Transcription Transcription des fichiers de la notice - <em><em>Recueil de lettres de Voltaire, de M<sup>me</sup> du Châtelet et de Jean-Jacques Rousseau, préparé en 1782 pour une édition, par un ancien secrétaire de l'abbé de Sade</em></em> Voltaire (1694-1778) 1782-02-25 (date d'examen par le censeur) chargé d'édition/chercheur Macé, Laurence (révision et édition scientifique) Laurence Macé CEREdI, UR 3229 - Université de Rouen-Normandie ; projet EMAN, Thalim (CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle) PARIS
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1782-02-25 (date d'examen par le censeur) Fiche : Laurence Macé CEREdI, UR 3229 - Université de Rouen-Normandie ; projet EMAN, Thalim (CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle). Licence Creative Commons Attribution – Partage à l’Identique 3.0 (CC BY-SA 3.0 FR)
Avignon, Médiathèque Ceccano, ms. 2702
Recueil contenant 7 lettres adressées par Voltaire à l’abbé de Sade, 29 août, « c. » octobre, 3 et 25 novembre 1733, 12 février et 26 décembre 1764 et 23 janvier 1765 ; un poème intitulé « Les héros du Rhin, à M. le duc de La Trimouille », attribué faussement à Voltaire, d’après Bengesco [n° 2341] ; une « Épigramme de Voltaire » [ ?] « contre F*** » [Fréron] « Quand nous verrons dans les campagnes… », et quelques extraits de <em>La guerre civile de Genève</em>. Français Recueil contenant 7 lettres adressées par Voltaire à l’abbé de Sade, 29 août, « c. » octobre, 3 et 25 novembre 1733, 12 février et 26 décembre 1764 et 23 janvier 1765 ; un poème intitulé « Les héros du Rhin, à M. le duc de La Trimouille », attribué faussement à Voltaire, d’après Bengesco [n° 2341] ; une « Épigramme de Voltaire » [ ?] « contre F*** » [Fréron] « Quand nous verrons dans les campagnes… », et quelques extraits de <em>La guerre civile de Genève</em>.

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lettres de Voltaire, Romans, &c.

Ms 2702

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rectifier mon adresse

M° je vois dans la bibliographie de France à laquelle je suis abonné  que vous aller publiér une nouvelle edition de Voltaire. Je profite d'unedu occasion que depart d’un de mes amis pour la capitale pour vous faire parvenir quelques rectifications de peu d’importance à la verité mais qui pourtant pourront etre utiles pour votre nouvelle edition.

le hazard a fait ton  un de mes amis ancien secretaire de l’abbé de Sade auteur de la vie de Petrarque m’a donné dans le tems un manuscrit de lettres inedites de Voltaire &c.Chatelet. J. J. &c.qu’il avait eu l’intention de publier en 1782 en 1782 ce manuscrit étoit est paraphé à chaque page et approuvé par Mr. Guyot de [l’académie] et par un censeur le censeur Mr Guyot qui a dit qu’on en peut permettre tacitement l’impression a la date du 25 9bre 1782. Mais le censeur avait fait quelques suppressions et [interv] qui  causé qui ont causé l’erreur que je viens vous signaler. Je prends me sers de l’edition Renouard la lettre 215 et la lettre n°261 du tome 46 ne doivent en faire qu’une, la Lettre 261 n’étant forméecomposée que des suppressions faites par le censeur a la letre

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ainsi en résumé  la lettre 215 doit commencer par les cinq premiers vers de la lettre 261 ainsi donc.

Je n’ai pas sous la main la correspondance de Voltaire mais ainsi je ne puis pas verifier si une lettre autographe que je possede dans une collection est inedite. Elle est adressée par Mr de Voltaire à l’abbé de Crillon qui lui avait envoyé son ouvrage de l’homme moral. Si elle peut vous etre agreable je vous enverrai une copie ainsi que de celle de l’abbé de Crillon qui n’est pas sans merite.

N M

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Voltaire edition de Renouard. Tome 46 correspondance

 

Lettre 215. (la lettre 261 doit faire partie du n°215°)

commence par les cinq vers de la lettre 261 Ainsi donc vous quittez paris &c.

Ensuite le premier alinea de la lettre 215. apres cet alinea qui finit aux mots les femmes d’avignon vient la suite de la lettre 261

Au portrait que vous faites &c. et les 10 vers qui suivent. La version du texte est ensuite differente voici celle que j’ai.

Pour moi, Monsieur &c. ― me le faire aprehender vous savez que l’epitre a Uranie n’est pas de moi, d’ailleurs je craindrois plus pour l’auteur de la henriade où les papes sont mal menés que pour l’auteur de l’epitre où il n’est question que de la religion ; mais quoiqu’il en soit je ferois hardiment le voyage de Rome persuadé qu’avec beaucoup de louis d’or et nulle devotion je serois tres bien reçu

Nous ne sommes pas dans le tems d’une ignorante barbarie ou l’on faisoit bruler les gens pour un peu de philosophie aujourd’huy les gens de bon sens ne sont brulés qu’en l’autre vie.

Vient apres la suite de la lettre 215 on a déjà enlevé a Londres &c. Les 4 vers doivent etre supprimes ayant été mis avant

Dans le premier alinea du n°215. dans les mots c’est une femme que l’on ne connoît pas. Il y a un o au lieu d’un a que vous avez mis. Voltaire n’avait pas encore adopte sa nouvelle ortographe | 2eme alinea de 215° paroisse et [angloise] avec o françois

à la fin de la lettre apres la citation latine adieu le papier me manque vale

dans la lettre 225° meme volume le dernier vers de la premiere piece est ainsi

ou de villars ou de l’amour

tome 52

la lettre 190 doit etre adressée à l’abbe et non au comte de Sade ainsi que celle 376 dans cette derniere page 544 ligne deux2 il faut avignon, d’assouci et eux sont sauvés et en terres papales :

ligne 8 tem ― porelle qui vaut un peu mieux

On observera que Voltaire n’avait pas alors adopté l’ortographe qui substitue ai a oi dans une foule de mots

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Preface de l’editeur

Les ecrits qu’un auteur publie ne sont d’ordinaire que le masque sous lequel il nous presente son cœur. C’est dans une correspondance intime et secrette qu’il se dévoile en liberté.

Les lettres de M. de Voltaire a M. l'abbéMoussinot nous montrent cet homme fameux trés occupé du soin de sa fortune. Les services même qu’il rend ne paroissent rien moins que désintéressés.

D’autres lettres imprimées du vivant de M. de Voltaire par la Beaumelle sont fort loin de le peindre en beau.

Celles dont je fais part actuellement au public, bien superieures aux precedentes par leur stile ou par leur objet, n’offrent que peu de traits de la fausseté du

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pretendu philosophe. On y reconnoît partout le bel esprit rare qui converse avec un homme d’esprit.

J’ai joint a ce recueil un petit poëme fort agréable que M. de S. conservoit en manuscrit et qu’il dont il m’a dit plusieurs fois que M. de Voltaire étoit l’auteur. La chose ne paroitra douteuse à personne.

Après les lettres de M. de Voltaire le public verra sans doute avec bien du plaisir celles de son illustre amie. C’est un tresor veritablement precieux pour les litterateurs. Elles nous entretiennent fidélement de ce grand poëte dans les tems les plus agités de sa vie.

Si quelqu’un me blâme d’avoir mis au jour une correspondance destinée à rester secrette ; c’est à coup sûr un de ces êtres interessés à cacher leur turpitude et qui ne voudroient laisser dans

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3.

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les cœurs d’autres vertus que celles dont leur dissimulation puisse n’avoir jamais rien à craindre. En un mot, ce quelqu’un là fait une satire et ce n’est pas la mienne.

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M. LE FEVRE ? (cf. f°57, avant dernière ligne)

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4.

Elle est dans l’edition de Deterville sauf les retranchemens du censeur

a Paris 29. aoust 1733

ainsi donc vous quittez Paris les belles lettres et les beaux esprits vos etudes vos esperances pour aller dans le doux pays des agnus et des indulgences

Votre lettre, monsieur, pouvoit seule me dedomager de votre charmante conversation, la divine Emilie savoit combien je vous etois attaché et sait à present combien je vous regrette, elle connoit ce que vous valez, et elle mêle ses regrets aux miens. C’est une femme que l’on ne connoît pas elle est assurement bien digne de votre estime et de votre amitié. Regardez moi comme son secretaire, écrivez lui et

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ecrivez moi, malgré les amusemens que vous donnent les femmes d’Avignon. Au portrait que vous faites des habitans mâles et femelles du petit comtat de Papimanie

Je vois que le grand d’Assoucy eut aujourd’hui mal reussi car helas qu’aurait il pu faire avec son(1) lut et ses chansons auprés de vos vilains gitons et des déesses de Cythere le pauvre homme alors confondu eut quitté le rond pour l’ovale et se fût à la fin rendu heretique en terre papale.

Pour moi, Monsieur, je ne crains point

(1) dans ce vers ecrit en entier de la main de V. le mot lut se trouve ainsi ortographié.

