Transcription Transcription des fichiers de la notice - Extrait : 1540c [Denis Janot] La châtelaine de Vergi BnF Extrait 01 1540c. chargé d'édition/chercheur Réach-Ngô, Anne Équipe Tragiques Inventions, Magda Campanini (Univ. Ca' Foscari-Venezia), Anne Réach-Ngô (UHA, IUF) ; EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle) PARIS
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1540c. Fiche : Équipe Tragiques Inventions, Madga Campanini (Université Ca' Foscari), Anne Réach-Ngô (UHA, IUF) ; EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle). Licence Creative Commons Attribution – Partage à l’Identique 3.0 (CC BY-SA 3.0 FR)
Français
[A1v] [blanc]

[A2r] La complainte et louenge que faict le Chevalier de sa dame Chastellaine du Verger.
[bois]

Entré suis en melencollye

D’amours et de leur doulce vie,

Car jamais en nulle saison

Ne veis que gens ayans raison

Comme dames et chevaliers,

Jolys clers et beaux escuyers,

Fillettes moult bien gracieuses

[A2v] Et pucellettes amoureuses,
Remplis de responces et beaulx ditz:

Par eulx ne sont point nulz lais ditz;

En eulx est toute courtoisie,

Toute doulceur sans villennie,

En acomplissant leur advis

Par leurs beaulx regardz et doulx ris,

Car doulx regard et ris joyeulx

Sont aux amantz delicieux.

Mais il fault tout premierement

Que ce soit faict celeement,

Car vray amant perd bien sa mye

Par faulx rapport et plains d’envye

Qui envenime et qui embouche

Par jalousie et male bouche,

Tant qu’il convient par desconfort

Aux vrays amantz souffrir la mort.

Pourtant supplie au dieu d’Amours

Qu’il confonde tous faulx jaloux,
Tous envieulx, tous mesdisans

Qui vont sur amantz mesdisans

Et leur font souffrir trop d’ennuytz

Par leur faulx parler jours et nuytz.

Aux vrays amantz face secours

Et leur doint ioye de leurs amours,

[A3r] Car sans ce vivre ne pourroit
Nul vray amant qui aymeroit

Dames de cueur loyallement

Sans penser en mal nullement.

Amours les vrays amantz faict vivre

Par l’esperance qu’i leur livre,

Car l’esperance les conforte

Et le vray talent leur apporte

De leurs cueurs à martyre offrir.

Esperance les faict souffrir

Les maulx dont on ne scet le compte

Pour la joye qui les surmonte,

Si vouldroye doresnavant

Le dieu d’Amours entierement

Craindre, servir, aymer, querir,

Honnerer, doubter, requerir,

Qu’il me vueille joye donner

De mes amours et consoler,

Car point n’a soubz le firmament

Plus belle ne plus advenant

Qu’est celle en qui j’ay mon cueur mis.

À la servir me suis submis

Comme à elle bien appartient,

En elle tout bien se contient,

Tout honneur et toute beaulté;

[A3v] Loyalle en cueur, en feaulté.
Les cheveulx blondeletz et longz

Aussi doulcette que coulons,

Fronc reluysant, sourcilz voultiz,

Les yeulx luysantz, beaulx et petis.

Elle a les joues vermeillettes

Et si a riante bouchette,

Le corps bien faict, et par droicture

Tres bien faict par bonne mesure,

Elle est assez grand par mesure:

Je ne sçauroye en nulle terre

De plus beau corps de femme querre.

Quant d’elle bien je me remembre

De la façon de chascun membre,

Je croy que soubz le firmament

On ne sçauroit aucunement

Trouver plus belle et gratieuse;

En tous ses faictz elle est joyeuse

Plus que nulle qui soit au monde,

En elle trestout bien habonde,

Haulte dame est et honnoree,

De toute noblesse paree.

Elle est niepce de mon seignour:

Prier ne l’oseroye d’amour

De paour que ne soye esconduyt,

[A4r] Mais touteffoys sans contredit
Il fault que mon cas elle sache,
Ou autrement je seroye lasche

Se à elle ne me declairoye.

Helas vray Dieu, je n’oseroye

Parler à elle par mon ame:

S’esconduyt suis, je suis infame

Et en dangier de desespoir.

Non pourtant certes j’ay espoir

Que d’elle receu je seray,

Tout droict à elle m’en iray

Quant certes mourir j’en debvroye,

À elle m’en voys droicte voye.

J’ay mainteffoys ouy compter

Que nul homme ne doibt doubter

À prier d’amours ou de jeux

Dames d’honneur ou de haulx lieux,

Car tant est de plus noble affaire

Et plustost luy doibt il plaire

De descouvrir sa volunté

À son amy. En verité,

À elle m’en voys vistement.

Comment le Chevalier entra dedans le vergier, et comment il salua la Dame la requerant d’estre sa loyalle amye sans deshonneur.