Il faisait un temps ravissant, un temps de poète : un clair de lune transparent faisait miroiter au large les longs plis du lac de Thoune ; de blanches vapeurs voilaient légèrement le dessin des rivages au loin du côté d’Unteersen et du côté de Thoune ; les montagnes, les collines, les arbres, les châlets, se voyaient sous des formes indécises comme dans une toile de Corot. La lune, blanche et rêveuse, se mirait comme Diane dans les eaux du lac, cachant comme elle à ses propres yeux une partie de ses charmes, en suivant lentement sa route à travers la nuit. Son jour vaporeux donnait aux choses un aspect fantastique. La brume cachait à demi des bateaux de pêche qui passaient au loin comme des fantômes dans ce clair-obscur ; mais on percevait distinctement la voix des pêcheurs, qui chantaient le ranz en jetant leurs filets : le rythme mélancolique de la plaintive pastorale des Alpes se répercutait vaguement dans l’écho des forêts, comme si les bergers du pays, assis devant leurs cabanes, répondaient aux bateliers. L’air du soir était tout imprégné de l’haleine des bois, apportée par la brise.