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d’etre brulé dans les terres du St. Pere comme vous voulez me me faire aprehender. Vous savez que l’Epitre a Uranie n’est pas de moi, d’ailleurs je craindrois plus pour l’auteur de la henriade ou les papes sont mal menés que pour l’auteur de l’Epitre où il n’est question que de la religion ; mais quoiqu’il en soit je ferois hardiment le voyage de Rome persuadé que qu’avec beaucoup de Louis d’or et nulle devotion je serois très bien recu

Nous ne sommes plus dans les tems d’une ignorante barbarie où l’on faisoit bruler les gens pour un peu de philosophie aujourd’hui les gens de bon sens ne sont brulés qu’en l’autre vie.

On a deja enlevé a Londres la traduction

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angloise de mes lettres. C’est une chose assez plaisante que la copie paroisse avant l’original. J’ai heureusement arreté l’impression du manuscrit francois, craignant beaucoup plus le clergé de la cour de France que l’eglise anglicane.

Vous me demandez l’Epitre a Emilie, mais vous savez bien que c’est à la divinité même et non à l’un de ses pretres qu’il faut vous adresser, et que je ne peux rien faire sans ses ordres. Vous devez croire qu’il est impossible de lui desobéir, vous avez bien raison de dire que vous auriez voulu passer votre vie auprès d’elle : il est vrai qu’elle aime un peu le monde.

Cette belle âme est d’une étoffe qu’elle brode en mille façons [paraphe]

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son esprit est très philosophe et son cœur aime les pompons

mais les pompons et le monde sont de son age, et son merite est au-  dessus de son age, de son sexe et du notre.

J’avouerai qu’elle est tirannique il faut pour lui faire sa cour, lui parler de métaphysique, quand on voudroit parler d’amour.

Mais moi qui aime assez la metaphysique et qui préfére l’amitié d’Emilie à tout le reste, je n’ai aucune peine à me contenir dans mes bornes.

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mes bornes.

Ovide autrefois fut mon maitre c’est à Loke aujourdhui de l’etre l’art de penser est consolant quand on renonce à l’art de plaire ce sont deux beaux metiers vraiment mais ou je ne profitai guere

J’aurois du moins fait quelque profit dans l’art de penser entre Emilie et vous j’aurois été l’admirateur de tous deux. Je n’aurois jamais été jaloux des preférences que vous meritez j’aurois dit de sa maison, comme Horace de celle de Mecene

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7.

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nil mihi officit unquam ditior hic aut est quia doctior est ... cuique suus.

Mais vous allez courir à Avignon,Emilie est toujours à la cour, et cette divine abeille va porter son miel aux bourdons de Versailles, pour moi je reste presque toujours dans ma solitude entre la poesie et la philosophie.

Je connois fort M. de Caumont de reputation et c’en est assez pour l’aimer, si je peux me flatter de votre suffrage et du sien.

Sublimi feriam sidera vertice.

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adieu. Le papier me manque Vale

V

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Ce lundi

Voila une fort mauvaise copied’Adelaide mais je n’en ai pas d’autre, vous n’aurez pas besoin de mes vers pour vous amuser en chemin. Votre imagination et votre compagne de voyage vous meneroient au bout du monde. Cependant prenez toujours ce chifon de tragedie pour les quarts d’heures où vous voudrez lire des choses inutiles. Si vous voulez en procurer une lecture au petit gnome1 correspondant des savants, vous êtes le maitre. Quand vous serez arrivé a Toulouze, voyez je vous prie mon ami daguebert conseiller au Parlement. Je le croi

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M. de Camusat

au fonds digne de vous quoiqu’il n’ait pas de brillant. Vous lui ferez lire cette piece, mais point de copie. Adieu bon voyage, mille respects, tendre amitié.

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9.

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A Paris ce 3 novembre 1733

Vous m’avez ecrit, Monsieur, en arrivant et je me suis bien douté que vous n’auriez pas demeuré huit jours dans ce pays là que vous n’écririez plus qu’a vos maitresses. Je vous fais mon compliment sur le mariage de M. votre frere mais j’aimerois encore mieux vous voir sacrer, que de lui voir donner la benediction nuptiale. On s’est très souvent repenti du s.t sacrement de mariage et jamais de la s.te l’onction épiscopale. Je viens d’écrire a M. de .... cette petite guenille.

Vous suivez donc les étendarts

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de Bellone et de l’himenée vous vous enrolez cette année sous Car.... et sous Villars. Le doyen des heros, une beauté novice vont vous occuper tour à tour et vous nous aprendrez un jour quel est le plus rude service ou de Villars ou de l’amour.

Ceci n’est bon que pour votre trinité indulgente. Je vous destinois des vers un peu empoulés. C’est une nouvelle edition de la Henriade. J’ai remis entre les mains de M. de Malijac, un petit paquet

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contenant une Henriade pour vous et une pour M. de Caumont. Je vous remercie de tout mon cœur de m’avoir procuré l’honneur et l’agrement de son commerce, mais c’est à lui que je dois à present m’adresser pour ne pas perdre le votre. Il semble que vous ayez voulu vous défaire de moi pour me donner à M. de Caumont, comme on donne sa vieille maitresse à son ami. Je veux lui plaire mais je vous ferai toujours des coquéteries. Je ne lui ai pas pû envoyer les Lettres en anglais, parce que je n’en ai qu’un exemplaire. Ni en francais parce que je n’en ai qu’un exemplaire ne veux point être

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brulé sitôt. Comment M. de Caumont sait aussi l’anglais ! vous devriez bien l’apprendre. Vous l’apprendrez surement, car Madame du Châtelet l’a appris en quinze jours, elle traduit dejà tout courant elle n’a eu que cinq lecons d’un maitre irlandois. En verité Madame du Chatelet est un prodige et avec genie on est bien neufsot à notre cour.

Voulez vous des nouvelles ? Le fort de RKell vient d’etre pris. La flotte d’Alicante est en Sicile et tandis qu’on coupe les deux ailes de l’aigle impériale en Italie et en Allemagne, le Roi Stanislas est plus empeché que jamais. Une grande moitié de sa

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petite armée l’a abandonné pour aller reçevoir une paye plus forte de l'electeur roy.

Cependant le roi de Prusse se fait faire la cour par tout le monde, et ne se declare encore pour personne. Les Hollandois veulent être neutres [et vendre librement leur poivre et leur canelle. Les anglais voudroient secourir l’empereur et ils le feront trop tard. Voilà la situation presente de l’Europe. mais à Paris on ne songe point à tout celà. On ne parle que du rossignol que chante M.elle de Petit pas, et du procés qu’à Bernard avec Cervandoni pour le payement de ses impertinentes magnificences. Adieu quand vous serez Las de toute autre chose souvenez- Vous que Voltaire est à vous toute

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sa vie avec le devouement le plus tendre et le plus inviolable.

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14 Elle est dans l’edition de deterville

a Paris ce 25. 9bre 1733.

J’interromps l’agonie pour vous dire que vous êtes une créature charmante. Vous m’avez écrit une lettre qui me rendroit la santé si quelque chose pouvoit me guérir.

On dit que vous allez être pretre et grand vicaire, voilà bien des sacremens à la fois dans une famille c’est donc pour cela que vous me dites que vous allez renoncer à l’amour.

ainsi donc vous vous figurez alors que vous possederez Le triste nom de grand vicaire qu’aussitôt vous renoncerez à l’amour au grand art de plaire ah tout prêtre que vous serez seigneur, seigneur, vous aimerez fussiez vous evêque ou St. Pere vous aimerez et vous plairez

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voilà votre vrai ministère vous aimerez, et vous plairez et toujours vous reussirez et dans l’Eglise et dans Cythere.

Votre prose Vos vers et votre prose sont bien assurement d’un homme qui sait plaire. Je suis si malade que je ne vous en dirai pas d’avantage et d’ailleurs que pourrais-je vous dire de mieux sinon que je vous aime de tout mon cœur. J’ai envoyé trois Henriades de la nouvelle édition à M. de C..... par M. de Malijac, une par M. Monsieur de Sozzi qui demeure à Lyon vis à vis Bellecourt. Je ne lui ecris point, et à vous je ne vous ecris gueres car je n’en peux plus. Adieu conservez bien votre santé, il est affreux

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de l’avoir perdue et d’aimer le plaisir. Vale vale. Ne parlez pas à Madame du chatelet de son anglais c’est un secret qu’il faut qu’elle vous aprenne. Adieu, je vous serai attaché tout le tems de ma courte et chienne de vie.

Volt.

N.a on observera que M. de Voltaire navoit pas alors adopté l’orthographe qui termine avec aisubstitue ai a oi dans la terminaison d’une foule de mots

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12 fevrier 1764.

Vous remplissez, Monsieur, le devoir d’un bon parent de Laure et je vous crois allié de Petrarque non seulement par le goût et par les graces ; mais parce que je ne crois point que Petrarque ait été assez saot pour aimer vingt ans une ingrate. Je suis sûr que vos mémoires vaudront beaucoup mieux que les raisons que vous donnez de m’avoir abbandonné si longtems ; vous n’en avez d’autre que votre paresse.

