Un silence se faisait peu à peu sur la lassitude qui semblait monter des rues de Port-au-Prince ; en même temps arrivait la brise dans une discrétion de caresse éparpillée à toute la ville, et qui courbait en un rythme tranquille les longues feuilles des palmiers. Alors tout s’atténuait dans l’atmosphère, la dureté des gestes, l’éclat des prunelles. C’était le crépuscule, l’heure grise et si douce aux âmes songeuses, aux corps las de la corvée quotidienne, aux consciences troublées, auxquels elle communique un peu plus brûlante qu’à l’ordinaire ; à l’horizon, sur la mer, s’allongeaient de gros nuages multicolores.
Loulou comprenait mieux que les autres jeunes filles la beauté triste du jour agonisant ; elle en sentait la poésie touchante par une disposition qui l’inclinait aux choses indécises qui lui faisait goûter particulièrement le jeu des nuances légères, la caresse du souffle crépusculaire, la mélancolie d’un rayon de lune.