Elle s’emplit les regards des dernières clartés du Jour, de tout ce qui reste de pourpre au couchant, comme pour avoir en elle, reflété pour toujours, dans la limpidité de son âme, le souvenir de ce crépuscule devant quoi elle vient d’apprendre et de sentir tant de choses, par la voix de son mari, par la voix irrésistible de l’Amour.
Sur la face de la nature, la voilette de l’ombre est graduellement descendue. Le contour des arbres du jardin s’imprécise et déjà le bleu du ciel a pâli sensiblement. Le soir fraîchissant glisse jusqu’aux dernières fibres du cœur de délicieux frissons. Lucienne se serre contre son mari, fortement, ainsi que pour, malgré l’enveloppe de leur corps, blottir contre l’âme d’Henri, son âme si frémissante. Elle penche la tête en arrière, pâmée et tendrement lasse de la douceur de l’heure. Comme elle va parler, troubler de sa voix la poétique majesté et la divine harmonie du silence où plongent comme dans la vague caresse d’un bain tiède, leurs cœurs émus, pour qu’elle se taise, contre ses lèvres déjà décloses, il applique ses lèvres palpitantes. Et dans l’enivrement de ce baiser, malgré l’ombre déjà complète, Henri surprend une vive lueur qui se lève dans les regards de sa femme. Lueur de joie, lueur d’espoir, pétillante, intense, comme celle de la petite étoile qu’ils ne voient pas, mais qui là bas, tout là bas, au parterre du ciel, fait, au dessus de leur nouveau bonheur, clignoter vivement ses paupières de clarté…