À Mademoiselle de Maniban.

Mademoiselle,

Quand mille bonnes raisons ne m’engageraient pas à vous dédier cette comédie, j’aurais dû le faire par politique. On ne pourra pas voir votre nom à la tête de cet ouvrage sans songer à vous, c’est-à-dire à cet air si grand, si noble, si magnifique qui vous est si naturel, à cet esprit si pénétrant, si éclairé, si universel qui vous distingue encore plus que votre naissance, à cette délicatesse que tout le monde admire dans toutes vos actions, comme dans toutes vos paroles, à ces manières si aisées, si honnêtes, si engageantes, si peu communes, qui vous attirent l’estime et le respect de tous ceux qui ont l’honneur de vous voir. À vous dire le vrai, Mademoiselle, l’idée de tant de rares qualités me sera d’un grand secours, et un esprit qui en sera rempli, goûtera bien mieux le ridicule d’une bourgeoise qui se guinde pour s’élever, et qui rampe à tout moment, en croyant se soutenir dans son élévation imaginaire. Suivant la bonne ou méchante coutume de nos frères en Apollon, je ne vous dirai point que cette pièce n’est pas digne de vous : pourquoi vous en avertir ? vous ne le verrez que trop tôt. Une seule chose m’embarrasse ; c’est comme je n’ai jamais fait d’épître dédicatoire, je ne sais de quelle manière me prendre pour vous dire avec le ton et la grâce digne d’un auteur que je suis avec un profond respect,

Mademoiselle,

Votre très humble et très obéissant serviteur…