Transcription Transcription des fichiers de la notice - Extrait : 1581 Gervais Mallot Trésor des histoires tragiques H01 extrait 6 Bandello, Matteo 1581 chargé d'édition/chercheur Coiffard, Louise Équipe Tragiques Inventions, Magda Campanini (Univ. Ca' Foscari-Venezia), Anne Réach-Ngô (UHA, IUF) ; EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle) PARIS
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1581 Fiche : Équipe Tragiques Inventions, Madga Campanini (Université Ca' Foscari), Anne Réach-Ngô (UHA, IUF) ; EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle). Licence Creative Commons Attribution – Partage à l’Identique 3.0 (CC BY-SA 3.0 FR)
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Français
Je m’asseure, ma chere fille, que tu ne seras moins estonnée qu’esmerveillée, d’entendre ce que je te veux dire : & encore plus voyant le peu de raison que j’ay de t’en tenir les propos : mais d’autant que de deux maux le moindre tousjours doit estre esleu. Je ne doutte point que comme sage & advisée que je t’ay tousjours cogneue, que tu n’elise [sic] ce que j’ay choisy : quant à moy depuis qu’il à plu au Seigneur me donner la cognoissance du bien & du mal, jusques à maintenant, j’ay tousjours eu l’honneur en plus grande recommandation que la vie, d’autant que (selon mon advis) c’est moindre chose de mourir innocemment sans tache quelconque que de vivre en deshonneur & vitupere de tout le monde : mais tu sais quelle liberté a celuy qui est subjet sous la puissance d’autruy estant quelquefois contraint faire beaucoup de choses, non seulement contre son vouloir, mais qui pis est, contre sa propre conscience, estant plus souvent forcé selon la qualité du temps, & plaisir des Seigneurs chan-
ger de meurs & vestir nouvelles affections : ce que j’ay bien voulu reduire en memoire, d’autant que ce que je te pretens dire cy après en depend. Sçachez doncques ma fille, que hier après disner le Roy me feift appeller, & estant devant luy, & avec trefinstante & pitoyable priere, me requist tout baigné de larmes, de faire chose pour luy qui luy importoit de la vie. Moy qui, outre que je suis né son vassal & serviteur, ay tousjours eu une particuliere affection à son pere & à luy sans adviser autrement que c’estoit, luy engageay ma foy de luy obeir en ce qu’il me commanderoit, & allast-il de mon honneur & de ma vie. Luy se sentant assuré de ma liberalle promesse, après plusieurs propos accompaignez d’une infinité de sanglotz me descouvrant le secret de son cœur, me dit, que le tourment qu’il enduroit ne procedoit d’ailleurs que d’une fervente amour qu’il te porte. Mais Dieu immortel qui est l’homme tant consideré qui eust peu imaginer ou comprendre, qu’un Roy eust esté si impudent & effronté d’oser commettre une charge, tant deshonneste au pere à l’endroit de sa fille ? Tu vois ma fille, mon inconsiderée & simple, promesse, l’effrené vouloir d’un Roy passionné,
auquel j’ay respondu qu’il estoit en ma puissance de te prier, mais non de te forcer. A cette cause, ma chere fille, je te prie cette fois pour toutes, que tu obeisses à la volonté du Roy, & cognois que ce faisant, tu feras present à ton pere de ta chere & honneste pudicité, mesme que la chose sera si secrette, que la renonmée de ta faute ne touchera les aureilles d’aucun : neantmoins l’election est en toy, & la clef de ton honneur est en ta main : & ce que je t’en dy, est pour ne faillir de promesse au Roy.