Je suis enchanté que vous ayez pris le parti de la retraite ; vous me justifiez par là, et vous m’encouragez. Si je n’étais pas vieux et presqu’aveugle Paul viendroit voir Antoine, et je dirais avec Pétrarque

move s’il vecchiarel canuto e bianco

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del dolce loco, ov’hà sua età fornita e dae la famigliuola sbigottitá, che vede il caro padre venir manco.

J’irais vous voir assurement à la fontaine de Vaucluse. Ce n’est pas que mes vallées ne soient plus vastes et plus belles que celles où a vècu Petrarque, mais je soupçonne que vos bords du Rhône sont moins exposés que les miens aux cruels vents du Nord. Le pays de Gex ou j’habite est un vaste jardin entre des montagnes, mais la grêle et la neige viennent trop souvent fondre sur mon jardin. J’ai fait batir un château trés petit, mais trés commode, où je me suis precautionné contre ces ennemis de la nature ; j’y vis avec une niéce

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que j’aime ; nous y avons marié Mad. lle Corneille à un gentilhomme du voisinage qui demeure avec nous ; je me suis donné une nombreuse famille que la nature m’avait refusée, et je jouis enfin d’un bonheur que je n’ai jamais gouté que dans la retraite, je ne peux laisser la famiglia sbigottita, vous feriez donc fort bien, vous, Monsieur, qui avez la santé et qui n’êtes point dans la vieillesse, de faire un pelerinage vers notre climat heretique. Vous ne craindrez point le souffle empesté de Geneve M.r le legat vous chargera d’agnus et de reliques, vous en trouverez d’ailleurs chez moi, et je vous avertis d’avance, que le pape m’a envoyé par M. le duc de C......., un petit morceau de l’habit de s.t Francois mon bon patron. Ainsi

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Vous voyez que vous ne risquez rien à faire le voyage. D’ailleurs, la ville de Calvin est remplie de philosophes, et je ne crois pas qu’on en puisse dire autant de la ville de la reine Jeanne.

Il y a longtemps que je n’ai été à ma petite campagne des Délices, je donne la préférence au petit chateau que j’ai bati, et je l’aimerai bien d’avantage si jamais vous daignez prendre une celule dans ce couvent, vous m’y verrez cultiver les lettres et les arbres, rimer et planter.

J’oubliais de vous dire que nous avons chez nous un jesuite qui nous dit la messe. C’est une

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espece d’Hebreu que j’ai recueilli dans la transmigration de Babilone, il n’est point du tout gênant, non tanta superbia victis. Il joue très bien aux echecs, dit la messe fort proprement ; enfin c’est un jésuite dont un philosophe s’accomoderait. Pourquoi faut il que nous soyons si loin l’un de l’autre, en demeurant sur le même fleuve ?

Je suis bien aise que messieurs d’Avignon sachent que c’est moi qui leur envoye le Rhône ; il sort du lac de Genêve sous mes fenêtres aux Delices. Il ne tient qu’à vous de venir voir sa source ; vous combleriez de plaisir votre

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vieux serviteur, qui ne peut vous écrire de sa main, mais qui vous sera toujours tendrement attaché.

V.

au chateau de ferney par Geneve  12.e fevrier 1764.

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26. decembre 1764. au château de ferney.

Vous avez écrit à un aveugle, Monsieur, et j’espere que je ne serai que borgne quand j’aurai l’honneur de vous revoir. Soyez sûr que je vous verrai de très bon œil s’il m’en reste un. Les neiges du mont Jura et des Alpes m’ont donné d’abominables fluxions que votre presence guerira. Mais serez vous en effet assez bon pour venir habiter une petite cellule de mon petit couvent ? Il me semble que Dieu a daigné me pétrir d’un petit morceau de la pâte dont il vous a façonné. Nous aimons tous deux la campagne et les lettres, embarquez vous sur notre fleuve, je vous recevrai à la descente du bateau, et je dirai benedictus qui venit in nomine apol-

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-loinis.

Je n’ai point encor entendu parler de votre second tome mais quand il viendra je ne sais comment faire pour le lire. Il y a trois mois que je suis obligé de me servir des yeux d’autrui. Jugez s’il y a quelque apparence au beau conte qu’on vous a fait, que j’avais mis quelques observations dans la Gazette Litteraire. Je ne lis, depuis longtems, aucune gazette, pas même l’ecclesiastique.

Il est juste que vous ayez beaucoup de jesuites dans Avignon. d’assouci eteux sont sauvés ils n'ont rien à craindre en terres papales : les parlemens ont fait du mal à l’Ordre mais du bien aux particuliers. Ils ne sont heureux que depuis qu’ils sont chassés. Mon jesuite Adam étoit mal couché, mal vêtu, mal nourri

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18.

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il n’avait pas un sou, et toute sa perspective étoit la vie éternelle. Il a chez moi une vie temporelle qui vaut assezagréable un peu mieux. Peut être que dans un an il n’y aura pas un seul de ces pauvres gens qui voulût retourner dans leurs colléges s’ils etoient ouverts. Du reste, nous ignorons, Dieu merci, tout ce qui se passe dans le monde, et nous nous trouvons fort bien de notre ignorance. Le meilleur parti qu’on puisse prendre avec les hommes, c’est d’etre loin d’eux, pourvû qu’on soit avec un homme comme vous. Mon indifférence pour le reste du genre humain augmentera quand je jouirai du bonheur que vous me faites esperer. Je prens la liberté d’embrasser de tout mon cœur le parent deLaure, et l’historien de Petrarque

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qui est de meilleure compagnie que son heros.

V. [paraphe]

19.

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du 23 janvier 177465.

Le second volume m’est arrivé, Monsieur, je vous en remercie de tout mon cœur ; mais M. Freron vous doit encore plus de remerciemens que moi. Il doit être bien glorieux ; vous l’avez cité et c’est assurement la premiere fois de sa vie qu’on l’a crû sur sa parole(1). Mais comme je suis plus instruit que lui de ce qui me regarde, je peux vous assurer que je n’ai pas seulement lû cet extrait de Petrarque dont vous me parlez. Il faut que ce Freron soit un bon chretien puisqu’il a tant de credit en terres papales. Vous m’avez traité comme un excomunié. Si la seconde edition de l’Histoire générale était tombée entre vos mains vous auriez vû mes remords et ma penitence d’avoir pris la rime quaternaire

V. 3.e lettre du tome 5. de l’Année litteraire de 1764.

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pour des vers blancs. Ces rimes de quatre en quatre n’avaoient pas d’abord frappé mon oreille, qui n’est point accoutumée à cette espece d’harmonie. Je prends d’ailleurs actuellement peu d’intérêt aux vers soit anciens soit modernes. Je suis vieux, faible, malade.

nunc itaque et versus et cætera ludicra pono.

Je n’en dis pas demême de votre amitié, et de l’envie de vous voir, ce sont deux choses pour lesquelles je me sens toute la vivacité de la jeunesse.

J’ai l’honneur d’etre, Monsieur, du meilleur de mon cœur et sans ceremonie, votre trés humble et trés obéissant serviteur. Voltaire.

23. janv. 1765 au chateau de ferney.

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20.

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Lettre de M. l’abbé Berb.... chanoine de ... a Paris au même

Monsieur

J’ai recu avec bien du plaisir et de la reconnoissance l’exemplaire dont vous avez bien voulu m’honorer, je n’aurois pas tant tardé à vous en faire mes remercimens sans les differentes affaires dont je suis accablé depuis un an ; votre ouvrage a fait la plus forte sensation dans la grande capitale, tous les gens de lettres l’ont lû avec un plaisir infini à peine eut il paru que je n’oubliai pas de lui faire rendre l’hommage qui lui etoit dû par M. Freron et M. Querlon qui attendent avec impatience les autres volumes. Je partage en quelque façon une portion des lauriers dont les muses couvrent votre tête par l’intérêt que je prens à tout ce qui

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vous regarde ; j’ai vû aussi dans le temps M.l’abbé Arnaud qui me communiqua la critique de l’Homere des Alpes, je l’engageai à ne point la faire paroître, ou qu’il la modifiât s’il y etoit contraint par les ordres de la cour, c’est ce qu’il a fait comme vous avez dû voir dans la Gazette litteraire, il faut avouer que cet habitant des Alpes est bien de mauvaise humeur, il m’a toujours paru qu’il voudroit en mourant que tout le monde litteraire expirât avec lui, je m’entretins dernierement chez le prince Colonne avec M. Froncel qui avait été nommé pour etre le censeur de votre ouvrage, il est si engoué de votre ouvrage qu’il donneroit toute sa biblioteque et tout ce qu’il posséde au monde pour en avoir fait seulement le premier volume..... &c.

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N.a C’est ainsi que M. de Voltaire soutient nie sans facon a son ami, qu’il ait mis quelques observations dans la Gazette Litteraire et il employe pour les y faire inserer les ordres de la cour. Voyez Gazette litteraire de l’Europe page 392.

[paraphe]

[paraphe]

22.

24

Fragmens de deux’une lettres de M. de S. a M. de Voltaire, lesa quelle Sertvent à entendre certains endroits des lettres precedentes et de celles qui suivent.

