Transcription Transcription des fichiers de la notice - Dédicace de <em>Cammate</em> dans <em>Les Premières Pensées</em> Hays, Jean 1598 chargé d'édition/chercheur Lochert, Véronique (Responsable du projet) Véronique Lochert (Projet Spectatrix, UHA et IUF) ; EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle) PARIS
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1598_hays_cammate_dedidace 1598 Fiche : Véronique Lochert (Projet Spectatrix, UHA et IUF) ; projet EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle). Licence Creative Commons Attribution – Partage à l'Identique 3.0 (CC BY-SA 3.0 FR)
<a href="https://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb393341678" target="_blank" rel="noreferrer noopener">Arsenal 8-BL-15815</a>
Français

À Madame sœur unique du roi.

Madame,

Je ne sais comment cela se fait, mais en levant les yeux au ciel, lorsque la nuit est pleine de flambeaux, notre vue se tourne toujours la première vers les astres les plus clairs, et semble que les moindres feux ne soient que petites chandelles lumineuses, filles de ténèbres et d’obscurité. Parmi les bandeaux de notre siècle, je n’ai sitôt levé les yeux que je n’aie vu rayonner votre astre, et à voir la beauté de sa lueur, j’ai pensé que les humains lui devaient redevance. Moi, pour m’en acquitter, je suis venu appendre à l’autel de vos grâces ces premières pensées mêlées d’un sujet tragique lamentable et sanglant que votre esprit fort et hardi au jugement des bons écrits, prendra s’il lui plaît agréable. Tout y est trempé d’amertume, et n’est point de mon invention, dont je fais le plus de force de ma gloire : il est de Plutarque de Chéronée, au traité des vertueux faits des femmes. Si l’empire français était aussi avant planté dans les siècles à venir comme les exemples des Grecs et Latins sont aux siècles passés, nous ne serions en peine de reprendre leurs histoires comme des médailles antiques ; nous puiserions les eaux de nos fontaines, et par aventure n’aurions-nous pas fouillé jusques à l’argile que nous en aurions fait jaillir quelque ruisseau. Mais l’apprêt en serait peu savoureux, n’étant assaisonné de l’antiquité vénérable, le respect de laquelle est passé de longtemps par les voix de tout le monde. Quant aux amours de Hyacinthe et de Chrysolite, c’est une feinte tirée des mystères des Grecs. Aux beaux esprits de notre France, se sont toujours présentés des sujets qui en effet ne furent oncques, mais servent d’essais à leur humeur, et sont les élans de la prime jeunesse, qui ne peut regarder autre rivage, ni autre abord. C’est grand cas que ce sujet d’amour bien qu’il soit traité de tout le monde ; si est-ce qu’il se trouve toujours une toile non achevée, tant il porte avec soi de traverses et de détours. Pardonnez, s’il vous plaît, à ma hardiesse, et prenez pour un bon augure de l’accroissance de votre grandeur, quand le feu de vous servir nous emporte à vous présenter choses petites et légères que vous recevrez, s’il vous plaît, de bon œil, et de bonne main pour échantillon de ma faiblesse, et du désir que j’ai de demeurer toujours,

Madame,

Votre très humble et très obéissant serviteur Jean Hays du Pont-de-l’Arche, conseiller et avocat du roi, au baillage et siège présidial de Rouen.