Transcription Transcription des fichiers de la notice - Extrait : 1581 Gervais Mallot Trésor des histoires tragiques H01 extrait 5 Belleforest, François de 1581 chargé d'édition/chercheur Le Delliou, Marine Équipe Tragiques Inventions, Magda Campanini (Univ. Ca' Foscari-Venezia), Anne Réach-Ngô (UHA, IUF) ; EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle) PARIS
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1581 Fiche : Équipe Tragiques Inventions, Madga Campanini (Université Ca' Foscari), Anne Réach-Ngô (UHA, IUF) ; EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle). Licence Creative Commons Attribution – Partage à l’Identique 3.0 (CC BY-SA 3.0 FR)
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Français
Response du Comte au Roy par laquelle il luy promet de faire ce à quoy il s’estoit indiscretement obligé par sa promesse. Et se plaignant de l’infamie & deshonneur qu’il veut causer à toute sa race, il blasme sa brutale demande et son incontinence.
Sire, le sens me faut, la vertu me delaisse, & ma langue est muëtte, entendant vos
propos par lesquels je me sens reduit à deux si estranges & perilleux destroits, que passant par l’un ou par l’autre, force m’est de tomber en tresgrand peril : mais pour me resoudre au plus expedient pour vous, & moins honorable pour moy, vous ayant donné ma foy pour ostage, de vous secourir jusques à la perte de l’honneur & de la vie, je ne faudray à ma parole : & quant à ma fille, de laquelle vous m’avez requis, je lui decouvriray le tout, comme vous l’avez deduit. Bien vous adverty-je, Sire, que j’ay bien puissance de la prier, non pas de la forcer : baste qu’elle entendra de moy quel est vostre cœur envers elle : Mais je m’esmerveille & me plains de vous à vous-mesme, & me soit licite, Monseigneur, de descharger ma peine devant vous, plustost qu’avec vostre honte & mon eternelle infamie, elle soit par autre manifestée en public. Je m’emerveille encores de rechef, Sire, quelle presomption vous a esmeu, de penser commettre telle vilennie avec mon sang, & par un acte si lasche, le vouloir deshonorer, que jamais ne s’ennuya de faire service à vous & aux vostres : Helas ! infortuné pere que je suis, est-ce le guerdon & salaire, que moy & mes enfants devons attendre pour nostre loyal service, à tout le moins
si ne voulez estre liberal du vostre, ne cherchez point les moyens de nous oster l’honneur, & mettre un tel blasme sur nostre race : mais qui pourroit attendre pis de son mortel & capital ennemy. C’est vous, c’est vous, Roy Edouard, qui ravissez à ma fille l’honneur, à moy le contentement, à mes enfants la hardiesse de se retrouver en public, à toute nostre maison son ancienne gloire : C’est vous qui obscurcissez la clarté de mon sang, avec une tache si deshonneste & detestable, que la memoire n’en sera jamais esteinte : C’est vous qui me contreignez d’estre le ministre infame de la ruine totale de ma maison, & d’estre le rufien effronté de l’honneur de ma fille. Pensez (Sire) que c’est vostre devoir, de me donner ayde & faveur, quand les autres s’essayeroyent de me procurer tel vitupere : mais si vousmesmes m’offensez, ou sera desormais mon secours ? Si la main qui me devoit guerir, est celle qui me blesse, ou sera l’esperance de mon remede ? A ceste cause, Monseigneur, si je me plains justement de vous, & si vous me donnez occasion d'estendre mes cris jusques au ciel, soyez en juge, Monseigneur, car si vous voulez despouiller ceste desordonnée affection, je n’en demande que vostre invincible et genereux esprit pour
juge, d’autre costé je plains vostre fortune, pensant aux raisons par vous deduites, & de tant plus je vous plains, que vous ayant cogneu dés vostre jeune aage, vous m’avez tousjours semblé libre de passions, & non assujetty aux flammes amoureuses, ains tousjours addonné aux exercices des armes, & maintenant vous voyant devenu prisonnier d’une affection indigne de vous, je ne scay que juger tant la nouveauté d’un tel inopiné accident me semble estrange. Souvenez vous (Sire) que pour un simple soupçon d’adultere, vous estant encores fort jeune, fistes endurer la mort à Roger de Montemer, & ce que je ne puis prononcer sans larmes, feistes miserablement mourir vostre mere en prison : & Dieu scait combien vos couvertures estaient legeres & vostre soupçon assez mal fondé : pardonnez moy (Sire) si je m’avance tant de parler, & pensez un peu plus soigneusement à vos affaires, ne cognoissez vous à veuë d’œil, que vous estes encores tout enveloppé des guerres, & que vos ennemis dressent, les cornes jour & nuit pour vous surprendre tant par mer que par terre. Est ce doncques maintenant la saison de se donner en proye aux delices, & se laisser captiver aux Dames ? Où est ceste
en point ce qui vous à pleu me commander.