Transcription Transcription des fichiers de la notice - <em>Mémoires sur la vie et les œuvres de Molière (Les)</em> La Serre, Jean-Louis-Ignace de (1662-1756) 1734 chargé d'édition/chercheur Macé, Laurence (validation et édition scientifique) Laurence Macé CEREdI, UR 3229 - Université de Rouen-Normandie ; projet EMAN, Thalim (CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle) PARIS
http://eman-archives.org
1734 Fiche : Laurence Macé CEREdI, UR 3229 - Université de Rouen-Normandie ; projet EMAN, Thalim (CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle). Licence Creative Commons Attribution – Partage à l’Identique 3.0 (CC BY-SA 3.0 FR)
Paris, BNF, Réserve des livres rares RES M-YF-45 (1)
Français

Amour, Honneur et Vaillantise Étoit le cri des vieux tournois, Il les a servis tous les trois, Et ses vers chantent sa devise.

Coriolis d'Espinouse.

Portrait du marquis d'Estampes, qui était devenu propriétaire de l'édition des de l'exemplaire de Molière, possédé auparavant par made Geoffrin.

AVERTISSEMENT. C'EST une espéce d’hommage qu'on rend aux hommes illustres dans la république des let- tres, que d'imprimer leurs ouvrages avec magni- ficence. Entre les auteurs que la France a produits dans le dernier siécle, il en est peu qui méritent cette distinction à plus juste tître que Moliere. Aussi les libraires de Paris n'ont-ils rien épargné pour embellir cette édition de tous les ornemens dont elle a pu être susceptible. * lndépendamment du choix des caractéres & du papier, chaque comédie est précédée d'une estampe qui en représente l'action principale, ou du moins une de celles qui y ont le plus de rapport. Les prologues de la <hi rend="italic">Princesse d'Élide</hi>, d'<hi rend="italic">Amphitrion</hi>, & de <hi rend="italic">Psiché</hi> en ont aussi une particuliére. Chaque commencement d'acte est orné d'une vignette, & d'une lettre grise. On a mis des culs de lampe à chaque fin d'acte, quand la place l'a permis, ainsi qu'à la fin des préfaces, & en d'autres endroits. Il seroit peut-être à désirer que chacune des vignet- tes, lettres grises, &c. eût pû avoir un rapport * Les sieurs Oppenor, Boucher, & Blondel ont donné les desseins, & lessieurs Cars & Joullain les ont gravés. Tome l. a

ij AVERTISSEMENT. plus immédiat aux endroits où elles sont placées ; mais cette exactitude est impraticable dans un recueil de comédies. Quoi qu'elles soient toutes différentes les unes des autres par leurs situations, & par leur but particulier, elles ont pourtant entre elles un caractére d'uniformité par leur objet prin- cipal qui est de corriger les hommes. Les vices & les ridicules sont, à la vérité, un fonds inépuisable de critique ; mais c'est moins par leur nombre, que par les différentes faces sous lesquelles on peut les présenter. La jalousie de Sganarelle <hi rend="italic">Cocu imagi-</hi> <hi rend="italic">maire</hi>, ne produit pas les mêmes effets que celle de Sganarelle tuteur d'Isabelle dans l'École des maris, cependant l'une & l'autre tombent dans le caractére général du jaloux. Il a donc fallu se contenter de choisir des ornemens convenables au genre comi- que, ou du moins qui n'y fûssent point étrangers. Ce n'étoit pas assez pour la gloire de Moliere, qu'on songeât à orner l'édition de ses ouvrages, il salloit encore la rendre exacte. L'édition de 1730, en huit volumes in-12, est annoncée dans l'aver- tissement qui la précéde comme la plus parfaite de celles qui avoient paru jusqu'alors, on s'en est servi ; mais avec les précautions nécessaires pour ne point laisser les fautes qui auroient pû s'y glisser. Un seul exemple suffira pour prouver qu'elle n'est pas aussi exacte qu'on veut le persuader dans l'a-

xx MEMOIRES SUR LA VIE

sentimens, leurs intérêts furent communs. Ils formérent de concert une troupe, & partirent pour Lyon en 1653.

