Transcription Transcription des fichiers de la notice - La danse des vagues, pp. 157-158 Laleau, Léon 1919 chargé d'édition/chercheur Boraso, Silvia (éd.) Silvia Boraso, Université Ca' Foscari et Université Paris Est Créteil ; projet EMAN, Thalim (CNRS-ENS-Sorbonne Nouvelle) PARIS
http://eman-archives.org
1919 Fiche : Silvia Boraso, Université Ca' Foscari et Université Paris Est Créteil ; projet EMAN, Thalim (CNRS-ENS-Sorbonne Nouvelle). Licence Creative Commons Attribution – Partage à l'Identique 3.0 (CC BY-SA 3.0 FR)
Français

Le jour s’était levé timide et d’une immense mélancolie grise. Il avait plu toute la nuit, incessamment, inlassablement, d’une de ces pluies monotones et lentes, aux gouttes lourdes qui donnent l’insupportable sensation, que sur les toits, des miliers [sic] de mauvais génies, chaussés de plomb, s’abandonnent à une étrange farandole, tandis que l’obscurité compacte est déchirée de temps en temps, par de violents éclairs, comme par les regards de feu d’un Dieu en furie.

Il pleuvait encore… Mais le vent s’était tu qui faisaient se lamenter les ferrures des portes et des fenêtres comme des voix humaines en détresse ; mais le tonnerre avait cessé le grondement infernal de ses roulements aux lointaines et vibrantes ondulations.

Il pleuvait encore. Il pleuvait toujours. Mais la pluie était douce, harassée, incertaine et sur les baies se déployait comme le treillis d’une toile métalique [sic], et, dans le vert lavé des arbres tombait avec la lenteur attendrissante d’une caresse. Tout semblait s’ennuyer sous le couvercle d’étain qu’était le ciel où le soleil paresseux, emmitonné de nuages sales et moites, semblait être un œil immense gonflé de larmes. Quelquefois, dans le silence lourd, le chant lointain d’un coq, ou les coups d’une heure oubliée sanglotée par une horloge voisine, et puis, le silence de la désolation qui suit les nuits d’orage et qui est comme le deuil de la nature devant la moisson emportée par les ruisseaux démésurément [sic] grossis.

Ainsi que le jour, Lucienne s’était levée, triste, mélancolique, comme si quelques liens sensibles reliaient aux choses, son cœur, son cœur si frémissant aux moindres douleurs depuis la minute où elle avait vu en son père l’ennemi de son bonheur.