[bois]
[B6v] Honneur ayez celle journee,
Mon loyal seigneur et amy,
Eussiez vous pensé qu’ennemy
Vous fust ung de vostre maison,
Lequel est plain de desraison,
De deshonneur et villennie?
Or me dictes, ma doulce amye
Qui est celluy dont me parlez:
Dictes le point, ne le celez
Et ne soyez plus courroucee.
[B7r] Certes, je vous dy que couchee,
Vouldroys estre au lict de la mort:
Traÿson on vous faict à tort
Dont ne vous appercevez mye.
Et comment doncq, ma doulce amye?
Je ne sçay pourquoy vous le dictes.
De ses parolles je suis triste:
Jamais certes je ne tiendroye
Nulz traystres, se je le sçavoye,
Ne je ne me firoye en luy.
Vous debvez sçavoir que celluy
Qui m’a priee au long du jour
N’ayme vostre bien ny honnour,
Et m’a dit qu’il y a long temps
Qu’il a esté en ce pourpens,
Ne jamais ne me l’osa dire.
Si me suis pourpensee, beau sire,
Que certes je le vous diroye.
Certainement mieulx aymeroye
Mourir plustost cruellement
Que de vous faulcer mon serment.
Par quoy, mon doulx amy loyal,
Faictes que le tres deloyal
[B7v] Soit pugny bien amerement:
Offencé il a faulcement
Envers vous, je vous certifie.
Or me nommez sans tricherie
Celluy de quoy vous me parlez;
Dictes le moy, plus ne le celez,
Car j’en ay au cueur grand tristesse.
Mon seigneur plain de grand hault
C’est bien raison que le vous die,
Et que envers vous ne contredie
Chose contre vostre plaisir.
Le Chevalier à qui plaisir
Tous les jours pretendez de faire
Le jeu d’Amours m’a voulu faire,
Et souventeffoys m’a requise
Que m’abandonnasse à sa guise
Et à la sienne volunté.
Par quoy, mon seigneur redoubté,
Vous y debvez remedier.
Comment cecy? Jamais cuidé
Je n’eusse en jour de ma vie
Qu’il m’eust pourchassé telle follie.
[B8r] En luy si treffort me fioye
Que le jour que ne le veoye
Mon cueur estoit plein de tristesse.
Eslevé l’avoys en haultesse
Plus que nul qui fust en ma
Enragé suis, à dire court,
S’il est vray ce que allez disant.
Estre n’en peult contredisant.
Je vous promectz Dieu et mon ame:
Mettre m’a voulu à diffame
S’à luy me feusse habandonnee,
Mais plus cher mourir la journee
Eusse voulu qu’à luy complaire
Ne que de sa volunté faire,
Je vous promectz certainement.
Par le vray Dieu du firmament,
De ce cas je suis esbahy:
M’a il ainsi voulu trahyr?
Je prie à Dieu qu’il me confonde
Que plus l’aymoye que nul du monde,
En luy du tout je me fioye
Et mon secret tout luy disoye.
Pourchassé il m’a trahyson,
[B8v] Mais bien en feray la raison.
Point ne me trouvera si nice
Que de luy ne face justice:
Remedier je veulx au cas.
Comment
[bois]
Sa, mon conseil, plus que le pas!
Escoutez que je vous vueil dire:
Le cueur si me fend de grand yre
Tant que bien pres suis de la mort.