[paraphe] 1.er

... Je voudrois bien que vous puissiez venir ici vous mettre à l’abri de l’orage qui gronde sur votre tête, mais vous n’y seriez pas en sureté contre les foudres du Vatican et les fagots de l’Inquisition vous ne pourriez pas dire comme dassouci en y arrivant ; me voila sauvé, Dieu merci, car je suis en terre papale. Ce même tribunal à l’abri duquel d’assouci couchait avec son page, deployeroit ses rigueurs contre l’auteur de l’Epitre àUranie &c.... quand vous verrez Emilie après les premiers transports entretenez

vous un moment de moy .... &c.

2d

... nous prenons fort peu d’interêt aux evenemens de la guerre d’Italie et j’avoue pour moy qu’une de vos lettres me fait plus de plaisir que la nouvelle de la prise du château de Milan ; M. de Caumont pense à peu près de même. Il est fort engoué de vous. L’empressement que vous lui temoignez excite ma jalousie je cede à la demangeaison de vous crayonner l’homme pour qui vous me faites infidélité.

Sa figure est celle d’un gnome il écrit à tous les savans ceux de Paris et ceux de Rome il amasse à grands fraix d’antiques monumens de discours pésans il m’assomme il mange et dort voilà votre homme &c.....

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23.

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[paraphe]

[paraphe]

24.

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On imprime ici les vers suivans sont de Moncrif, ils n’ont gueres que le merite d’avoir occasionné ceux de M. de Voltaire et de servir à leur intelligence

Vers de Moncrif.

La fleur des enfans du Parnasse est arrivée en ces quartiers mais la cabale en vain pourchasse un jeune front ceint de lauriers.

Les generaux de cette armée s’empressent à qui l’heberger il est grace à la renomée mille Admetes pour ce berger.

Te voici donc Seigneur Voltaire ma foi tu sois le bien venu mais qu’il soit dit sans te déplaire que ton dessein nous est connû.

[paraphe]

[25 B

[Pour te faciliter l’histoire de chacun de nos generaux un soldat que l’on en peut croire fait leur portrait en peu de mots.

C’est d’Asfeld marechal de France qui succède au feu general le seul royaume de Valence a droit de lui vouloir du mal.

Vigilant, froid, infatiguable habile, bon ingénieur aux ennemis insupportable dans le combat mauvais railleur

Tingri que le soldat adore est aussi devant Philisbourg rien que de grand ne peut éclorre de la race de Luxembourg.

[paraphe]

25.

27

Le nouveau chevalier de l’ordre sur qui malgré tant de rivaux l’envie encore n’a pu mordre en merite a bien peu d’égaux.

Tu t’attends que je te le nomme mais non je ne le ferai pas devine eh bien la c’est cet homme qui sort de tous les embarras.

C’est ce dragon, ce capitaine dont Traubac a subi les loix et qui fait dans une semaine ce que d’autres font en un mois.

Jadis favori de ton roi Clermont toujours digne de l’etre ta valeur fait parler de toi plus que le sang qui te fit naître.

[paraphe]

Conti n’attend pas quatre lustres pour faire trembler les Germains sang des rois dont les moins illustres sont faits pour regir les humains.

Tant d’autres enfin dont l’histoire honorera leurs descendans et dont les noms à ma mémoire se refusent à contretems.

Tu veux encor savoir peut etre combien nous avons de soldats autant que d’hommes mon cher maitre quoique gascon je ne ments pas.

Mais encor qui peut faire vivre ce nombre infini de guerriers garde lui place dans ton livre car il merite des lauriers.

[paraphe]

26

28

C’est l’un de ces freres uniques qui quatre jadis n’ont fait qu’un bons financiers – bons politiques pensant au dessus du commun.

Consultés par les plus grands princes dans des tems remplis d’embarras et qui regiroient cent provinces surs de ne point faire un faux pas.

Mais tout Paris dis tu demande que fait donc Noailles là bas tout ce qu’il faut qu’on en attende il soupire après les combats.

Il veille, il travaille sans cesse homme de tête homme de main tous les jours il entend la messe et jeûne comme un capucin.

En un mot voici la justice que lui rend le camp tout entier Minerve en a fait son Ulisse

[paraphe]

Mars en a fait son grenadier.

Vers sur le même sujet et relatifs aux precedens.

Par M. de Voltaire

Les heros du Rhin

a M. Le Duc de La Trimouille

Je suis trop bon francais seigneur pour voir sans honte et sans aigreur cette impertinente ecriture dans tout Paris on en murmure oh ciel ! quelle pesante main barbouille nos heros du Rhin : un sot eloge est une injure à punir comme un trait malin ch. monsieur de l’academie

[paraphe]

27.

29

Laissez les chansons aux grivois ou prenez leur ton je vous prie moins bas et plus uni cent fois mangez chez le munitionnaire s’il est homme assez debonnaire pour vous admettre à ses repas mais ce riche à fait des ingrats il voudra bien encore en faire croyez moi donc ne payez pas en mechants vers sa bonne chere quelle lache indiscretion vous porte a róuvrir nos blessures et du Visé les dechirures peignez vous par aversion nos ruineuses avantures ? Malgré la bonne intention vous demandez que fait Noailles là bas, que fera-t-il demain notre pinceau l’habille enfin non pas d’une cotte de maille ou du casque de Duguesclin mais du manteau d’un capucin louons son esprit sa vaillance

[paraphe]

c’est l’homme de tous les talens Laissons au moine noir ou blanc les secrets de sa conscience : pour ce seigneur la verité c’est une œuvre bien meritoire de vous pardonner le grimoire où vous l’avez si bien traité : Revendiquez votre partage d’un ton au temps avoué de Phœbus chantez les sièges les blocus chefs et soldats dont le courage epargne la honte aux vaincus ; tracez mais d’une main hardie l’anglois qui chez nous accueilli y retrouve une autre patrie celui dont la mort et la vie ne craignent ni le prompt oubli ni le fade eloge avili par la bavarde confrairie Berwick joingnit auplus grand cœur la sagesse la plus profonde

[paraphe]

28.

30

il fut le modele et l’auteur d’une race en heros féconde entre ses fils au champ de Mars d’honneur il meurt et son sang les innonde que de gloire que de grandeur est-ce mourir ou de ce monde sortir en vrai triomphateur donnons la place et la puissance au Marcius de notre France a ce Dasfeld laborieux qui ne doit rien à sa naissance il se montre seul à mes yeux et que m’importent ses ayeux quelle race ne sera fiere, de commencer par un tel pere ! Muses, peignez de traits de feu celui dont il ne faut rien dire plutôt que de le louer peu

[paraphe]

L’apprentif qui l’ose décrire ne voit en lui qu’un cordon bleu j’y vois le vainqueur de l'envie qui par la force et le genie mit la fortune à la raison qui des débris de sa maison fit les fondemens de sa gloire aux grands projets donna l’essor et des aîles à la victoire et la trouvoit trop lente encor. Cet infatigable Belisle mene à ses cotés vole au combat ce frere son eleve agile qui jeune homme encor et vieux soldat mes chers voisins de la Bastille car je vous y vis tous les deux à votre nom mon sang petille je respire à vous voir heureux

[paraphe]

29.

31

Et vous augustes volontaires Clermon Conti princes charmans de la France vrais ornemens dignes heritiers de vos peres ah ! faut il qu’un grossier encens enfume vos lauriers naissans du soldat qui vous envisage goutez les applaudissemens Germanicus sut a votre age préférer ce naïf hommage au plus fastueux compliment Clermon a scu franchir l’obstacle qu’òn apposoit à son ardeur de tous les Condés son grand cœur reunit en lui le spectacle. Tu nous rendras jeune Conti ce heros chanté sur le Pinde que Fleurus Steinkerque et Nervinde Neerwinden ont vu valoir seul un parti ton digne ayeul dont le Sarmate à genoux eut recu des loix

[paraphe]

si cette republique ingrate meritoit d’avoir de bons rois ah puissai je avoir une voix egale au zele qui me flatte pour chanter un jour tes exploits. Je souhaite aux dieux de la terre à nos princes succès la guerre, plaisir la paix, bon tresorier sultane fringante et jolie fidele et toujours applaudie un brave et galant ecuyer mais surtout un bon secretaire du merite et du caractere de celui que Vendôme avoit le succés l’avoit fait connoitre. Campistron pensoit, ecrivoit de l’air dont se battoit son maitre Princes vos bontés sont d’un prix à non pas profaner l’usage Phœbus garde cet avantage à srd plus dignes favoris

il y a encore4 vers[paraphe]

31.

