Du plateau de Furcy, élevé de dix-huit cents mètres au-dessus du niveau de la mer, la vue s’étend de tous côtés sur un incomparable panorama. La Coupe est aux pieds du village, perchée au sommet d’une montagne à l’extrémité de laquelle Port-au-Prince est couché. Au-delà, tantôt dans des masses brunes de verdure, tantôt sur la mer d’émeraude qui longe les côtes, c’est l’Arcahaie, Saint-Marc, Carrefour, Léogane ; c’est Jacmel et Marigot ; c’est la Croix-des-Bouquets et l’Étang. Dans la netteté éblouissante du ciel, les accidents du sol s’accusent avec vigueur ; certains motifs de végétation, dans des décroissements successifs, se détachent avec tant de précision, malgré la distance, qu’on les voit mouvants et animés. Ainsi, sous la caresse du vent, les palmistes lointains au stipe uniformément droit, à la flèche pointant comme des paratonnerres, à la ramure frontale luxuriante comme une énorme chevelure verte, ondulent avec des grâces d’éventail au manche prodigieux. Ce souffle qui descend des hauteurs, puissant et large, communique intensivement la vie qu’on entend, qu’on voit palpiter autour de soi jusqu’aux profondeurs de l’île. L’immense paysage est vivant, expressif au-delà de toute comparaison. Et de tout cela sort l’apaisement réconfortant, hygiénique des choses fécondes et belles. Qu’elles sont loin, les agitations hypocrites et mercenaires de nos villes ! Combien insoupçonnées ici, dans la vertigineuse poussée de cette végétation que limite la mer glauque aux rivages et tout à fait bleue à l’infini !...