Transcription Transcription des fichiers de la notice - Dédicace de <em>Zélonide, princesse de Sparte</em> Genest, Charles-Claude (1639-1719) 1682 chargé d'édition/chercheur Lochert, Véronique (Responsable du projet) Véronique Lochert (Projet Spectatrix, UHA et IUF) ; EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle) PARIS
http://eman-archives.org
1682_genest_zelonide 1682 Fiche : Véronique Lochert (Projet Spectatrix, UHA et IUF) ; projet EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle). Licence Creative Commons Attribution – Partage à l'Identique 3.0 (CC BY-SA 3.0 FR)
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Français

Zélonide à Madame la duchesse de Nevers.

Obligée de revoir le jour dans un pays étranger, où je trouverai peut-être de nouveaux ennemis, je viens, Madame, vous demander un asile. Je me suis flattée que vous me l’accorderiez aisément, et je remarque, entre vous et les héroïnes de Sparte, une certaine ressemblance qui ne peut manquer de vous intéresser pour moi. S’il faut vous avouer la vérité, j’avais cru jusques ici que les seuls Lacédémoniens possédaient une vertu parfaite, inconnue au reste des hommes. J’avais pensé, quelque estimables que les femmes fussent ailleurs, qu’elles ne pouvaient jamais nous être comparées. Mais la cour de France me tire de cette erreur. J’y vois ce que je ne croyais pas même possible : un roi qui sait joindre à plus de grandeur et de magnificence que n’en eurent tous les monarques de l’Asie plus de valeur, de sagesse, de modération que n’en ont eu les rois de Lacédémone ; une noblesse toujours enflammée d’une généreuse ardeur, qui ne respire que la guerre et la gloire ; des dames (surtout si l’on s’arrête en votre maison) qui peuvent disputer avec avantage contre toutes celles que la Grèce a le plus célébrées. Mais, Madame, comme c’est à vous que mon choix et mon bonheur s’adressent particulièrement, je ne regarde ici que vous. Je suis toute occupée de ces charmes inexprimables qui ont d’abord surpris mes yeux, de ces grâces si vives, si touchantes, si accomplies, sans art, sans affectation, relevées par une noble pudeur qui semble les vouloir cacher. J’admire le merveilleux rapport qu’elles ont avec les qualités de votre âme, avec cette raison pure, tranquille, toujours attachée à ses devoirs, avec cet esprit solide, éclairé, sans effort, sans ostentation, conduit par une modestie qui semble ne connaître pas tous ces avantages, ou appréhender qu’on les connaisse, et qui par là en redouble encore le mérite et le prix. Non, Madame, vous ne sauriez empêcher les justes louanges qui vous suivent partout. Elles ont retenti plus d’une fois sur les bords du Tibre, quand l’illustre duc à qui vous êtes si tendrement unie vous a fait voir ces lieux renommés, où vivent encore les triomphes des fameux Romains, dont il a reçu avec la naissance cet esprit si sublime et si rempli de lumières, qui les animait autrefois. On sait assez avec quel éclat vous avez paru dans toutes les cours d’Italie. Et que leurs plus superbes beautés, humiliées et obscurcies devant vous, ont confessé qu’il n’y avait que la France qui pût produire des dames si parfaites. Pour moi, Madame, c’est un aveu que je n’aurai point de peine à faire. Et je crois que nos plus fières Spartaines ne m’en dédiront pas. Elles apprendront que dans vos voyages, vous avez su vous montrer comme elles, au-dessus de la faiblesse et de la timidité trop ordinaires aux dames ; que la fermeté et le courage qu’on inspirait aux Lacédémoniennes par une pénible éducation sont en vous un pur présent du Ciel et de la nature. Mais ce qui était inconnu à Sparte, et en quoi vous l’emportez sans doute sur elles, c’est d’avoir toute la grandeur et toute l’élévation de leurs sentiments, sans rien perdre de cette charmante douceur, et de cette délicate bienséance qui sont si propres à notre sexe, et qui sont le dernier trait, et l’accomplissement des grâces et des vertus. Ces femmes magnanimes viendront à l’envi vous demander avec moi un asile qui nous sera aussi glorieux que je l’espère favorable. Je regarderai cette grâce que j’attends de vous comme la plus belle de mes aventures. Et je tiens que celui qui a entrepris de me faire revivre et de me faire parler y a trouvé le secret d’ajouter ce qui manquait à la gloire que tant de siècles m’ont conservée, quand il a mis mon nom sous la protection du vôtre.