À la reine de Navarre.
Madame,
Il y a quelque temps que je présentai à Votre Majesté mon Olympe, imitation de l'Arioste ; vous lui avez fait tant d'honneur la voyant de bon œil qu'elle prend par là avantage et veut être vue de tous. C'est pourquoi je la donne au jour, l'accompagnant de l'Aminte de Torquato Tasso, que j'ai aussi habillé à la française. Mais offrant et AminteOlympe à Votre Majesté, je ne lui donne rien du mien. Il fait bon faire des présents aux dépens d'autrui. C'est toutefois une marque de bonne volonté qui semble l'enchérir sur ceux qui donnent de leur cœur, car il est à présupposer que celui qui donne jusques aux choses qui ne sont pas siennes, qu'il donnerait plus volontiers s'il avait de quoi, sans emprunter ses voisins. Encore me fais-je fort que vous, Madame, qui avec beaucoup d'autres langues, avez la langue italienne familière, trouverez en ces deux pièces que j'y ai apporté quelque chose du mien. En l'Olympe, je me suis jardiné avec plus de liberté, jusques à donner en quelques descriptions, cinquante et soixante vers de surcroît. En l'Aminte, je me suis restreint avec plus de sévérité, et tout autant que la conformité de la phrase française à l'italienne m'a permis. Et je ne pense avoir guère rien laissé égarer sous ma plume de ce que j'ai voulu qu'elle ait réservé, car j'ai trouvé son auteur inventif si plein et si serré que je n'eusse su perdre un mot que je n'eusse perdu ou perverti son sens, si bien tissue est sa liaison. Je l'eusse pu nommer traduction sans penser avoir guère violé la loi, n'eût été que je hais le nom esclave de traducteur. J'aime mieux avoir traL'Olympe a attiré L'Aminte en l'assurant d'un favorable accueil de Votre Majesté et je les ai assurées par le vôtre d'un favorable accueil de tous. Ce qui m'a confirmé en cette assurance pour la leur donner, c'est que j'ai su, Madame, qu'en vous ressouvenant de moi, j'ai eu cet honneur d'être ramentu de Votre Majesté avec avantage. Je n'avais jamais pensé que chose qui partît de moi pût contenter l'esprit si grand d'une si grande princesse. J'ai été heureusement trompé pour avoir eu cet heur sans me le promettre, qui était le plus grand que je pouvais attendre, et qui m'a porté au-delà de tout ce que je pouvais espérer. Ce me sera comme un chatouillement de gloire pour me pousser plus haut, et me faire oser quelque chose de plus grand, après que j'aurai fait voir quelques pièces que j'ai encore, lesquelles, Madame, je voue à Votre Majesté, comme je lui dédie tout ce qui sera de mon esprit, ne pouvant choisir pour moi une plus belle et plus digne table d'attente, pour y appendre les vœux et témoignages
Madame, vous donner l'entier accomplissement de vos désirs, avec continuation et accroissance d'heur et de santé, de Bordeaux en mon étude, ce 27 d'août 1584.
Votre plus que très humble et obéissant serviteur,
De Brach.