Transcription Transcription des fichiers de la notice - La Vengeance de Mama, p. 52 Marcelin, Frédéric 1902 chargé d'édition/chercheur Boraso, Silvia (éd.) Silvia Boraso, Université Ca' Foscari et Université Paris Est Créteil ; projet EMAN, Thalim (CNRS-ENS-Sorbonne Nouvelle) PARIS
http://eman-archives.org
1902 Fiche : Silvia Boraso, Université Ca' Foscari et Université Paris Est Créteil ; projet EMAN, Thalim (CNRS-ENS-Sorbonne Nouvelle). Licence Creative Commons Attribution – Partage à l'Identique 3.0 (CC BY-SA 3.0 FR)
Français

Un calme profond, à peine coupé du clairon d’un coq réveillé par le pas des chevaux sur la route, enveloppait la terre endormie dans son repos laborieux. Des deux côtés, à l’abri de leurs clôtures de pieux entrelacés, les immenses champs de cannes se continuaient à perte de vue. Le vert intense, bien près du bleu foncé, de leurs feuilles visible dans le crépuscule, semblait former un long tapis d’espérance déroulé à l’infini. Dans un souffle à peine sensible, les tiges flexibles, gracieuses, s’inclinaient en un murmure de confidence, mollement les unes sur les autres. L’air était saturé de cette senteur spéciale aux guildiveries, faite de vesou, de râpe, de bagasse brûlée. Cela emplissait les narines, les poumons, les vêtements, se collait à la peau comme une vivifiante essence de travail et de force. Devant quelques habitations, deux ou trois cabrouets dételés obstruaient un côté de la route de leur lourd timon en travers. Les chevaux pointaient en arrivant dessus.

On prit à gauche, contournant de vastes espaces en friche, couverts de bayaondes, de campêches, de lataniers. Là, plus de clôtures, plus de toits de chaume où reposer la vue. Le silence encore : que différent pourtant de celui que l’on quittait ! L’un était le sommeil indispensable à la reprise, au réveil de la vie ; celui-ci était la solitude, l’abandon…