À Madame la duchesse de Bouillon.
Madame,
Ne craignez point qu’en présentant Cléopâtre à votre altesse, je vous accable des louanges dont presque toutes les Épîtres sont pleines. Qu’est-il besoin que je parle de votre mérite et de vos vertus ? Tout le monde ne sait-il pas que la France a peu de personnes aussi parfaites que vous ? Comme ce n’est point pour paraître savante que vous avez voulu joindre aux lumières naturelles d’un esprit très pénétrant les connaissances d’une étude au-dessus de votre sexe, je ne vous dirai point que ce sont ces lumières et ces connaissances à qui je rends un hommage que tous ceux qui se mêlent d’écrire vous doivent. Ce qui m’oblige, Madame, à vous offrir Cléopâtre, c’est la bonté que vous avez eue de ne la pas croire indigne de votre attention dans un temps où elle était encore dénuée des grâces de l’action. Le bon accueil que vous lui fîtes alors lui attira l’estime des honnêtes gens, et c’est sans doute au respect qu’on a eu pour le jugement que vous en fîtes ; c’est, si j’ose le dire, aux larmes qu’on vous a vu répandre à ses représentations ; enfin, c’est à la protection dont votre altesse l’a honorée que je suis redevable de tout le succès qu’elle a eu. Ne me regardez donc point comme un auteur qui vous fait présent de son ouvrage, mais comme un homme qui ne pouvant s’acquitter des obligations qu’il vous a, veut du moins les publier, et protester qu’il sera toute sa vie, avec un profond respect et un attachement inviolable,
Madame,
De votre altesse,
Le très humble et très obéissant serviteur,
De La Chapelle.