32

du 6.e 7.bre

Depuis que j’ai recu votre lettre, M.r j’ai éprouvé un des malheurs attachés à l’etat de mere. J’ai perdu le plus jeune de mes fils j’en ai été plus fachée que je ne l’aurois crû, et j’ai senti que les sentimens de la nature existoient en nous sans que nous nous en doutassions, sa maladie m’a fort occupée… je me suis mise dans les mathematiques depuis que la poësie m’a abandonné. J’aprends la géométrie et l’algebre, par un maitre que vs connoissez et qui en ecarte toutes les épines. Il me quitte pour aller philosopher à Basle avec M.r Bernouilly et moy je vais arranger mon chateau de Cirey au lieu d’aller à fontainebleau et preparer ces lieux pour vous y recevoir un jour… …on a joué une petite piece de Fagan apellée la Pupille, qui est ce que j’ai vu de plus joli depuis longtemps en comique, deux

[paraphe]

comedies de Piron qui sont tombées et l’opera d’Atis que la belle voix de M.lle Le Maure ne peut empecher d’etre fort ennuyant. On parle du retour de nos guerriers, celui de M. de Voltaire ne sapproche point on négocie toujours mais sans succés on n’en est encore qu’aux preliminaires, cette affaire est plus difficile que la paix generale et m’interesse bien autant, j’ai perdu ces jours ci un nommé Mezieres que vous avez vu chez moi, j’en suis fort fachée. Il est affreux de voir mourir les gens avec les quels on a vecu celui dégoute de la vie, mais si on pouvoit la passer avec vous on seroit trop heureux.

[paraphe]

32.

33

a Paris le 3 avril 1735.

Voltaire est enfin arrivé, je crois son affaire terminée si sa santé n’est pas bonne le plaisir de revoir ses amis lui fera je crois grand bien ñs vs regrettons ensemble il vous est tendrement attaché, s’il savoit que je vous ecris il joindroit les marques de son attachement aux assurances de la tendre amitié qui m’attache à vous pour ma vie.

[paraphe]

3 Janvier 1736.

… Je vis avec un homme pour qui je vous ai vû de l’amitié et qui la merite par son attachement pour vous, vous devez à cela reconnoître V. On va jouer une tragedie qu’il a faite depuis que vous etiez aux limbes. Lefranc est cause qu’il l’a donnée et il a valu cela au public par le mauvais procedé qu’il avoit eu de voler son

[paraphe]

sujet dont on lui avoit rendu compte. Nous allons jouer dans notre petite republique de Cirey une comedie qu’il a faite pour nous et qui ne le sera que par nous… Voltaire fait l’Histoire de Louis 14. et moi je newtonise tant bien que mal. Je ne sai si vous avez oui parler du voyage deMaupertuis et de Clairaut au pôle ils iront de la part de l’académie, vous avez sans doute les observations periodiques de l’abbé Desfontaines ce pirate de la littérature m’ôte le plaisir de vous envoyer une lettre en vers de Voltaire au M.r Argalotty jeune venitien qui vouloit être du voyage au pôle, uniquement par cette soif insatiable de voir et de connoitre qui caracterise les gens de genie, il merite cette epithéte à l’aage de 22 ans il a passé six semaines icy cet automne il a mis les sublimes decouvertes de M r Neuton sur la lumiere en dialogues qui

[paraphe]

33.

34

peuvent (au moins) faire le pendant de ceux de Fontenelle mais vous êtes peut etre curieux de savoir pourquoi l’abbé Desfontaines m’empeche de vous envoyer cette lettre, c’est parce qu’il la imprimée. Je ne sais trop comment il a fait pour l’avoir et nous en sommes tous fort fachés.

Bruxelles le 24…1740.

… J’y ai essuyé les deux seuls malheurs dont mon cœur fut suceptible. Celui d’avoir a me plaindre d’une personne pour qui j’ai tout quitté et sans qui l’univers si vous n’y etiez pas ne seroit rien à mes yeux, et celui d’etre soupconnée par mes meilleurs amis mêmes d’une action qui doit me rendre l’objet de leur mépris. Votre amitié est la seule consolation qui me reste mais il faudroit

[paraphe]

en jouir de cette amitié et je suis à 300 lieues de vous mon cœur n’est à son aise qu’avec vous, vous seul l’entendez et ce que les autres regardent en pitié comme une espece de deraison vous paroit un sentiment qui l’est dans votre nature, s’il n’est pas dans la nature, je ne sais pourquoi je vous ai avoué ce que je vous ai dit a Fontainebleau ne cherchez point de raison à une chose dont je ne connois pas bien la raison moi même je vous l’ai dit parceque c’est la verité et que je crois vous devoir compte de tout ce que mon cœur a senti ; aucune reflexion n’a produit cet aveu, et toute reflexion l’auroit empeché, je me le reprocherois et je m’en repentirois si je ne croyois être sure de votre caractére. C’est cette même certitude qui me fait me livrer sans crainte et sans remords à tous les mouvemens de mon cœur pour vous

[paraphe]

34.

35

sans doute le sentiment que j’ai pour vous doit être incomprehensible pour tout autre, mais il n’ôte rien à la passion éffrenée qui fait actuellement mon malheur on auroit beau me dire, cela est impossible j’ai une bonne reponse cela est, et cela sera toute ma vie quand même vous ne le voudriez pas… on me mande de Paris que mon livre réussit, il ne me manque que de voir sentir son succés.

[paraphe]

Le 3. fevrier

M De Voltaire travaille à l’Histoire des campagnes du roi, j’aurai soin de vous les envoyer.

[paraphe]

a Paris ce 10 avril 1743.

… Vous savez le resultat de notre affaire de l’académie, ni votre archeveque ni vous ni nous ne sommes contens. Je vous avoue cependant qu’il est bien plaisant de voir remplir une place destinée a M. de V. par M. de Bignon, celle de l’abbé Bignon est donnée à son neveu ce qui n’est gueres moins ridicules nous ne voulons plus y penser que la cour d’elle-même ne pense à nous. Ne croyez pas que nous nous soyons mal conduits. Qui n’entend qu’une partie n’entend rien et M. de Richelieu ne hait pas à condamner ses amis. Votre archeveque ne doit point être faché contre vous car M. de Mirepoix s’étoit chargé de lui mander le desistement et de plus nous esperions prendre la place par famine &c

[paraphe]

35.

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Paris ce 28 juin 1743.

… Imaginez vous que M. de Voltaire très mécontent dejà de tout ce qui s’étoit passé au sujet de l’academie a eté si revolté du refus que l’on fait de laisser jouer la tragedie de Jules Cesar qu’il s’en est allé en Hollande d’où il ira vraisemblablement en Prusse qui est tout ce que je crains, car le roy de Prusse est un rival très dangereux pour moi je suis dans la plus grande affliction et quoique je sente qu’il a bien quelque tort puisqu’à sa place je ne me serois pas surement en allé ; cependant ce que je sens le plus c’est ma douleur je suis resté ici dans l’esperance de faire jouer Cezar et de hater son retour je doute que j’y parvienne et en ce cas j’irai à la fin dejuillet à Bruxelles où il m’a promis de me venir trouver. Voilà mon etat, et mes marches &c.

[paraphe]

a Montjeu le 12 mai

Vous savez que mon amitié pour vous Monsieur, me fait compter sur la votre comme sur ma plus grande consolation dans mes malheurs je viens d’eprouver le plus affreux de tous. Mon ami Voltaire pour qui vous connoissez mes sentimens est vraisemblablement à present au château d’Ossone auprés deDijon il nous avoit quitté il y avoit plusieurs jours pour aller prendre les eaux de Plombieres dont sa santé a besoin depuis longtems, quand un homme de M. r de la Brisse intendant de Bourgogne m’a aporté une lettre de cachet [qui lui ordonne de se rendre audit Ossone jusqu’à nouvel ordre on a mandé qu’il etoit à Plombières je ne doute pas qu’il ne reçoive incessamment les ordres du roi et qu’il ne lui obeïsse il n’y a pas d’autre parti à prendre quand on ne peut les eviter je ne crois pas qu’il

[paraphe]

36.

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puisse etre averti avant de les reçevoir, il m’est impossible de vous depeindre ma douleur je ne me sens pas assez de courage pour savoir mon meilleur ami avec une santé affreuse dans une prison où il mourrera surement de douleur s’il ne meurt pas de maladie je ne pourrai ni recevoir de ses nouvelles ni lui en donner des miennes sous la puissance d’un pareil ministre implacable qui ne connoît que la vengeance et qui est innaccessible au aux sentiment les plus communs de l’humanité c’est bien dans une circonstance aussi affligeante que votre presence seroit necessaire à ma consolation je ne connois que vous avec qui je puisse pleurer le malheur de mon ami il me semble qu’il m’a encore plus attaché à lui je ne croyois pas que l’amitié pût causer une douleur si sensible vous qui la connoissez representez vous mon etat, helas

[paraphe]

dans quelles circonstances ai je recu votre lettre ! vous enviez le bonheur que je goute dans une société aussi pleine de charmes vous avez bien raison si cela avoit duré j’ai passé dix jours ici entre lui et Made de Richelieu je ne crois pas en avoir jamais passé de plus agréables ; je l’ai perdu dans le tems où je sentois le plus le bonheur de le posseder et comment l’ai-je perdu s’il étoit en Angleterre je serois moins à plaindre. J’aime assez mes amis pour eux mêmes la société feroit le bonheur de ma vie sa sureté en feroit la tranquillité mais le savoir avec la santé et l’imagination qu’il a dans une prison je vous le dis encore je ne me connois pas assez de constance pour soutenir cette idée. M.e de Richelieu fait ma seule consolation c’est une femme charmante son cœur est capable d’amitié

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37.

