À Madame la princesse de Conti.
Ode.
Princesse en qui le Ciel par un heureux partage,
Du corps et de l'esprit assembla les beautés,
Voulant visiblement nous tracer une image
Des invisibles déités,
Je n'ose me flatter de l'illustre avantage
De chanter dignement vos nobles qualités.
Quel mortel assez téméraire
Peut entreprendre de le faire,
Si comme Phaéton il ne veut succomber,
En osant s'élever au-dessus de la nue ?
Un seul rayon de votre vue
Serait le trait fatal qui le ferait tomber.
Deux fameuses beautés que la Grèce a vantées,
Par mon faible pinceau, dès mes plus jeunes ans,
Ont de nos jours encore été représentées
Avec quelques traits éclatants
De cette Antiquité qui les avait chantées,
Et garanti leurs noms des outrages du temps.
Mais ce qui pour Iphigénie
A pu faire agir mon génie,
Celle qui dans les bois renfermait ses attraits,
Lorsqu'elle poursuivait les monstres d'Érymanthe
Ne fut jamais assez charmante
Pour pouvoir l'égaler au moindre de vos traits.
Cependant quand je vois qu'avec des yeux propices,
Qui semblaient exciter ces bouillantes chaleurs,
Vous avez de ma Muse accepté les prémices*,
Qu'Oreste a béni ses malheurs
Quand ses justes remords lui servant de supplices,
De vos yeux attendris ont fait couler des pleurs,
Quand je vois qu'après cet ouvrage,
Avec un égal avantage,
Méléagre par vous a vu fixer son sort,
Non plus contre une mère injuste et furieuse,
Mais contre l'envie odieuse,
Qui voulait lui donner une seconde mort,
Alors rempli de zèle et de reconnaissance,
Pour aller jusqu'à vous j'élève encor ma voix :
Ces yeux de qui l'amour emprunte sa puissance,
Quand il veut nous donner des lois,
Cet esprit, ces bontés, cette magnificence
M'ont pour ce grand projet animé mille fois.
Mais non, tout ce que je puis faire,
C'est d'admirer et de me taire.
Ces vertus dont l'éclat surprendra l'avenir
Me font crier d'abord, entrant dans la carrière :
« Ô Ciel ! Quelle vaste matière !
Par où la commencer et par où la finir ? »
* Adherbal.