À très haute et très excellente dame, Madame de Saint-Phalle, duchesse de Beaupréau, etc.
Madame, ayant un singulier désir de faire connaître à notre France combien l'honorent vos vertus et grâces divines, j'ai longuement douté si je devais faire ce tort à votre Excellence, à cet auteur et à moi-même de divulguer ce livret sous l'emprunt du beau titre de votre nom glorieux : à votre Excellence pour ne vous distraire de vos graves et vertueuses occupations ; à ce poète lequel bien qu'il soit consumé de tous points en toutes bonnes lettres et qu'il ait remporté plusieurs vertes couronnes de lauriers pour le prix par lui mérité sur le double théâtre français, si n'a-t-il jamais voulu être mis au nombre de ceux qui se hâtaient d'acquérir bruit par l'impression et à moi, qui ne puis sans rougir prendre à intérêt au coffre d'un mien ami ce de quoi peut-être Adonis qui fut le cher mignon du feu roi Charles d'heureuse mémoire, je l'ai choisi pour vous en faire présent, l'estimant quasi comme une chose mienne, tant pour ce qu'entre amis, comme l'on dit, tous biens doivent être communs, qu'aussi que le Sieur le Breton s'en allant me l'a laissé comme en dépôt, avec plein pouvoir d'en faire et disposer à ma volonté. Et m'assure qu'il me saura fort bon gré et en sera incité de vous donner encore sa Tullie, sa Charite, sa Didon, sa Dorothée, et le reste de ses belles Poésies qu'il tient cachées au grand regret de tous les bons esprits. Et d'autant, Madame, que je vois, qu'en cette grandeur honorable où vous êtes élevée, au premier rang des plus sages, belles et vertueuses de toute la France, vous ne dédaignez pas les humaines Muses pour douces et agréables compagnes. J'espère qu'à mon humble prière vous ne refuserez d'autoriser ce labeur et que pour le voir d'un bon œil vous lui départirez, s'il vous plaît, quelques heur
De Paris ce 3 novembre 1578,
De votre Excellence, très humble et très obéissant serviteur,
D'Amboise.