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et de reconnoissance elle est s’il est possible plus affligée que moi, elle lui doit son mariage, le bonheur de sa vie, nous nous affligeons et nous nous consolons ensemble mais que lui servent nos pleurs et nos regrets je ne vois nulle esperance MChauvelin est inflexible et je suis inconsolable je ne reparerai jamais la perte d’un tel ami, la coquetterie, le dépit, tout nous console de la perte d’un amant, mais le tems qui guérit toutes les playes ne fera qu’envenimer la mienne, il m’est impossible de vous parler d’autre chose. . . . . . . . . . . . . . . . . . . je serai obligée de m’en retourner incessamment à Paris je crains ce moment comme celui de ma mort, il me séparera de M.ede Richelieu qui n’y retournera pas sitôt et me mettra à portée d’entendre à tous momens des propos qui me desespereront

[paraphe]

je vais devenir bien misantrope je voudrois être à Caderousse avec vous puisque je ne puis pas etre a Ossone. On est bien malheureux de devoir tous ses malheurs à la sensibilité de son cœur sans la quelle il n’y a point de plaisir, je vous demande pardon de vous accabler de ma douleur mais c’est le seul inconvenient de l’amitié et de la confiance j’irai incessamment dans mon chateau les hommes me deviennent insuportables, ils sont si faux, si injustes si plains de préjugés, si tirranniques il faut mieux vivre seul ou avec des gens qui pensent comme vous, on passe sa vie avec des viperes envieuses c’est bien la peine de vivre et d’être jeune. Je voudrois avoir 50 ans et être dans une campagne avec mon malheureux ami madamede Richelieu et vous helas on passe sa

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38.

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vie à faire le projet d’etre heureux et on ne l’execute jámais, adieu Monsieur je pense que ma douleur diminue à mesure que je vous ecris mais je ne veux point abuser de votre amitié.

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a Paris le 23 novembre.

J’ai été cruellement payée de tout ce que j’ai fait a Fontainebleau, j’ai ramené à bien l’affaire du monde la plus difficile, je procure à M. r de Voltaire un retour honorable dans sa patrie, je lui rends la bienveillance du ministère je lui róuvre le chemin des academies enfin je lui rends en 3 semaines tout ce qu’il avoit pris à tache de perdre depuis six ans savez vous comme il recompense tant de zêle et tant d’attachement, en partant pourBerlin il m’en mande la nouvelle

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avec secheresse sachant bien qu’il me percera le cœur, et il m’abbandonne à une douleur qui n’a point d’exemple, dont les autres hommes n’ont pas d’idée et que votre cœur seul peut comprendre, je me suis échauffé le sang à veiller, j’avois la poitrine en mauvais etat, la fievre ma pris, et[49 C[j’espère finir bientôt comme cette malheureusemadame de Richelieu, a cela prés que je finirai plus vîte, et que je n’aurai rien à regretter, puisque votre amitié étoit un bien dont je ne pouvois jamais jouir, je retourne finir à Bruxelles, une vie ou j’ai eu plus de bonheur que de malheur, et qui finit d’elle-même dans le tems ou je ne pouvois plus la supporter, croirez vous que l’idée qui m’occupe le plus dans ces momens funestes c’est la douleur affreuse ou sera M. de Voltaire quand l’ennivrement où il est de la cour de Prusse sera

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39.

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diminué, je ne puis soutenir l’idée que mon souvenir fera un jour son tourment, tous ceux qui m’ont aimé ne doivent jamais le lui reprocher, au nom de la pitié et de l’amitié ecrivez moi a Bruxelles tout simplement je recevrai encore votre lettre et s’il me reste encore de la vie j’y repondrai et vous manderai l’assiete de mon ame dans ces momens qui paraissent si terribles aux malheureux et que j’attens avec joye comme la fin d’un malheur que je n’avois ni merité, ni prévu, adieu souvenez vous toujours de moi et soyez sûr que vous n’aurez jamais de meilleure amie.

Cette femme celebre a peu survecu a cette lettre elle est morte en aout 1749 a luneville.

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41        40.

sans datte

La conversation que je viens d’avoir avec vous me prouve que l’homme n’est pas libre, je n’aurois jamais dû vous dire ce que je vous ai avoué, mais je n’ai pû me refuser la douceur de vous faire voir que je vous ai toujours rendu justice et que j’ai toujours senti tout ce que vous valez, l’amitié d’un cœur comme le votre me paroit le plus beau present du ciel, et je ne me consolerois jamais si je n’étois sure que vous ne pouvez malgré toutes vos résolutions vous empecher d’en avoir pour moy au milieu du sentiment vif qui emporte mon âme, et qui fait disparoitre le reste à mes yeux, je sens que vous etes une exception à cet abbandonnement de moi-même et de tout autre attachement, j’ai tout quitté pour

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vivre avec la seule personne qui ait jamais pû remplir mon cœur et mon esprit mais je quitterois tout dans l’univers, or elle pour jouir avec vous des douceurs de l’amitié, ces deux sentimens ne sont point incompatibles puisque mon cœur les rassemble, sans avoir de reproche à se faire, je n’ai jamais eu de verittable passion que pour ce qui fait actuellement le charme et le tourment de ma vie, mon bien et mon mal, mais je n’ay jamais eu de verittable amitié que pourMadame de Richelieu et pour vous j’ai conservé le sentiment si cher à mon cœur au milieu de la plus grande yvresse, et je le conserverai toute ma vie, la seule chose qui y mêle de l’amertume c’est que vous ayez pû croire capable d’une indignité qui a du éxciter dans votre cœur l’indignation et le mépris, il est affreux qu’il y ait eu des tems dans votre vie ou vous avez

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41.

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eu ces sentimens pour moi, rougissez donc de votre injustice et voyez combien un cœur comme le mien est incapable de perfidie elle n’est pas dans ma nature et je suis de plus incapable d’avoir jamais cru une telle horreur de vous si on avoit osé vous en accuser, un cœur capable d’un amour si tendre et d’une amitié si solide ne peut l’être d’un crime, et c’en seroit un que les honnetes gens ne devroient jamais pardonner vous devez juger combien ces idées cruelles m’occupent, puisque je n’ai pu m’empecher de vous en parler au milieu de l’attendrissement que votre depart a mis dans mon ame, je suis heureuse de vous avoir revû quoique je ne doive plus vous revoir, je suis même heureuse par l’indiscretion que j’ai fait puisqu’elle vous a fait connoitre mon cœur, mais je serai bien malheureuse si vous ne me conservez pas votre amitié, et si

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vous ne m’en continuez pas les marques, vous me feriez repentir de la verité avec la quelle je vous ai parlé, et mon cœur ne veut point connaoitre le repentir, il ne lui manque qu’un ami comme vous pour etre aussi heureux que la condition humaine le comporte, voudrez vous mêler de l’amertume à mes plus bas jours, songez que vous avez à réparer avec moi et que vous ne pouvez trop faire pour me consoler d’avoir été soupconnée d’un crime par celui dans le cœur duquel j’aurois cru trouver ma justification. Adieu il n’y aura de bonheur parfait pour moi dans le monde que quand je pourrai réunir le plaisir de vivre avec vous, et celui d’aimer celui à qui j’ai consacré ma vie.

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42.

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du 17 fevrier

Je ne connois point de problême plus difficile à resoudre que vous quoi qu’il en soit j’ai pris mon parti de vous aimer et de vous le dire, je ne sais ce que me pourront valoir mes bons procédés puisque je n’en suis pas moins privée de votre commerce, vous m’ecrivez comme a votre énnemi, mais j’aime encore mieux vos lettres toutes singulieres qu’elles sont que votre silence, quand j’ai voulu vous envoyer la philosophie de Neuton je n’ai pas douté que vous ne l’eussiez quand même personne ne l’auroit dans votre ville, mais je ne voulois pas que vous tinssiez d’un autre que de moi un livre qui m’est dédié et d’ailleurs celui que je vous envoye est une seconde edition beaucoup plus correcte que la premiere, je sais qu’on peut faire beaucoup de critiques de ce livre, mais avec tout cela il n’y en a point de meilleur.

[paraphe]

en francois sur ces matiéres, car hors les memoires de l’academie des sciences il n’y a que des livres de physique pitoyables. Les dialogues d' Argalotti sont pleins d’esprit et de connoissance, il en a fait une partie ici et ce sont eux qui ont été l’occasion du livre de M. de V. Je vous avoue cependant que je n’aime pas ce stile là en matiére de philosophie, et l’amour d’un amant qui decroit en raison du quarré des tems et du cube de la distance me paroit difficile à digérer, mais en tout, c’est l’ouvrage d’un homme de beaucoup d’esprit et qui est maitre de sa matiere, l’Epitre à Fontenelle n’a pas réussi, il Neutonianismo per le dame dédié a M. r de Fontenelle a paru fort singulier car ce n’est ni comme femme ni comme neutonien qu’il

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43.

