Rien n’est plus coquettement vert que Kenscoff, tout au fond de sa vallée, au milieu de ses potagers de choux, de choux-fleurs, de betteraves, de radis, d’artichauts au cœur sans filaments, savoureux et tendre. Les petits pois de France, comme on dit dans le pays, y sont d’une délicatesse et d’un fondant exquis. Les pêches, qu’on ne trouve nulle autre part dans l’île, les pommes, les oranges, la fraise des bois, le melon d’Espagne aux longues côtes teintées de vert, celui de France onctueux et lourd, s’y récoltent sans efforts, presque sans soins. La violette y croît abondamment et parfume les moindres bosquets de ce ravissant canton. C’est vraiment le jardin d’Haïti, une nouvelle Touraine d’autant plus attrayante que la douceur du climat, la fraîcheur et la pureté du ciel font contraste avec la température torride qu’on vient de quitter il y a à peine quelques heures.

C’est aux bords de la rivière de Kenscoff que la caravane s’arrête. Le cours d’eau, modeste et paisible, descend presque sans bruit des hauteurs avoisinantes. Son joli cristal serpente à travers une double ceinture verte de laitues pommées, de cresson aux folioles étroites, juteuses, au goût excitant, de petits baumes, de charpentiers au parfum endormeur.