Transcription Transcription des fichiers de la notice - Poème d<em>e Holopherne</em> Amboise, Adrien d' (1551-1616) 1580 chargé d'édition/chercheur Lochert, Véronique (Responsable du projet) Véronique Lochert (Projet Spectatrix, UHA et IUF) ; EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle) PARIS
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1580 Fiche : Véronique Lochert (Projet Spectatrix, UHA et IUF) ; projet EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle). Licence Creative Commons Attribution – Partage à l'Identique 3.0 (CC BY-SA 3.0 FR)
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Français

Ode. À Madame de Broon.

  Muse, si dès mon enfance

J’ai cherché vos sentiers,

Et votre gentille danse,

Et le frais de vos lauriers,

Si vous m’avez fait la grâce,

Suivant votre docte trace,

De boire du pur cristal

Qui perle de sa rosée

La belle prée arrosée

De votre vallon natal,

  Ne me laissez à cette heure

Veuf de votre bon secours,

Ou bien sans vous je demeure

Au commencement du cours

Des louanges d’une dame

Douée d’une si belle âme

Qu’onques en forma le Ciel,

De qui a été l’idée

Saintement là-haut gardée

Comme un trésor non pareil.

  Elle prit place en ce monde

Comme un joyau précieux

Qui, tiré du bord de l’onde,

Fait honte au flambeau des cieux,

Ne pouvant des dieux le père,

Qui tout l’univers tempère,

Faire un œuvre plus exquis

Que celle qui en partage

Dès le bers de son jeune âge

Les vertus avait aquis.

  Tout ensemble la déesse

Sœur et femme de Jupin

Et la chaste chasseresse

Qui reçoit honneur divin

En sa terre délienne,

Pallas et la Cyprienne,

Lui donnèrent leurs présents :

Grandeurs, chasteté parfaite,

Beauté, signe manifeste

Que vertu luit au-dedans.

  Et comme Diane passe

De ses nymphes le troupeau,

Cette dame ainsi surpasse,

Comme un miracle nouveau,

Ses égales en la France,

Étant de telle excellence

Que Phébus en la grandeur

De cette ronde machine

N’en œillade une plus digne,

Ni qui mérite plus d’heur.

  Aussi le fit bien paraître

Le ciel son destin roulant

Lui faisant prendre son être

D’un père si excellent,

Qui d’une accorte sagesse,

D’une invaincue prouesse

A mérité les honneurs

Que le roi, pour la vaillance

Et la longue expérience,

Donne aux loyaux serviteurs.

  Quand les troupes d’Allemagne

Et les scadrons basanés

Des mi-maures de l’Espagne,

Et les Hongres forcenés

Contre le français empire,

Voulaient gâter, et détruire

Les murs de Metz la cité

Où la forte destinée

Contre Charles obstinée

Son outre avait limité,

  Lui, d’un indompté courage

Soutint la brusque fureur,

Le dépit, l’orgueil, la rage

De ce superbe empereur,

Qui d’une faim enragée

La poitrine avait rongée,

Et se donnait en songeant

Tout l’empire de ce monde,

Depuis l’océanique onde

Jusqu’aux Indes d’Orient.

  La faux si dru ne moissonne

De Cérès les beaux présents

Que lui, chéri de Bellone,

Bouleversa d’Allemands

Et de nourrissons d’Espagne

Sur les bords que le Rhin baigne,

Empourprant ses claires eaux

Du sang de son adversaire,

Que son rouge cimeterre

Envoyait proie aux corbeaux.

  Pour sa vertu tant insigne

Henri prince très humain

De Metz et terre messine

Lui donna la bride en main ;

Charles voyant sa vaillance

Le fit Maréchal de France,

Où si bien il le servit

Que l’hérésie têtue

Dévotement combattue

Sous lui esclave se vit.

  Le fatal cheval de Troie

N’enfanta tant d’hommes forts

Quand les Grecs eurent en proie

De Priam les beaux trésors,

Comme la maison puissance

De Scépeaux et florissante

Produit de braves guerriers,

Qui d’une âme généreuse

Ont sur leur face poudreuse

Planté les plus verts lauriers.

  Mais pourquoi dis-je l’histoire

De votre père et aïeux,

Vu que votre seule gloire

Vous parangonne aux plus vieux ;

Votre sagesse admirable,

Votre bonté secourable,

M’apprêtent trop d’arguments

Pour faire ouïr vos louanges

Aux nations plus étranges

Et vous chanter hautement.

  Le Ciel de douce influence

Pour mari vous a donné

L’œil de Bretagne et de France,

Le généreux d’Espinay,

Race digne de ses pères,

Frère digne de ses frères,

Broon le mignon de Pallas,

Ce grand guerrier indomptable,

Qui s’est rendu redoutable

À nos rebelles soldats.

  Si je voulais d’ordre écrire

Toutes vos perfections,

Si j’entreprenais de dire

Vos heureuses actions,

Il faudrait que dans Parnasse

J’eusse des premiers pris place

Et que ma voix fût d’airain,

Car à sonner votre gloire

Qui a sur le temps victoire

Il faudrait l’archet thébain.

Adr. d’Amboise