On y représenta L'Étourdi , piéce en cinq actes, qui enleva presque tous les spectateurs au théatre d'une autre troupe de comédiens établis dans cette ville. Quelques-uns d'entre eux prirent parti avec Moliere & le suivirent en Languedoc , où il offrit ses services à monsieur le prince de Conti, qui tenoit à Béziers les états de la province. Armand de Bourbon le reçut avec bonté, & fit donner des appointemens à sa troupe. Ce prince avoit connu Moliere au collége, & s'é- toit amusé à Paris des représentations de l'Illustre Théatre, qu'il avoit plusieurs fois mandé chez lui. Non content de confier à Moliere la conduite des fêtes qu'il donnoit, on croit qu'il lui offrit (f) une place de sécretaire auprès de sa personne : le sort de la scéne françoise en décida au- trement.

L'Étourdi reparut à Béziers avec un nouveau succès, Le<lb class="yes lb null" data="Retour à la ligne" break="yes"/> Dépit amoureux & Les Précieuses ridicules y entraînèrent tous les suffrages ; on donna même des applaudissemens à quel- ques farces qui, par leur constitution irréguliére, méri- toient à peine le nom de comédie, telles que  Le Docteur<lb class="yes lb null" data="Retour à la ligne" break="yes"/> amoureux , Les Trois Docteurs rivaux , & Le Maître d'école , dont il ne nous reste que les tîtres. On a pensé jusqu'ici que dans ces sortes de piéces chaque acteur de la troupe de Moliere, en suivant un plan général, tiroit le dialogue de son propre fonds, (g) à la maniére des comédiens italiens ; mais, si on en juge par deux piéces du même genre, qui sont parve-

(f) Voyez Grimarest page 24... (g ) Ibidem page 29.

<hi class="bold" rend="bold">ET LES OUVRAGES DE MOLIERE.</hi> xxj

nuës manuscrites jusqu'à nous, (h) elles étoient écrites & dialoguées en entier. L'auteur les a probablement suppri- mées dans la suite, parce qu'il sentit qu'elles ne pourroient lui acquérir le degré de réputation auquel il aspiroit.

Sur la fin de l'année 1657, Moliere avec sa troupe par- tit pour Grenoble ; il y resta pendant le carnaval de 1658. il vint passer l'été à Rouen ; &, dans les frequens voyages qu’il fit à Paris, où il avoit dessein de se fixer, il eut accès auprès de Monsieur, qui le présenta au Roi & à la Reine mere. Dès le 24 octobre de la même année, sa troupe représenta la tragédie de Nicoméde devant toute la cour, sur un théatre élevé dans la sale des gardes du vieux louvre. A la fin de la piéce, Moliere ayant fait au Roi un remer- ciement, dans lequel il sçut adroitement louer les comédiens de l’hôtel de Bourgogne qui étoient présens, il demanda la permission de donner un de ces divertissemens qu'il avoit joués dans les provinces, il l'obtint ; Le Docteur amoureux fut représenté & applaudi. Le succès de cet essai rétablit l'usage des piéces en un acte qui avoit cessé à l’hôtel de Bourgogne, depuis la mort des premiers farceurs.

La cour avoit tellement goûté le jeu de ces nouveaux acteurs, que le Roi leur permit de s'établir à Paris, sous le titre de troupe (i) de Monsieur, & de jouer alternativement avec

(h) Ces deux pièces se trouvent dans le cabinet de quelques curieux. L'une est intitulée Le Médecin volant , l'autre La Jalousie de Barbouillé. Il y a quelques phrases & quelques incidens qui ont trouvé leur place dans Le Médecin malgré lui ; & l'on voit dans La Jalousie de Barbouillé un canevas, quoi qu'informe, du troisiéme acte de George Dandin.

(i) Voyez muse historique de Loret, lettre 48 du 6 novembre 1659.
Cette troupe de comédiens Que Monsieur avouë être siens.Il y a apparence qu'ils obtinrent ce titre dès 1658, avec la permission de s'établir à Paris.

xxij MEMOIRES SUR LA VIE

les comédiens italiens sur le théatre (k) du petit Bourbon.

