Transcription Transcription des fichiers de la notice - Quand à Eunice un baiser gracieux Baïf, Jean-Antoine de chargé d'édition/chercheur Vignes, Jean (notice descriptive du poème) Équipe Joyeuses inventions ; EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle) PARIS
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Fiche : Équipe Joyeuses inventions ; EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle). Licence Creative Commons Attribution – Partage à l’Identique 3.0 (CC BY-SA 3.0 FR)
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Le 24. édition de Théocrite, auteur grec, fait latin par Heob. Essus, et depuis mis en français par Lazare de Baïf le jeune. Quand à Eunice un baiser grâcieux Voulais donner, d’un regard furieux Me regardant et se prenant à rire, Ces mots piquants ou semblables va dire : « Retire-toi, veux-tu, étant vacher, Ord et vilain, de me baiser tâcher ? Retire-toi, car ma petite bouche À ces pitauds de village ne touche, Pour la baiser tu n’es assez habile, C’est mieux le cas de ces mignons de ville, N’y prétends plus, tout pour néant tu y songes, Car seulement à ma bouche par songes Ne toucheras. Voyez quel doux regard, Ô quel parler ! quel visage hagard ! Quel plaisant jeu, quel honnête entretien ! Quel poil follet couvrant le menton tien ! Quels mols cheveux, que tu as les mains sales, Que ton gros bec est enlevé de galles ! Ô quel odeur sort dessous ton pourpoint ! Fuis-t’en de moi, et ne me souille point. » Ces mots finis, par trois fois tout soudain, Crache en son sein, comme par un dédain, Et son regard assuré sur moi met, Me contemplant des pieds jusqu’au sommet. Et rechignant regardait de travers, Tenant ses yeux comme à demi ouverts. Incontinent que j’ouïs ces mots dire, Mon sang ému se prit à bouillir d’ire Et de courroux, tant que pour la douleur Tout le mien corps prit vermeille couleur. Lors s’en alla, me laissant un remords Dedans le cœur qui me poind et me mord D’avoir été moqué d’une paillarde, Combien que j’aie une gloire gaillarde. Gentils pasteurs, dites-moi sans salace, Suis-je pas beau et plein de bonne grâce ? Mais quelque Dieu a-il point étrangé Beauté de moi ? m’aurait-il point changé ? J’ai vu le temps que de mon corps issait Une beauté, qui en moi florissait, Et mon menton, de barbe ayant couronne, Semblait un tronc que le lierre environne. Mes sourcils noirs rendaient la couleur vive Du large front et sa blancheur naïve. Quant à mes yeux, cet honneur me réserve, Qu’ils, en beauté, passaient ceux de Minerve. Plus que caille ma bouche souève était, Et un doux miel de voix dehors jetait, Car j’ai la voix douce, soit sur la flûte, Sur chalumeaux, cornets, ou que j’ajuste Par bons accords mes flûtes impareilles, Mon chant toujours est plaisant aux oreilles. Outre cela, ces filles de village, Par ces hauts monts vont louant mon visage, Et bien souvent à me baiser s’amusent, Où celles-là des villes me refusent Sans m’écouter, pource que suis champêtre, Menant aux champs les miennes vaches paître, N’ayant égard que le fils  Heuilé  = Bacchus De les mener autrefois s’est mêlé, Et que la mère à cet aveugle Archer Folle devint de l’amour d’un vacher, Tant qu’avec lui par bossues montagnes Vaches guidait et par ###plaines/pleines campagnes. N’a-elle aussi gardé dedans les bois Son Adonis et plaint à haute voix Quel homme était Endymion l’ancien ? N’était-il pas aussi du métier mien ? N’a-il été poursuivi de la lune Gardant les bœufs le long de la nuit brune ? Du mont Olympe au lit mien est venue Voir son ami se mettant toute nue, Pour à son aise avecque lui gésir. Et toi, Cybèle, as-tu pas déplaisir Pour un vacher, que pleures et lamentes ? Qui est celui pour lequel te tourmentes, Ô Jupiter, n’est-il pas vrai qu’il mène Vaches aux champs ? Eunice seule, haine Porte aux vachers. Pense-elle être plus belle Que n’est Vénus, la Lune, ni Cybèle ? Puis qu’ainsi va, Cythérée Princesse, Besoin serait que ton amour prit cesse, Ne hante plus mont, ville ni villette, Mieux vaut dormir la nuit froide seulette.