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a eu cet hommage il n’est pas plus l’un que l’autre il faut donc que ce soit comme mauvais plaisant, vous ne savez pas que c’est mon portrait qui est à la tête du moins ç’a eté l’intention mais il n’a pas trop bien reussi, on le traduit c’est M. de Castera qui fait cette besogne, je ne sais si on parlera davantage de la traduction que de l’ouvrage car le dame savent peu d’italien et encore moins de philosophie on ne sait où est l’auteur s’il est à Toulouse je vous en felicite c’est un des hommes que j’aye jamais connûs le plus aimable le plus instruit et le plus doux à vivre j’espere qu’il vous dira du bien de moi et je vous prie de ne pas lui en dire de mal, si vous vous interessez encore un peu a moi je vous conterai une petite anecdote litteraire qui me regarde, mais

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cette lettre a dejà prés de quatre pages j’ai peur qu’elle ne vous empeche de me repondre, je vous plains, mais si vous connoissez encore l’amitié vous ne pouvez être à plaindre mais serez vous toute votre vie à Toulouze, adieu M. de V. est ici mais crainte que vous ne me soupconniez il y a plus de trois ans que je ne lui ai prononcé votre nom, il ignore que je vous ecris, adieu je vous demande pardon de la longueur de cette lettre.

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sans dátte

Malgré les princesses et les pompons je pense sérieusement sur la fortune de mes amis. . . . . . . je me livre au monde sans l’aimer beaucoup des enchainemens insensibles font passer les jours entiers sans souvent que l’on appercoive que l'on a vecu . . . . . . puisque M. de Voltaire vous a fait ma confidence d’anglois je vous avouerai que cela m’a extremement occupée et amusée . . . . Je suis charmée qu’Adelaïde vous plaise elle m’a touchée je la trouve tendre, noble, touchante, bien ecrite et surtout un cinquieme acte charmant elle se fera pas jouée sitôt la pauvre petiteDufresne se meurt elle a renvoyé son rooleV. en est fort affligé et il a raison elle etoit très capable de faire valoir son roole

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et la petite Gossein le joueroit pitoyablement pour moi je suis d’avis qu’il attende la guerison de M.lle Dufresne il y a trois semaines qu’il est malade lui même et qu’il n’a pas sorti mais il n’en a pas l’imagination moins vive et moins brillante, il n’y a pas moins fait deux operas dont il en a donné un aRameau qui sera joué avant qu’il soit 6 mois, on vous aura surement mandé ce que c’est que Rameau et les differentes opinions qui divisent le public sur sa musique, les uns la trouvent divine et au dessus de Lully les autres la trouvent fort travaillée mais point agréable et point diversifiée je suis je l’avoue des derniers j’aime

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45.

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cent fois mieux Issé que l’on joue à present et où M.lle Le Maure se surpasse… &c.

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a Paris ce 28 mai

Je ne puis me guérir de vous aimer et de saisir avec empressement les occasions de vous le dire, je vous envoye la bataille de Fontenoi de ma part et de celle de l’auteur. Je desire que vous soyez heureux et je le serai parfaitement si je puis quelque jour jouir de votre amitié. La vie vous aime trop pour que vous ne m’aimiez pas toute votre vie.

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suite d'une lettre [illis.]

sans datte

 . . . . . . . . V. des affaires de qui j’avois commencé à vous rendre compte et qui me donne tant de chagrin et tant d’inquiétude est plus à plaindre que jamais ses affaires vont tous les jours de mal en pis. Le G.d.S. a paru appaisé il avoit même donné des paroles de paix à M.r d’Aiguillon il avoit demandé de lui des lettres de desaveu de ce malheureux livre, moyennant quoi il promettoit de revoquer cette lettre signée Louis. Il a ecrit et fait tout ce que l’on a voulu avec une docilité attendrissante mais le depart de M.r d’Aiguillon qui etoit le plenipotentiaire de cette affaire à fait evanouir toutes nos esperances, le

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ministre paroit plus irrité que jamais, le Parlement l’a brulé, il y a dans l’arrêt une permission d’informer que le procureur general veut poursuivre contre toute vraisemblance. La cour ne veut point revoquer la lettre de cachet on lui fait un crime d’un voyage qu’il a fait au camp que son amitié seule pour M. de Richelieu lui a fait entreprendre sur les bruits qui passoient pour constans en Lorraine il etoit alors qu’il etoit blessé dangereu- -sement d’autres disoient même mort mais il y a des tems où tout se tourne en aigre ; on lui a prêté cent mauvais propos, le ministere a saisi ce pretexte avec plaisir, je suis bien convaincue qu’il a un dessein formé de le perdre, on parle d’un bannissement. Pour moi je ne sais plus qu’en croire, je sais bien qu'à la place

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je serois à Londres ou à La Haïe il y a déjà longtems, je vous avoue que tout cela m’a sensiblement affligée, je ne m’accoutume point à vivre sans lui et à l’idée de le perdre sans retour, cela empoisonne toute la douceur de ma vie, vous voyez que vos lettres et les marques de votre amitié me deviennent tous les jours plus necessaires, M. de Maupertuis me voit souvent, il est extremement aimable, il me semble que vous le connoissez peu, mais surement si vous le connoissiez d’avantage vous en feriez cas, il pretend qu’il m’aprendra la geométrie, mon voyage a fort retardé le projet, je commence à le reprendre je lis l’anglois assez bien à présent, mais je n’ai pû encore parvenir à l’ecrire couramment

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je lis le conte du tonneau c’est un livre bien plaisant et bien singulier ; il y a à la comedie francoise une tragedie nouvelle nommée <persname class="undefined persName null" data="Nom de personne">Didon</persname> elle est d’un jeune homme de 22 ans et n’est pas sans merite, mais elle ne merite pas la moitié du bien qu’on lui dit, il y a aussi une petite piece qu’on apelle <hi class="underline" rend="underline">La Pupille</hi> qui est d’un M.° Le Rayer conseiller au Parlement et qui est charmante. On joue les elemens et M.lle Le Maure à la voix plus belle que jamais il paroit un livre du presisent de Montesquieu sur les causes de la décadence de l’empire romain qui ne me paroit point digne de l’auteur des Lettres persannes quoiqu’il y ait de l’esprit vous en jugerez car vous l’aurez aparemment vous voyez que je vous fais chere d’avare par la longueur de cette lettre, mais si vous me repondez un peu exactement je vous

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promets de vous ecrire toutes les semaines et je me le promets bien à moi même car j’y trouve un plaisir extrême, la façon pleine d’amitié dont vous avez partagé ma douleur est une des choses du monde qui m’a fait le plaisir le plus sensible. Qui peut vous exprimer combien j’ai senti vivement le desir que vous avez eu de la venir partager je sens qu’il n’y a point de malheur dont votre amitié me consolle on travaille à force à mon hermitage et je ne desespere pas de vous y recevoir un jour. On m’a peu parlé de vous ici je crois que vous n’êtes pas en peine de mes reponses en cas que l’on m’en parlât, adieu, Monsieur, je vous quitte avec peine et j’ai besoin que le papier se refuse à tout ce que mon amitié me dicte.

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L’univers est instruit que M. de Voltaire a fait un traité de la tolérance, mais presque tout l’univers, ne sait pas ignore qu’il a fait un beau poëme intitulé la guerre de Geneve.

Tout le monde sait qu’il a jusqu'à l’ennuy sollicité l’indignation publique contre le fameux poëte Rousseau, pour des vers méchans que peut etre il n’avoit pas fait ; mais beaucoup de gens ignorent que le bel esprit imitateur, s’est efforcé d’acquerir de plus justes droits au même sentiment. On doit pour l’édification generale repandre les productions avouées de cet homme, d’un caractere si benin, d’une conscience si timorée qu’il ne pardonna jamais davantage a J. B. Rousseau sa reputation et ses vices, qu’a J. J. Rousseau sa gloire et ses vertus

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J’ai fait imprimer a la suite de la satire une lettre du célèbrevertueux infortuné quelle attaque. Je plains ceux pour qui ce rapprochement ne seraitvaudrait pas un excellent commentaire.