L'Étourdi,<lb class="yes lb null" data="Retour à la ligne" break="yes"/> <hi class="italic" rend="italic">ou</hi> les contre-<lb class="yes lb null" data="Retour à la ligne" break="yes"/> tems, comé- die en cinq ac- tes en vers, re- présentée à Pa- ris sur le théatre du petit Bour- bon, le ; dé- cembre 1658.

L'Étourdi y fut représenté au commencement du mois de décembre 1658. On ne connoissoit guéres alors que des piéces chargées d'intrigue ; l'art d'exposer sur la scéne comique des caractéres & des mœurs, étoit réservé à Mo- liere. Quoiqu'il n'ait fait que l'ébaucher dans la comédie de l'Étourdi , elle n'est point indigne de son auteur. Elle est partie à l'antique, puisque c'est un valet qui met la scéne en mouvement, & partie dans le goût espagnol, par la multiplicité des incidens qui naissent l'un après l'autre, sans que l'un naisse de l'autre nécessairement ; on y trouve des personnages froids, des scénes peu liées entre elles, des expressions peu correctes ; le caractére de Lélie n'est pas même trop vraysemblable, & le dénouement n'est pas heu- reux ; le nombre des actes n'est déterminé à cinq, que pour suivre l'usage, qui fixe à ce nombre les pièces qui ont le plus d'étenduë ; mais ces défauts sont couverts par une va- riété & par une vivacité qui tiennent le spectateur en ha- leine, & l'empêchent de trop réfléchir sur ce qui pourroit le blesser.

Le Depit<lb class="yes lb null" data="Retour à la ligne" break="yes"/> amoureux, comédie en cinq actes en vers, représentée à Paris sur le théatre du petit Bourbon, au mois de décem- bre 1658.

Les incidens du Dépit amoureux sont arrangés avec plus d'art, quoique toujours dans le goût espagnol. Trop de complication dans le nœud, & peu de vraysemblance dans le dénouement. Cependant on y reconnoît dans le jeu des personnages, une source de vray comique ; peres,

(k) La sale du petit Bourbon ayant été démolie au mois d'octobre 1660, pour construire la façade du Louvre qui est du côté de saint Germain l'Auxérrois, le Roi accorda à Moliere & aux comédiens italiens la sale que le cardinal de Richelieu avoit fait bâtir dans son palais. Elle sert aujourd’hui au spectacle de l'opera ; Lulli l'obtint en 1673, après la mort de Moliere.

ET LES OUVRAGES DE MOLIERE. xxiij

amans, maîtresses, valets, tous ignorent mutuellement les vûës particuliéres qui les font agir, ils se jettent tour à tour dans un labyrinthe d'erreurs qu'ils ne peuvent démêler. La conversation de Valere avec Ascagne déguisée en homme, celle des deux vieillards qui se demandent réciproquement pardon, sans oser s'éclaircir du sujet de leur inquiétude, la situation de Lucile accusée en présence de son pere, & le stratagême d'Eraste pour tirer la vérité de son valet, sont des traits également ingénieux & plaisans. Mais l'éclaircis- sement du même Eraste & de Lucile, qui a donné à la piéce le titre de Dépit amoureux , leur brouillerie & leur réconciliation, sont le morceau de cet ouvrage le plus jus- tement admiré.

Les Precieu-<lb class="yes lb null" data="Retour à la ligne" break="yes"/> ses ridicules, comédie en un acte en prose, re- présentée à Pa- ris sur le théatre du petit Bour- bon, le 18 no- vembre 1659.

Quoique la comédie des Précieuses ridicules ne soit pas une des meilleures du côté de l'intrigue, quoiqu'elle ne soit pas une des plus nobles, elle doit tenir un rang considérable parmi les chef-d'œuvres de Moliere. Il osa, dans cette piéce abandonner la route connuë des intrigues compliquées, pour nous conduire dans une carriére de comique ignorée jusqu'à lui. Une critique fine & délicate des mœurs & des ridicules qui étoient particuliers à son siécle, lui parut être l'objet essentiel de la bonne comédie.

