Depuis le matin, un jour sans soleil, chose assez rare ici, s’était levé dans un ciel cotonneux et fuyant. Cela pénétrait et gerçait le cœur habitué à battre chaud et vif sous les baisers de l’astre. Dans l’atmosphère grise, d’immenses bandes de moire blanche, aux dentelures jonquille, flottaient. Un beau suaire, en vérité, que la mort en frais de coquetterie, offrait à ses futurs élus. Cette moire se transformait subitement tantôt en velours chiffonné, brossé à contre-poil, tantôt en plis floconneux de soieries très pâlement nuancées, d’une tristesse douce, d’un deuil résigné, fataliste. Sur le fond noir de leurs pieds massifs, les montagnes qui barrent la ville se profilaient comme des poternes énormes. À leur ombre, quelque mal finis, détrousseurs de basse-cour, décrivaient de grands cercles. On percevait le mouvement lent et sournois de leurs ailes sans distinguer, dans l’éther vaporeux, tout leur corps. Anges gardiens venant au-devant de ceux qui partent ou âmes des morts hésitant dans les bifurcations de l’infini, qui sait ? se demandaient les bonnes vieilles octogénaires songeuses au seuil des maisonnettes, guettant le rayon de soleil quotidien… Ce matin-là, le pinceau qui avait signé ce ciel aux caresses morbides devait être content : il glaçait les fiévreux dans leurs chambres closes, et montrait, quand ils levaient la tête vers lui, aux épeurés de la colonie étrangère, un linceul tendu à leur intention.
Vers midi, toutefois, un rais solaire déchira l’atmosphère. Mais cela ne dura pas et tout redevint terne, misérable. Ce soleil que M. Hodelin avait salué en mourant, il ne l’eut donc pas à son convoi.