À Madame la dauphine.
Madame,
Je vous offre cette tragédie, parce qu’elle doit tout son mérite et son succès à votre seule approbation. Le public a réglé avec soumission et avec plaisir son jugement sur le vôtre, et les larmes dont vous avez honoré le déplorable sort d’Andronic, ont été suivies de celles de tout Paris. Quel bonheur pour moi d’avoir mis au jour un ouvrage qui ne vous ait pas déplu ! Et quelle joie pour les auteurs tragiques d’apprendre que vous vous laissez attendrir par la représentation de leurs poèmes ! Mais, Madame, ces mouvements généreux, et cette noble pitié que ces spectacles inspirent aux belles âmes, ne font pas tout le plaisir que le théâtre vous donne ; vous en goûtez sans doute un plus agréable et plus glorieux, en comparant votre destinée à celle de ces illustres infortunés que la scène expose à vos yeux. Vous trouvez d’abord que toutes leurs disgrâces ont été causées ou par les persécutions de la fortune, ou par la tyrannie de leurs passions, et vous voyez en même temps que vous êtes pour jamais à couvert de ces deux sortes de malheur. Fille de Louis le Grand, la fortune ne peut vous nuire, elle respecte tout ce qu’il aime, et semble prévenir ses moindres désirs, ou plutôt elle cède à la prudence et à la valeur de cet adorable monarque. Pour les passions, on sait que vous ne les connaissez que chez les autres, ou que si votre cœur est sensible à quelques-unes, elles sont véritablement des vertus. Aussi l’Europe vous regarde comme le modèle des princesses qu’elle élève : heureuses celles qui profiteront de vos exemples, et plus heureux moi-même si je puis un jour dépeindre une héroïne en qui la France reconnaisse quelques-uns de vos traits. Je suis avec le plus profond respect,
Madame,
Votre très humble et très obéissant serviteur,
Campistron.