La passion du bel esprit, ou plûtôt l'abus qu'on en fait, espéce de maladie contagieuse, étoit alors à la mode ; le stile empoulé & guindé des romans, que les femmes admiroient par les mêmes côtés, qui depuis ont décrédité ces ouvrages, avoit passé dans les conversations ; enfin le vice d'affectation répandu dans le langage, & même dans

xxiv MEMOIRES SUR LA VIE

les pensées, s'étendoit jusques dans la parure, & dans le commerce de la vie ordinaire. Ce fut dans ces conjonctures que parut la comédie des Précieuses ridicules ; jamais succès ne fut plus marqué. (l) Il produisit une réforme générale ; on rit, on se reconnut, on applaudit en se corrigeant. Ménage qui assistoit à la premiere représentation, dit à Chapelain, nous approuvions vous & moi toutes les sottises qui viennent d'être critiquées si finement & avec tant de bon sens ; croyez-moi, il nous faudra brûler ce que nous avons adoré, & adorer ce que nous avons brûlé. Cet aveu n'est autre chose que le sentiment réfléchi d'un sçavant détrompé ; mais le mot du vieillard, qui du milieu du parterre s'écria par instinct, Courage, Moliere, voilà la bonne comédie, est la pure expres- sion de la nature, qui montre l'empire de la vérité sur l'es- prit humain.

Sganarelle,<lb class="yes lb null" data="Retour à la ligne" break="yes"/> <hi class="italic" rend="italic">ou</hi> le cocu<lb class="yes lb null" data="Retour à la ligne" break="yes"/> imaginaire, comédie en trois actes en vers, représentée à Paris sur le théatre du petit Bourbon, le 28 mars 1660.

On remarqua dans Le Cocu imaginaire, que l'auteur depuis son établissement à Paris, avoit perfectionné son stile. Cet ouvrage est plus correctement écrit que ses deux premieres comédies. Mais si l'on y retrouve Moliere en quelques en- droits, ce n'est pas le Moliere des Précieuses ridicules. Le titre de la piéce, le caractére du premier personnage, la nature de l'intrigue, & le genre de comique qui y régne, semblent annoncer qu'elle est moins faite pour amuser des gens délicats, que pour faire rire la multitude ; cependant on ne peut s'empêcher d'y découvrir en même tems un but très-moral ; c'est de faire sentir combien il est dangereux

(l) L'affluence des spectateurs obligea les comédiens à faire payer, dès la seconde représentation le double du prix ordinaire. La piéce se soutint pendant quatre mois de suite.

de

ET LES OUVRAGES DE MOLIERE. xxv

de juger avec trop de précipitation, sur tout dans les cir- constances où la passion peut grossir ou diminuer les objets. Cette vérité, soutenuë par un fonds de plaisanterie gaye, & d'une sorte d'intérêt né du sujet, attira un grand nom- bre de spectateurs (m) pendant quarante représentations, quoique ce fût en été, & que le mariage du Roi retînt la cour hors de Paris. Quelques auteurs voulurent critiquer, mais à peine furent-ils écoutés.

Dom Garcie<lb class="yes lb null" data="Retour à la ligne" break="yes"/> De Navarre,<lb class="yes lb null" data="Retour à la ligne" break="yes"/> <hi class="italic" rend="italic">ou</hi> le prince<lb class="yes lb null" data="Retour à la ligne" break="yes"/> jaloux, comé- die héroïque en cinq actes en vers, représen- tée à Paris sur le théatre du Palais royal le 4 février 1661.

lls se déchaînérent avec plus de raison contre Dom<lb class="yes lb null" data="Retour à la ligne" break="yes"/> Garcie de Navarre . Le choix du sujet, tiré ou imité des Espagnols, dans lequel les incidens appartiennent plus à la comédie qu'au genre héroïque, & dont le fonds même est vicieux, put contribuer au peu de succès de cet ouvrage ; Moliere qui jouoit le role de Dom Garcie, ne réussit pas mieux comme acteur. Il n'appella point du jugement du public ; il ne fit pas même imprimer sa piéce, quoiqu'il y eût des traits qu'il jugeât dignes d'être insérés depuis dans d'autres comédies, & sur tout dans Le Misantrope . (n)

L'ecole des<lb class="yes lb null" data="Retour à la ligne" break="yes"/> maris, comé- die en trois actes en vers, repré- sentée à Paris sur le théatre du Palais royal le 24 juin 1661.

