À madame la marquise d'Havrech.
étant tout prêt de dire un dernier adieu aux Muses, autant ingrates en mon endroit comme Mars m'a quelquefois été peu favorable, et désirant de faire payer à la fortune, au comble entier d'un paisible contentement, l'usure des hasards et fâcheries qu'une ardente jeunesse m'a fait courir depuis quelque temps, déjà voisin du port et prêt à mouiller l'ancre, la connaissance de ma faute [NP] m'a fait rebrousser chemin et tourner la proue droit à ce double mont pour vous en rapporter ce petit présent, lequel, moyennant qu'il vous plaise le couvrir sous l'aile d'une favorable tutelle, se défendra de lui-même. Je sais que, méritant si peu, il est indigne de la lecture d'un si bel esprit que le vôtre, mais il me suffit qu'il serve pour arrhes du service très humble, lequel en moi vous est naissant méritoirement acquis, aimant trop mieux être jugé téméraire qu'ingrat. Vous verrez en cette tragédie la courageuse magnanimité des dames romaines et l'inespéré secours qu'elles don-[NP]nèrent à leur patrie, jà prête à courber le dos sous un joug étranger. Ce sujet vous regarde et, voyant en votre front la vertu empreinte, il s'envole, sortant de ma plume, en l'asile de votre protection. Recevez-le, s'il vous plaît, Madame, en votre sauvegarde, obligeant par ce bienfait un
Votre très humble et très obéissant serviteur,
Pierre Thierry.