Transcription Transcription des fichiers de la notice - Dédicace de <em>Œuvres de Jean de la Chapelle</em> La Chapelle, Jean de (1651-1723) 1683 chargé d'édition/chercheur Lochert, Véronique (Responsable du projet) Véronique Lochert (Projet Spectatrix, UHA et IUF) ; EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle) PARIS
http://eman-archives.org
1683_chapelle_telephonte 1683 Fiche : Véronique Lochert (Projet Spectatrix, UHA et IUF) ; projet EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle). Licence Creative Commons Attribution – Partage à l'Identique 3.0 (CC BY-SA 3.0 FR)
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Français

À Madame la duchesse de la Ferté.

Madame,

Peut-être que si un peu de vanité ne l’emportait sur toutes mes réflexions, je ne prendrais point la liberté de vous présenter un ouvrage si peu digne de vous. Mais j’avoue que je suis sensible à la gloire, et les applaudissements que vous avez donnés à cet ouvrage me font tant d’honneur et tant de plaisir que je ne saurais m’empêcher d’apprendre à tout le monde que Téléphonte, tout inconnu qu’il était, n’a pas eu le malheur de vous déplaire. Que de grâces j’aurais à vous rendre, sous son nom, que de louanges à vous donner si j’osais faire parler un héros de théâtre dans une épître dédicatoire ! Il pourrait vous dire sans flatterie, que dans toutes les cours de la Grèce où son malheur l’a obligé d’aller implorer le secours des princes, il n’a rien vu de si beau ni de si parfait que vous. Et quoiqu’accoutumé au langage de la tragédie, dont le propre est de donner des couleurs plus vives et plus éclatantes à tout ce qu’elle traite, il n’aurait pas besoin, en faisant votre portrait, des finesses de cet art merveilleux qui sait embellir les objets les plus simples : il trouverait en vous de trop justes sujets d’étonnement et d’éloge. Un air de majesté et de grandeur qui n’a rien de rude ni de méprisant, et une douceur et un enjouement qui conservent toujours cette dignité qui sied si bien aux personnes de votre rang, enfin une beauté sans art, sans affectation et sans orgueil sont les moindres qualités qu’il ferait remarquer en vous. Mais, Madame, je trouve à vous présenter moi-même mon ouvrage une gloire trop grande pour la céder à Téléphonte. Souffrez que sans emprunter un nom aussi étranger et aussi malheureux que le sien, je vous explique moi-même les sentiments de respect et d’admiration que vous inspirez à tous ceux qui ont l’honneur de vous voir. Je ne vous parlerai point de ce que vous devez à la nature ou à la fortune : une naissance et un rang illustres, les grâces et les beautés extérieures sont de grands avantages, mais ce ne sont pas les plus grands que vous ayez reçus du Ciel. Une grandeur d’âme, une générosité de cœur, une vivacité d’esprit, une solidité de raison, une égalité d’humeur, et avec tout cela une bonté pour vos amis, et une sincérité effective pour tout le monde sont des qualités plus rares et plus merveilleuses. Vous les possédez souverainement, Madame, et c’est ce qui vous attire l’estime et la considération d’une cour aussi délicate et aussi éclairée qu’est la cour de France dont vous faites un des plus beaux ornements. Après tout, quelque parfaite que soit cette union des grâces et des vertus qui se rencontrent en vous, on est moins étonné de ce que vous en avez tant qu’on ne serait surpris si vous en aviez moins. Que ne devait-on point attendre d’une éducation aussi heureuse que l’a été la vôtre ? Il était impossible qu’étant fille d’une mère à qui le plus juste dans tous les choix qu’il fait, le plus grand et le plus éclairé monarque qui ait jamais régné, confie ce qu’il a de plus précieux au monde, c’est-à-dire, le soin de la vie et de la conduite de ses illustres enfants ; il était impossible, dis-je, que vous ne fussiez pas une des plus accomplies personnes de votre sexe. Vous avez surpassé l’espérance d’une mère généralement admirée et estimée ; vous avez vous-même l’estime et l’approbation de tout le monde, et il n’y a personne qui ne souhaite d’avoir la vôtre. Qu’il est difficile de la mériter, et qu’il est glorieux de l’obtenir ! C’est un honneur où je n’ai pas la témérité d’aspirer, mais souffrez que je vous demande au moins la permission d’être toute ma vie avec un profond respect,

Madame,

Votre très humble et très obéissant serviteur,

De La Chapelle.