L'École des maris effaça l’impression désavantageuse que Dom Garcie avoit laissée. Il est peu de piéces, sur tout en trois actes, aussi simples, aussi claires, aussi fécondes que celle-ci. Chaque scéne produit un incident nouveau, & ces incidens développés avec art, aménent insensiblement un des plus beaux dénouemens qu'on ait vûs sur le théatre françois. Les Adelphes de Térence n'ont fourni que l'idée

(m) Voyez l'avis au lecteur qui précéde <hi class="italic" rend="italic">La Cocuë imaginaire</hi>, ou <hi class="italic" rend="italic">les amours d'Alcippe & de Céphise</hi> , comédie en trois actes en vers, par Fr. Doneau , Paris in-12, 1660. (n) Voyez la scéne VIII de l'acte IV, de Dom Garcie ; & la scéne III de l'acte IV du Misan-<lb class="yes lb null" data="Retour à la ligne" break="yes"/> trope .

Tome l.

d

xxvj MEMOIRES SUR LA VIE

de L'École des maris : dans Les Adelphes , deux vieillards d’humeurs opposées, un pere & un oncle, donnent une éducation très-différente, l'un à son fils, l'autre à son neveu ; dans L'École des maris, ce sont deux tuteurs chargés d'éle- ver chacun une fille qui leur a été confiée ; l'un sévere, l'autre indulgent : le poëte françois à enchéri sur le poëte latin, en donnant à ces deux personnages, non seulement l'intérêt de peres, mais encore celui d'amans ; intérêt si fin, si vif, qu'il forme une piéce toute nouvelle, sur l'idée sim- ple de l'ancienne.

Les facheux, comédie-ballet en trois actes en vers, représen- tée à Vaux au mois d'août 1661, & à Paris, sur le théatre du Palais royal, le 4 novembre de la même an- née.

Le théatre retentissoit encore des justes applaudissemens qu'on avoit donnés à L'École des maris , lorsque Les Fâcheux furent représentés à Vaux chez monsieur Fouquet, surin- tendant des finances, en présence du Roi & de la cour ; Paul Pelisson, moins célébre par la délicatesse de son esprit, que par son attachement inviolable à la personne de mon- sieur Fouquet, jusques dans ses malheurs, en avoit composé le prologue à la louange du Roi ; la scéne du chasseur dont le Roi (o) avoit donné l'idée à Moliere, fut depuis ajoû- tée dans la représentation de saint Germain. Cette espéce de comédie est presque sans nœud, les scénes n'ont point entre elles de liaison nécessaire, on peut en changer l'ordre, en supprimer quelques-unes, en substituer d'autres, sans faire tort à l'ouvrage : mais le point essentiel étoit de sou- tenir l'attention du spectateur, par la variété des caractéres, par la vérité des portraits, & par l'élégance continuë du stile. C'est l'assemblage de ces beautés exquises, c'est cette

(o) Voyez épitre dédicatoire des Fâcheux .

