, et ce feu qui ne peut être retenu que par une force de jugement qui l’égale qui me donnent tout ensemble de l’admiration et de la crainte ; et si je n’envisageais d’ailleurs cette grandeur d’âme et ce fond de bonté qui accompagnent des connaissances si relevées, je n’aurais jamais été assez téméraire pour rien offrir à votre altesse sérénissime, puisque je ne produirai jamais rien qui ne soit indigne de lui être offert. Je ne parlerai point ici, Madame, de votre auguste naissance qui est connue de toute la terre, et où je ne découvre de côté et d’autre que des sceptres et des couronnes. Quoique vous soyez fille d’un prince qui a eu deux rois pour père et pour aïeul maternel, et d’une princesse qui a eu pour sœur une grande reine ; quoique vous soyez femme d’un prince qui, par son grand génie et la pompe de sa cour, soutient si bien l’éclat de sa maison, l’une des plus puissantes et plus glorieuses de l’Empire, je ne veux tirer la matière de votre éloge que de vous-même, et il y a assez de sujets d’admiration et de louange en la personne de votre altesse sérénissime sans en emprunter d’ailleurs. C’est ce que mon Europe vivante va publier par toute la terre, puisqu’on m’a assuré qu’il en est passé des volumes et en Asie et en Amérique, et l’on reconnaîtra en même temps que j’ai fait vœu d’être toute ma vie avec un profond respect, et un très grand zèle,

Madame,

De votre altesse sérénissime,

Le très humble, très obéissant et très obligé serviteur,

C.