À son altesse royale Madame.
Madame,
Je présente à votre altesse royale le recueil des scènes françaises qui ont été jouées sur le Théâtre italien, et dont quelques-unes ont eu l’avantage de vous divertir, quand vous avez honoré nos comédies de votre présence. Je sais bien que quand on verra le grand nom de votre altesse royale à la tête de ce livre, il n’y a personne qui ne soit surpris du peu de proportion qu’il y a entre un nom si auguste et de pures bagatelles. Mais, Madame, ce qui peut justifier ma conduite en cette occasion, c’est que je n’ai pas eu de choix à faire, et que les obligations infinies que j’ai à votre altesse royale qui m’a fait ce que je suis, et l’approbation qu’elle a bien voulue donner à quelques-unes de ces scènes détachées, m’engageait indispensablement à les lui offrir. Comme c’est un devoir dont je m’acquitte, j’espère qu’on ne regardera pas ce que contient mon présent, et qu’on me rendra la justice de croire, que si je n’offre que des bagatelles à votre altesse royale, c’est que je n’ai que des bagatelles à lui donner. Que je serais heureux, Madame, si la lecture de quelques-unes de ces scènes pouvait vous faire le même plaisir que vous avez trouvé dans leur représentation. Je sais bien qu’elles ne sont pas toutes d’égale force, mais Madame, elles ne sont pas toujours exposées à des juges aussi éclairés que votre altesse royale, et chacun trouvera de quoi s’y divertir à proportion de la délicatesse de son goût. N’attendez pas, Madame, que suivant le style des épîtres dédicatoires, j’aille étaler ici ces grandes qualités qui vous rendent les délices de la cour, et l’admiration de toute la France. Cette matière est trop hors de ma portée, je borne mon ambition à l’honneur de vous divertir, et je me tiens trop heureux d’apprendre ici à tout le monde, que je suis avec un très profond respect,
Madame,
De votre altesse royale,
Le très humble, très obéissant et très soumis serviteur,
Évariste Gherardi.