ET LES OUVRAGES DE MOLIERE . xxvij

image, ou plûtôt la réalité même des embarras & des importuns de la cour, qui firent le succès des Fâcheux . On vit pour la premiére fois le chant & la danse unis à un sujet, (p) pour ne faire qu'une seule chose du ballet & de la comédie. Quoique les intermédes ne soient pas naturellement liés au sujet, ce mélange plut par sa nouveauté ; on eut peut-être de l'indulgence pour un ouvrage conçû, fait, appris, & représenté en quinze jours. (q)

Le théatre de Moliere, si l'on en croit l'auteur de sa vie, (r) essuya pendant l'année 1662, un de ces revers que le bon goût éprouve quelquefois de la part des goûts de mode. Il l'attribuë au retour de Scaramouche en France ; mais cet admirable pantomime, parti de Paris (s) au mois de juin 1662, n'y revint qu'au (t) mois de novembre de la même année, & L'École des femmes L'École des<lb class="yes lb null" data="Retour à la ligne" break="yes"/> femmes, comé- die en cinq ac- tes en vers, re- présentée à Pa- ris sur le théatre du Palais royal le 26 décembre 1662. qui parut au mois de décembre suivant, attira tout Paris au théatre de Moliere. (u) Cette affluence de spectateurs ne le garantit point des critiques sans nombre qui se répandirent dans le public contre son ouvrage, mais elle servit à l'en consoler. Soit malignité, soit cabale, on insista sur de légers défauts, on releva jus- qu'aux moindres négligences ; le défaut le plus essentiel ne fut pas remarqué : il est des images dangereuses, qu'on ne

(p) Voyez préface des Fâcheux. (q) ibidem. (r) Voyez Grimarest, page 125. (s) Voyez muse historique de Loret, lettre 21 du 10 juin 1662. (t) ibid. lettre 45 du 18 novem- bre 1662. (u) ibid. lettre 2 du 30 janvier 1663, où il dit, en parlant de L'École des femmes,

Piéce qu'en plusieurs lieux on fronde ; Mais où pourtant va tant de monde, Que jamais sujet important, pour le voir, n'en attira tant.

d ij

xxviij MEMOIRES SUR LA VIE

doit jamais exposer sur la scéne. Mais, si l'on ne considére que l'art qui régne dans cette piéce, on sera forcé de con- venir que L'École des femmes est une des plus excellentes productions de l'esprit humain. Les ressorts en sont cachés, & la machine en produit un mouvement plus brillant. La confidence réitérée que fait Horace au jaloux Arnolphe, toujours la duppe, malgré ses précautions,

,, D'une jeune innocente, & d'un jeune éventé,

le caractère inimittable d'Agnès, le jeu des personnages subalternes, tous formés pour elle, le passage promt & naturel de surprise en surprise, sont autant de coups de maître. Ce qui distingue encore plus particuliérement L'École<lb class="yes lb null" data="Retour à la ligne" break="yes"/> des femmes , & dont l'antiquité ni les théatres modernes n'ont donné aucun modéle, c'est que tout paroît récit & tout est en action ; chaque récit, par sa proximité avec l'incident qui y a donné lieu, le retrace si vivement, que le spectateur croit en être le témoin ; & par un avantage singulier que le récit a sur l'action dans cette piéce, en apprenant le fait, on jouit en même tems de l'effet qu'il produit, parce que la personne qui a intérêt d'être instruite, apprend tout de celle qui a le plus d'intérêt à le lui cacher. La res- semblance que l'on pourroit trouver entre L'École des maris L'École des femmes , sur ce qu'Arnolphe & Sganarelle sont tous deux trompés par les mesures qu'ils prennent pour assûrer leur tranquillité, ne peut tourner qu'à la gloire de Moliere, qui a trouvé le secret de varier ce qui paroît uni- forme. Les traits naïfs d'Agnès ingénuë & spirituelle, qui

ET LES OUVRAGES DE MOLIERE. xxix

ne pêche contre les bienséances, que parce qu' Arnolphe les lui a laissé ignorer, ne sont pas les mêmes que ceux d'lsabelle fine & déliée, qui n'ont d’autre principe que la contrainte où la tient son tuteur.

La critique<lb class="yes lb null" data="Retour à la ligne" break="yes"/> de L'École des<lb class="yes lb null" data="Retour à la ligne" break="yes"/> femmes, comé- die en un acte en prose, repré- sentée sur le théatre du Pa- lais royal, le 1 juin 1663.

