Montrant à Épaminondas le magnifique panorama de Port-au-Prince, étendu à leurs pieds – de la baie, où au ras de l’horizon, le disque rouge du soleil, exceptionnellement ce jour-là précédé du miraculeux et fugitif rayon vert, achevait de plonger lentement dans la mer :
-Ah ! s’écria-t-il, le beau pays que cela sera quand vous comprendrez et voudrez ! Écoutez-moi : plus de discordes ! Aux jeunes comme vous, non encore rongés par le mal révolutionnaire, il appartient d’inaugurer une ère nouvelle : celle de la régénération sociale dans la paix et par le travail. Moralisez le peuple, élevez-le, instruisez-le afin qu’il vous donne demain des gouvernants qui ne vous fassent ni rougir, ni trembler !
Puis, indiquant les masses sombres de la végétation de l’île entière – devant, sur les flots ; derrière, à travers les pics verts, baignés de tranquillité et de clarté crépusculaires – il dit :
-Là est l’avenir. Là est le peuple, celui en qui vous devez avoir toujours confiance, le peuple auquel il faut se dévouer. Celui-là ne manifeste pas dans les rues… Quand je verrai un homme de votre bourgeoisie quitter les villes, aller dans les montagnes et dans les plaines, s’atteler à cette œuvre de la lutte contre l’ignorance sous toutes ses formes, je croirai alors à sa bonne foi ! Je penserai : Celui-là est un citoyen, et il en faut quelques-uns comme ça dans votre pays.