Après une station d’une demi-heure, nous avons repris la marche vers Furcy. Ici, dans la forêt des pins, le contraste est frappant ; le dernier morne de Kenscoff franchi, la nature sauvage apparaît dans toute son étonnante et mystérieuse beauté ; des chemins plus étroits, quasi abandonnés, quoique la pente y soit plus douce, une culture négligée, rudimentaire, des paysans grossiers, des chaumières pauvres, telle est la terre de Furcy tant vantée par les touristes, à cause de sa basse et douce température. La forêt des pins, quoique très dénudée en plusieurs points, dégarnie par la hache du bûcheron qui en tire quelques copeaux, garde encore son vierge aspect : la flore y est riche, des bégonias, des fushsias, de longues tiges portant des fleurs rouges, blanches, jaunes, dominent l’herbe drue ; au fond des vallons, l’on voit la belle mousse de Furcy, tant recherchée dans les crèches de la Noël, devenue l’objet d’un commerce très lucratif pour les oisifs du lieu. Furcy, il faut le reconnaître, représente le tableau continuel, émouvant, saisissant des scènes de la nature et des phénomènes de l’atmosphère : le brillant soleil aux riants coteaux, les nuages courant et parcourant les hautes cimes de Lasselle et de Belle-Fontaine, de la Nouvelle-Tourraine et de Thébaud, les pluies au fond des vallées et le beau temps à la plate-forme où s’élève la petite chapelle ; toutes ces manifestations de la volonté de l’Être suprême nous rappellent une Suisse sauvage et haïtienne : « de cimes, et au-delà des cimes d’autres cimes. »