Moliere n'opposa pendant long-tems que les représenta- tions toujours suivies de sa piéce, aux critiques que l'on en faisoit, & ne songea à les détruire, du moins en partie, qu'au mois de juin 1663, qu'il donna au public sa comédie in- titulée La Critique de l'école des femmes . Le fonds en devoit être une dissertation, & n'admettoit par conséquent ni intrigue ni dénouement ; mais Moliere ne s'écarte jamais de l'objet que doit avoir un auteur comique, quelque genre qu'il mette sur la scéne. Il sçut, par le tableau de ce qui se passa dans les cercles de Paris, tandis que L'École des femmes en faisoit l'entretien, tracer une image fidéle d'une des par- ties de la vie civile, en copiant le langage & le caractére des conversations ordinaires des personnes du monde. Par le choix des personnages ridicules qu'il introduit, il paroît n'avoir pas eu moins en vûë de faire la satyre de ses cen- seurs, que l'apologie de sa piéce ; séduit peut-être par le panchant de la malignité humaine, qui croit ne pouvoir pas mieux se défendre qu'en attaquant. Boursault ne laissa pas de faire jouer à l'hôtel de Bourgogne La Contre-critique , ou Le Portrait du peintre ; il suivit l'idée & le plan de La<lb class="yes lb null" data="Retour à la ligne" break="yes"/> Critique , mais il alla trop loin, en supposant une cléf connuë de L'École des femmes , qui indiquoit les originaux copiés d'après nature.

Moliere pénétré des bontés du Roi, dont il venoit d'é-

xxx MEMOIRES SUR LA VIE

L'impromptu<lb class="yes lb null" data="Retour à la ligne" break="yes"/> de Versail-<lb class="yes lb null" data="Retour à la ligne" break="yes"/> les, comédie en un acte en prose, repré- sentée à Ver- sailles le 14 oc- tobre 1663, & à Paris sur le théatre du Pa- lais royal le 4 novembre de la même année.

prouver de nouvelles marques, (x) crut devoir en sa présence & aux yeux de toute la cour, détruire un soupçon dont les impressions lui pouvoient être désavantageuses ; & fit paroî- tre L'Impromptu de Versailles. Boursault n'y est pas épargné, il y est nommé avec le dernier mépris ; mais ce mépris ne tombe que sur l'esprit & sur les talens : il avoit attaqué Moliere par un endroit plus sensible.

Ce qui regarde, dans L'Impromptu de Versailles , les co- médiens de l’hôtel de Bourgogne , peut avoir été dicté par l'esprit de vengeance ; mais, du moins, le bon goût l'a-t-il réglé, & l'utilité publique en pouvoit être l'objet, puisque dans l'imitation chargée du jeu de ces acteurs, on décou- vroit le ton faux & outré de leur déclamation chantante. Si les écrits de Moliere étoient tout-à-fait anciens pour nous, on se feroit un mérite de rencontrer dans cette piéce la datte de son mariage avec la fille de la comédienne Béjart. (y)

La Princesse<lb class="yes lb null" data="Retour à la ligne" break="yes"/> d'Elide, co- médie-ballet, (le premier acte & la premiére scéne du second en vers, le reste en prose,) re- présentée à Ver- sailles le 8 may 1664, & à Paris sur le théatre du Palais royal le 9 novembre de la même année.

En 1664, le Roi donna aux Reines une féte aussi su- perbe que galante. Elle commenca le 7 mai, & dura plu- sieurs jours. Le détail en est imprimé à la suite de La Princesse<lb class="yes lb null" data="Retour à la ligne" break="yes"/> d'Elide, comédie-ballet, qui en faisoit partie. Cette piéce réussit, & la cour ne traita point avec sévérité un ouvrage

(x) Il fut compris dans l'état des gens de lettres qui eurent part aux libéralités du Roi en 1663, par les soins de M. Colbert. On trouve à la fin du tome VI de cette édition le remercic- ment que Moliere fit au Roi à ce sujet.

( y) Impromptu de Versailles, scéne l.

