À très honnête et vertueuse damoiselle, Mademoiselle Malapart, femme de Monsieur André van der Meulen, jadis député de Messeigneurs les États de Brabant, en leur conseil d'État, et échevin de la très renommée ville d'Anvers.
Dès que passai la mer avec vous, Mademoiselle très honorée, en la compagnie de Monsieur votre mari et ses plus proches, mes grands amis et bons seigneurs, je vous ai toujours estimée et réputée vraie et fidèle mère pour avoir remarqué en vous une singulière cure et soin indicible d'élever votre enfant premier-né, je dis votre fille aînée, Mademoiselle Suzanne, laquelle vous aviez alors en votre sein et sur les bras, l'emmaillotant et traitant sur l'eau, si aimablement et doucement que rien plus, supportant en toute patience l'affliction d'abandonner vos biens et la patrie dont vous vous exilâtes volontairement pour le fait de la religion ; ce que considérant, me va souvenir de la tragi-comédie de Moïse, en son enfance exposé par sa mère au fleuve du Nil, laquelle je fis il y a quelques années jouer en Anvers, par les disciples de notre école et proposai dès lors à part moi que si quelque jour je la faisais mettre en lumière, que ce serait sous votre nom, m'y sentant étroitement obligé pour l'amitié qu'adonc je reçus de votre maison,
De Harlem, ce premier d'août 1597,
L'an 60 de la nativité de
Votre très humble et bien affectionné serviteur,
Pierre Heyns.