À H. et P. Dame, Anne de Pons, comtesse de Marennes Br. Ch. Mont. et dame de la baronnie d’Oléron.
C’était Alexandre le grand, Madame, qui parfois laissant son manteau royal, mettant bas son sceptre et sa couronne, et comme se rabaissant de sa majesté, se jetait parmi ses favoris et autres gens de sa cour. Et se jouant avec eux, leur disait, sus compagnons, ébattons-nous, le roi n’y est pas. Lors un chacun faisait avec lui du pair à compagnon. Puis quelque temps après, reprenant, avec ses sceptre et manteau, sa majesté royale : « Place, place » disait-il, voici le roi. Et soudain un chacun, se remettant en son devoir, l’honorait et ferait comme leur souverain seigneur. Si quelquefois, à l’imitation de ce grand prince, vous en avez fait de même envers les vôtres, continuez encore envers moi, je vous supplie, Madame. En vous jouant, dis-je, avec ma Muse, souffrez qu’elle se joue librement, et aille du pair avec vous pour l’heure. Ou autrement, puisque ces jeux poétiques ont été inventés et joués, les uns en votre faveur, les autres par votre commandement, lisez-les en vous jouant, ou vous jouez avec eux (et non d’eux) en les lisant de nouveau. Et tout ainsi que ci-devant il vous a plu les me demander et commander, je les vous dédie de même et donne à présent : si donner je puis ce qui est né en votre champ, et ne peut d’ailleurs être que vôtre. Car si l’auteur de ces jeux est votre officier et vassal, sa peine, et ainsi que lui, consacré à votre service. Je ne m’étendrai plus loin en excuses sur la nature, qualité ou suffisance de ces cinq petits jeux poétiques, tant par moi inventés, que traduits, ou imités des Latins à mon pouvoir heures de mon peu de loisir. Je dirai seulement, que si vous les daignez voir et ouïr du même œil et oreille, que quand ils furent joués, vous leur redonnerez l’âme que l’action première en votre présence leur donna, et que depuis ils semblaient avoir perdue ; et si ranimerez leur auteur, l’encourageant à mieux, quand il vous enverra recevoir non moindre plaisir qu’autrefois. Que si les choses sérieuses et utiles, par dix fois redites, plaisent, les jeux des muses n’étant du tout jeux, ni inutiles, par deux ou trois fois représentés, ne doivent point déplaire ou ennuyer. Au reste, j’ai fait imprimer ces miens écrits, pour, étant mieux réécrits, en être plus lisables. Je n’en rends compte qu’au seul désir de ma comtesse. C’est à elle de droit de contrôler, ou d’approuver mes actions. Il me suffit enfin, Madame, pourvu que je vous paye partie de ce que je vous dois, en espèce et monnaie qui vous agrée. Par votre seule acceptilations donc, suppléant au défaut de mon payement inégal à la dette que vous avez sur moi, je vous satisferai du vôtre même : demeurant cependant toute ma vie,
Votre très humble et très obéissant serviteur,
A. Mage, de Fiefmelin.