À très haute, et très illustre princesse, Madame de Montpensier.
Madame,
Ayant reçu tant de faveur de vous qu’à la première invitation vous avez daigné courtoisement honorer notre collège de votre présence, et avec toute patience attendre la catastrophe de notre action, encore que par aventure portée sur les ailes d’un prolixe sujet, elle semblât prendre un trop long vol, nous estimerions devoir être réputés les plus ingrats des hommes, si nous laissions obscurcir cette faveur signalée aux ténèbres de l’oubli, et ne la mettions en la claire lumière, pour être exposée à la vue de tous, afin de rendre quelque témoignage de la reconnaissance, que nous vous en devons. Car comme le soleil, épandant les rais de sa clarté sur le corps ténébreux de la lune, l’illumine et éclaircit : ainsi, votre belle présence élançant les traits de sa faveur sur toute notre compagnie l’a tellement illustrée, honorée, et embellie que j’ai été contraint contre toute ma résolution, et le conseil que les sages et expérimentés donnent sur telle occurrence, de n’attendre la neuvième année à donner congé à ce petit œuvre, mais sortant encore de dessus l’enclume rude, et n’ayant presque passé dessous la lime, lui faire voir le jour. Dieu veuille que ce ne soit sous un sort sinistre, mais plutôt heureux et prospère. Et ce qui m’en donne quelque bonne espérance, c’est votre faveur de laquelle targué, comme un Teucre sous l’invincible bouclier d’Ajax, il ne redoutera les poignants traits que l’envie malveillante vient ordinairement jeter à la traverse sur les louables desseins et efforts de ceux qui ne veulent croupir en la fange d’un loisir paresseux. Acceptez donc, Madame, ce petit présent, et le regardez, s’il vous plaît, d’un œil favorable, comme y ayant remarqué un présage d’une heureuse victoire et prospère succès des affaires de la France, Dieu veuille encore favoriser et effectuer le vœu qui y est de la paix, afin que chacun étant soulagé du travail de cette piteuse guerre, et vous aussi délivrée de toute appréhension de tous ses périls et hasards, jouissiez toujours avec tout heur et contentement de la présence de ce très magnanime et illustre prince votre très cher époux, ce que prie à Dieu avec toute dévotion.
Votre très humble, et très obéissant serviteur,
J. Behourt.