Transcription Transcription des fichiers de la notice - Extrait : 1540c [Denis Janot] La châtelaine de Vergi BnF Extrait 06 1540c. chargé d'édition/chercheur Davril, Claire Équipe Tragiques Inventions, Magda Campanini (Univ. Ca' Foscari-Venezia), Anne Réach-Ngô (UHA, IUF) ; EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle) PARIS
http://eman-archives.org
1540c. Fiche : Équipe Tragiques Inventions, Madga Campanini (Université Ca' Foscari), Anne Réach-Ngô (UHA, IUF) ; EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle). Licence Creative Commons Attribution – Partage à l’Identique 3.0 (CC BY-SA 3.0 FR)
Paris (Fr), Bibliothèque Nationale de France, BnF RES-YE-2963
Français

[B8v] Mais bien en feray la raison.
Point ne me trouvera si nice

Que de luy ne face justice:

Remedier je veulx au cas.

Comment le Duc appella ses conseilliers pour prendre conseil du cas imposé sur le Chevalier.

[bois]

Sa, mon conseil, plus que le pas!

Escoutez que je vous vueil dire:

Le cueur si me fend de grand yre

Tant que bien pres suis de la mort.

[C1r] Aucun m’a voulu faire tort,
Deshonneur et grand villennie:

Je ne sçay se je le vous die

Et se secret me le tiendrez.

Le premier conseiller

Ha, mon seigneur, et où direz

Vostre secret, sinon à nous?

Vous sçavez bien que sommes tous

À vostre noblesse obligez:

Pour nulle chose ne laissez

De nous dire vostre vouloir;

Mon frere, comme j’ay espoir,

Comme moy secret le tiendra.

Le second conseiller

Mon seigneur, point il n’adviendra

Que maintenez ung tel courroux.

Prenez vigueur et force en vous

Et faictes comme duc doibt faire:

Mais qu’il ne vous vueille desplaire,

Vostre faict à nous descouvrez.

Le Duc

Chers amys, puisque le voulez

De mot en mot le vous diray:

Jamais de tel cueur je n’aymay

Homme comme mon chevalier;

[C1v] Souvent l’avez bien peu cuyder
Au semblant que je luy monstroye:

Par mon baptesme plus j’aymoye

Que nul sur la terre vivant.

Pardonnez moy se j’en dy tant:

Il a faict trop grand mesprison

Envers moy, car par trahyson

Ma femme a voulu decepvoir

Pour sa compaignie avoir,

Faulcement et mauvaisement,

Par quoy je jure bon serment

Qu’en mon cueur j’en ay grand destresse:

Ma femme, la noble Duchesse,

Si m’a trestout le faict compté

Et de mot à mot racompté,

Comme tres saige et bien apprise,

Affin qu’elle ne fust reprise,

Car aussi le droict si le veult,

Helas,et se le cueur m’en deult,

Point n’en debvez avoir merveille:

N’est ce pas chose nompareille

Que celluy en qui me fioye

Et à qui tout mon cas disoye

M’a voulu decepvoir ainsi?

Il n’y a point ne ça ne cy:

[C2r] Par la raison mourir en doibt.
Le premier conseiller

Ha, mon seigneur, pour Dieu ne soit!

Ne vueillez faire tel oultraige:

Se vous seroit trop grand dommaige

D’ung si beau chevalier destruyre;

Ayder luy debvez, non pas nuyre,

Car il est gratieulx et gent,

Honneste, courtoys, diligent,

De lignee bien renommee:

Toute en est vostre court paree.

Certainement je ne croy mie

Que pensé il ait telle follie

Que de ma dame requerir

De deshonneur: plus cher mourir

Il auroit, je vous certifie.

Il est doulx, plein de courtoysie,

Servy il vous a longuement

Des sa jeunesse honnestement

Sans point de nul reproche avoir.

Premierement vous fault sçavoir

Qu’il vous a juré loyaulté

Sans point vous faire faulceté,

Et que vostre honneur garderoit

En tous les lieux où il seroit.

[C2v] Par quoy monsieur ne debvez mye
Luy faire si tost villennie

Sans estre du cas informé:

Pour cruel vous seriez nommé

Se aucun mal luy voulez faire.

Le second conseiller

Bien congnoys que dictes au contraire

De tout vostre entendement,

Et bien parleriez autrement,

Se vous vouliez, pour tout certain:

Point ne fault querir si loingtain

Les passages que alleguez.

Vous sçavez bien que vous trouvez:

Qui est traystre à son seigneur

Doibt mourir à grand deshonneur

Sans nulle contradition;

Par quoy eschet pugnition

Au chevalier, sans point mentir.

Et se vous voulez soubstenir

Le contraire de ce que dis,

Je dy moy sans nulz contrediz

Que le voulez favoriser

Et son grand deshonneur priser.

Par quoy je dy à mon advis

Que l’homme en ung tel cas surpris

[C3r] Trop endurer mal ne pourroit,
Car qui tout vif l’escorcheroit

Des maulx ne souffreroit assez.

Pourtant doncques plus n’en parlez

Et ne soubstenez que raison.

Le Duc

Or venons à conclusion:

Plus attendre je ne pourroye

Se vengeance de luy n’avoye.

Voulez vous plus riens replicquer,

Ny autre raison appliquer

Qui soubstenez le Chevalier?

Le premier conseiller

Certes, mon seigneur droicturier,

Envers vous ne veulx contredire,

Mais mon advis si est de dire

Que cestuy certes luy veult mal.

Je parle amont et aval

Pour celluy qui n’est pas icy:

Je cuyde s’il sçavoit cecy

Que bien se sçauroit excuser

Du cas qu’on le veult accuser.

Il me semble que bon seroit

Qu’à vous venir on le feroit:

S’il y vient bon signe sera,

[C3v] S’il n’y vient adoncq apperra
Qu’il a devers vous aucun tort;

Meure s’il a gaigné la mort.

Quant par devant vous le verrez,

Tout vostre courroux luy direz:

S’il se excuse justement

Ayez y bon entendement,

Et s’il ne sesçait excuser

Adoncq le pourrez accuser

À droict, et le faire mourir.

Le Duc

Par mon serment, j’ay grand plaisir

Que m’avez ainsi conseillé.

De ce cas suis esmerveillé:

Point je ne cuyde, par mon ame,

Qu’il ait pensé cestuy diffame,

Ne contre moy tel deshonneur

Qui suis son naturel seigneur.

Pourtant vostre conseil prendray:

Mon messaiger appelleray

Pour aller faire le messaige.

Comment le Duc envoye son messagier devers le Chevalier qu’il vienne parler à luy.