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L’inconstance donne ses ordres au heros du poëme ; elle lui dit :N.B. L’imprimeurpeut employercette page entiereà l’exceptiond’un vers etdemi quej’ay raturé. [paraphe]

Robert Covelle, allez trouver Jean Jacques mon favori... qui devers Neufchatel par passe tems fait aujourd’hui ses pâques c’est le soutien de mon Culte Eternel toujours il tourne et jamais ne recontre il vous soutient et le pour et le contre avec un front de pudeur depouillé. Cet etourdi souvent a barbouillé de plats romans de fades comedies des operas de minces melodies. Puis il condamne en style entortillé les operas, les romans les spectacles il vous dira qu’il n’est point de miracles mais qu’à Venise il en a fait jadis il se connoît finement en amis il les embrasse et pour jamais les quitte l’ingratitude est son premier merite

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par grandeur d’ame il hait ses bienfaiteurs versez sur lui les plus nobles faveurs il fremira qu’un homme ait la puissance la volonté, la coupable impudence de l’avilir en lui faisant du bien il tient beaucoup du naturel d’un chien il jappe et fuit et mord qui le caresse ce qui surtout me plait et m’interesse c’est que de secte il a changé trois fois en peu de tems pour faire un meilleur choix

[paraphe] 3 pages plus loin [paraphe]

Les antres sauvages de Moutier travers sont ... de Rousseau le digne et noir palais là se tapit ce sombre energuméne cet ennemi de la nature humaine petri d’orgueil et dévoré de fiel. Il fuit le monde et craint de voir le ciel et cependant sa triste et vilaine âme

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du dieu d’amour a ressenti la flamme il a trouvé pour charmer son ennuy une beauté digne en effet de lui. C’étoit Caron amoureux de Megère une infernale et hideuse sorciere fuit en tous lieux le magot ambulant comme la chouette est jointe au chat huant. L’infame vieille avoit pour nom Vachine c’est sa Circé, sa Didon, son Alcine. L’aversion pour la terre et les cieux tient lieu d’amour à ce couple odieux. Si quelques fois dans leurs ardeurs secrettes leurs os pointus joignent leurs deux squelettes dans leurs transports ils se pament soudain du seul plaisir de nuire au genre humain. Notre Eumenide avoit alors en tête de diriger la foudre et la tempete devers Geneve ; ainsi l’on vit Junon du haut des airs terrible et forcenée persecuter les restes d’Illion

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ConservezLe Roux Rousseau sans plus[paraphe]

et foudroyer les Compagnons d’EnéeLe Roux Rousseau & renversé sur le sein le sein pendant de l’infernale amie l’encourageait dans le noble dessein de submerger sa petite patrie il detestoit sa ville de Calvinhelas pourquoy ? c’est qu’il l’avoit cherie.

Suit un Dialogue entre Covelle et J.J. Rousseau.

Rousseau replique as tu perdu l’esprit . . . . . . . . . . tu vois Vachine, elle eut l’art de me plaire j’ai quelques fois festoyé ma sorciere ; je la verroi mourante à mes côtés des dons cuisans qui nous ont infectés sur un fumier rendant son âme au Diable que ma vertu paisible, inalterable

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me defendroit de m’ecarter d’un pas pour se sauver des portes du trépas d’un vrai Rousseau & tel est le son caractere il n’est ami, parent, epouse ni père, il est de Roche, et quiconque en un mot naquit sensible, est fait pour etre un sot.N.BL’imprimeurpeut employerles 3 derniersvers et l’hé-mistichequi lesprecédes[paraphe]

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Lettre de J. J. Rousseau a M. Du Moulin procureur fiscal de S.A.S.M. le prince de Condé. A Montmorency pres Paris a Motiers travers le 16.e janvier 1763.

J’apprends, Monsieur, avec d’autant plus de douleur la perte que vous venez de faire de votre digne oncle, qu’ayant négligé trop longtems de l’assurer de mon souvenir et de ma reconnoissance, je l’ai mis en droit de se croire oublié d’un homme qui lui étoit obligé et qui lui étoit encore plus attaché et à vous aussi. Monsieur Mathas sera regretté et pleuré de tous ses amis et de tout le peuple dont il etoit le père. Il ne suffit pas de lui succeder, Monsieur, il faut le remplacer. Songez que vous le suivrez un jour, et qu'alors il ne vous sera pas indifférent d’avoir fait des heureux ou des miserables. Puissiez vous meriter longtems et obtenir bien tard l’honneur d’etre aussi regretté que lui.

Si le souvenir des momens que nous avons passés ensemble vous est aussi cher qu’à

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moi je ne vous recommanderai point un soin qui vous soit à charge en vous priant d’en conserver les monumens dans votre petite maison de St. Louis ; entretenez au moins un petit bosquet je vous en supplie ; surtout les deux arbres plantés de ma main, ne souffrez point qu'Augustin ni d’autres se melent de les tailler ou de les façonner ; laissez les venir librement sous la direction de la nature, et buvez quelque jour sous leur ombre à la santé de celui qui jadis eut le plaisir d’y boire avec vous. Pardonnez ces petites sollicitudes pueriles à l’attendrissement d’un souvenir qui ne s’effacera jamais de mon cœur. Mes jours  de paix se sont passés à Montmorenci et vous avez contribué a me les rendre agréables. Rapellez en quelque fois la memoire, pour moy je la conserverai toujours

RousseauM.lle Levasseur vous prie d’aggréer ses

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respects et de les faire aggréer a Mad.e du Moulin. Je me suis placé icy à portée d’un village catholique pour pouvoir l’y envoyer le plus souvent qu’il se peut remplir son devoir, et notre pasteur lui prête pour cela sa voiture avec grand plaisir. Je vous prie de le dire a Monsieur le curé qui paroissoit allarmé de ce que deviendroit sa religion parmi nous autres. Nous aimons la nôtre et nous respectons celle d’autruy.

Permettez que je vous prie de remettre l’incluse à son adresse.

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Ce parallele digne d’etre conservé est tiré d’un ouvrage, qu’une circonstance indifferente au public, n’a pas permis de repandre cet ouvrage traitoit de la peinture et de la sculpture ; l'auteur, à l’occasion des bustes de Voltaire et de J. J. Rousseau, disoit :

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Voila donc ces deux hommes celebres, que la France a perdu presque en même tems. Il est singulier qu’on nomme, et qu’on voye toujours ensemble deux etres, dont la destinée a été si constamment differente, que le rapprochement qu’on en pourroit faire sembleroit un jeu del’imagination. Voltaire étoit noble et riche ; Le second, pauvre et roturier. Le genie du premier fut precoce ; J. J. ne developpa

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le sien qu’au bout de quarante ans : il n’a cessé d’estimer les talens de l’auteur de Mahomet et d’Alzire ; celui ci paroit avoir méprisé jusqu’aux vertus de son admirateur. On dirait que par l’echange le plus bizarre, chacun d’eux avoit adopté la patrie de son rival. L’un n’ecrivit, qu’afin de prouver au genre humain, que le bonheur etoit seulement un fruit des mœurs pures ; l’autre mit dans ses ouvrages les eclairs d’un esprit juste aux erreurs d’un esprit leger : il recueilloit des verités brillantes, partout ou l’imagination suffisoit pour penetrer, et son genie ne lui fournit presque jamais de reflexions vraiment profondes. D’ailleurs, ayant affoibli son âme dans

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le commerce des grands, il s’aveugloit souvent lui même sur le danger de ses maximes. En même tems qu’il faisoitl’eloge des vertus, il excusoit le luxe qui les corrompt. Il soutenoit qu’en matiere de religion, c’étoit un mal que de contraindre des esprits, et il employoit à les contraindre, la seule arme qui fut en son [pouvoir, le poignard du ridicule [75 D après avoir acquis une fortune immense, il se vantoit sans cesse d’avoir aidé quelques malheureux. Je n'ai pas besoin d’exprimer duquel de ces deux hommes je parle ; ce que j’en dis suffit pour les distinguer.

Cette opposition dans le sort et dans les mœurs, a été encore favorisée par le hazard.

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L’un s’est vu mourir entourvironné de sa famille, dans le pays de sa naissance, au milieu de ses vains triomphes et tourmenté par le seul regret d’en jouir trop peu.

Jean Jacques devenu assez infortuné pour souffrir qu’on le recueillit dans une maison étrangere, y perd bientôt aprés dans une courte agonie, des jours qu’il avoit passé dans des longs tourmens. L’homme

J’ai oui dire à une personne de distinction, qui tenoit le fait de M. Tronchin que V. est mort en desesperé. Il pestoit il juroit contre sa garde il apostrophoit la mort et lui crioit en declamant avec de grands gestes o mort eloigne toi ! eloigne toi... quoi il faut mourir ! ... il prenoit les mains de son ami Tronchin il lui disoit mon ami, mon cher ami donnez moi votre parole d’honneur que je ne mourrai pas... d’autres fois il s'ecrioit ils m’ont empoisonné avec leur fumée de gloire

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estimable qui se flattoit de lui accorder longtems un azile, a eu la douleur de ne lui offrir qu’un tombeau ! ..... Le tombeau de Voltaire est placé loin de nos regards, en des lieux qu’il eut voulu detruire. Sa cendre peut elle reposer en paix sous les autels qu’il ébranla. O Jean Jacques ! On a deposé la tienne sur des rivages dignes de la recevoir. Dans ce même sejour ou la nature simple et tranquille, étale aux yeux des charmes si variés, on viendra contempler avec une douce melancolie les restes de celui qui nous en inspira l’amour ; et tandis que les froids eloges qu’obtiendra Voltaire auront droit d'irriter son ombre, les cris furieux de l’envie acheveront le tien. N°2665

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J’ay lu, par ordre de Monseigneur le Garde des Sceaux un manuscrit intitulé Lettres de <persname class="undefined persname null" data="Nom de personne">Voltaire</persname> et de sa célèbre<lb class="yes lb null" data="Retour à la ligne" break="yes"/> amie à <persname class="undefined persname null" data="Nom de personne">M. de S.</persname>  &c., par M. Le Fevre ; et je crois qu’on en peut permettre tacitement l’impression. A Paris ce 25 9bre 1782. Guyot

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pour permission tacite