Transcription Transcription des fichiers de la notice - Dédicace de <em>Sabinus</em> Passerat, François 1695 chargé d'édition/chercheur Lochert, Véronique (Responsable du projet) Véronique Lochert (Projet Spectatrix, UHA et IUF) ; EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle) PARIS
http://eman-archives.org
1695_passerat_sabinus 1695 Fiche : Véronique Lochert (Projet Spectatrix, UHA et IUF) ; projet EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle). Licence Creative Commons Attribution – Partage à l'Identique 3.0 (CC BY-SA 3.0 FR)
<a href="https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k852851z" target="_blank" rel="noreferrer noopener">Gallica</a>
Français
L’auteur à Sabinus, en envoyant sa tragédie à son altesse royale Madame.

Où vas-tu t’exposer, Gaulois trop malheureux ?

Crains le triste succès d’un destin dangereux. Tu vas paraître aux yeux d’une sage princesse, Dont le discernement et la délicatesse, Pourront, d’un seul regard, dévoiler tes défauts, Et connaître ton faible et le peu que tu vaux. Si par un coup du sort, qu’on aura peine à croire, Tes vertus jusqu’ici t’ont acquis quelque gloire, Si, dans un doux séjour, d’illustres spectateurs Se sont daigné ranger entre tes protecteurs, Ne crois pas que ce soit l’effet de ton mérite : À leur seule bonté tu dois ta réussite, Et sans elle Éponine, en son affliction, N’eut jamais attiré leur approbation. De beaux yeux, il est vrai, t’ont donné quelques larmes On a plaint ton malheur, et senti tes alarmes, Et le public a vu le digne sang des rois* T’honorer, t’applaudir du geste et de la voix. Quelle nouvelle ardeur anime ton courage ? N’es-tu pas satisfait d’un si grand avantage ? Et n’est-ce pas assez qu’une pompeuse cour** Ait donné son suffrage à ton fidèle amour ? Ne crois pas rencontrer aux lieux de ta naissance Et la même faveur et la même indulgence ; Profite, si tu peux, de mes sages avis. Nul n’est jamais, dit-on, prophète en son pays. Par caprice, ou raison, tu verras cent critiques T’accabler à la fois de leurs traits satiriques. Si leur fureur s’obstine à te persécuter, Sans un ferme soutien pourras-tu résister ? Implore donc celui de la princesse auguste À qui tes pas vont rendre un hommage trop juste. Son cœur bon, généreux, et toujours bienfaisant, Te peut faire, contre eux, un rempart suffisant ; Un seul mot de sa bouche arrêtera leur rage, Et te rendra le calme au milieu de l’orage. Va donc lui demander un utile secours, Et mettre entre ses mains ta fortune et tes jours. La générosité dont un grand cœur se pique, Tout ce qu’à la vertu d’illustre et d’héroïque, Occuper, sans orgueil, le plus sublime rang N’est rien d’extraordinaire à celles de son sang. Car le Ciel à ce sang a donné, d’âge en âge, Aux femmes la sagesse, aux hommes le courage, Et prodigué pour lui les plus rares trésors Qui servent à former et l’esprit et le corps. Va, puisqu’il faut partir, te ranger auprès d’elle, Tâche d’en obtenir l’assistance fidèle, Et si jamais tes soins obtiennent ce support Tu peux, quoi qu’il arrive, espérer un beau sort.

* Madame l'Électrice de Brunswick, **La cour d'Hanovre