MOLIERE. Taisez-vous, ma femme, vous étes une bête. Mademoiselle MOLIERE. Grand merci, monsieur mon mari, voilà ce que c'est ; le mariage change bien les gens ; & vous ne m'auriez pas dit cela il y a dix-huit mois,

ET LES OUVRAGES DE MOLIERE. xxxj

fait à la hâte pour la divertir. Moliere n'avoit eu le tems d'écrire en vers que le premier acte, & la premiére scéne du second. L'applaudissement du prince, récompense aussi juste que flateuse pour Moliere, les allusions vrayes ou fausses qui pouvoient avoir quelque chose de mystérieux, les agrémens de la musique & de la danse ; & plus encore l'espéce d'yvresse que produisent le mouvement & l'enchaî- ment des plaisirs, contribuérent au succès de La Princesse<lb class="yes lb null" data="Retour à la ligne" break="yes"/> d'Elide . Paris en jugea moins favorablement ; il la vit séparée des ornemens qui l'avoient embellie à la cour ; &, comme le spectateur n'étoit ni au même point de vûë, ni dans la situation vive & agréable où s'étoient trouvés ceux pour qui elle étoit destinée, on ne tint compte à l'auteur que de la finesse avec laquelle il développe quelques sentimens du cœur, & de l'art qu'il employe pour peindre l'amour propre & la vanité des femmes.

Le Mariage<lb class="yes lb null" data="Retour à la ligne" break="yes"/> forcé, comé- die-ballet en un acte en prose, représentée au Louvre le 29 jan- vier 1664, & à Paris sur le thé- atre du Palais royal, avec quelques chan- gemens, le 15 novembre de la même année.

Le Mariage forcé, ballet du Roi , ainsi intitulé parce que le Roi y avoit dansé une entrée dans la représentation qui en fut faite au Louvre le 29 janvier 1664, parut sous le même titre le 13 may, septiéme jour de la fête donnée aux Reines. On veut qu'une avanture réelle, qui avoit un rap- port éloigné à l'intrigue, ait alors donné à cette piéce un sel qu'elle n'a plus. Elle parut à Paris sous le tître de comédie, avec des changemens. Le plus considérable est l'addition de la scéne de Doriméne & de Lycaste, dont Sganarelle est témoin ; elle supplée au magicien chantant, qui détournoit Sganarelle de son mariage.

Ce ne fut point par son propre choix que Moliere traita

xxxij MEMOIRES SUR LA VIE

<persname class="none persName null" data="Nom de personne" ref="Don Juan">Dom Juan</persname>, ou<lb class="yes lb null" data="Retour à la ligne" break="yes"/>Le festin de<lb class="yes lb null" data="Retour à la ligne" break="yes"/> Pierre, comé die en cinq actes en prose, repré- sentée à Paris sur le théatre du Palais royal le 15 février 1665.

le sujet de <hi class="italic" rend="italic">Dom Juan</hi>, ou <hi class="italic" rend="italic">Le festin de Pierre</hi> . Les Italiens qui l'avoient emprunté des (z) Espagnols, le firent connoître en France sur leur théatre, où il eut un extrême succès. Un scélerat odieux par ses noirceurs & par son hypocrisie, le prodige insensé d'une statuë qui parle & qui se meut, le spectacle extravagant de l'enfer, ne révoltérent point la multitude, toujours avide du merveilleux. Séduite par le jeu des acteurs, frappée d'une nouvelle espéce de tragi-comique, elle fit grace à un mélange monstrueux de religion & d’im- piété, de morale & de bouffonneries. Ce sujet fit tant de bruit chez les italiens, dit Rosimond, (a) que toutes les troupes en voulurent régaler le public.

En 1660, Villiers comédien de l’hôtel de Bourgogne, le fit représenter en vers. Molière le donna en prose en 1665. Ses camarades qui l'avoient engagé à ce travail, furent punis d'un si mauvais choix, par la médiocrité du succès ; soit que le préjugé qui régnoit alors contre les comédies en cinq actes écrites en prose, fût plus fort que l'esprit de vertige qui avoit attiré le public en foule aux italiens & à l’hôtel de Bourgogne, soit que l'on y fût blessé de quelques traits hazardés que (b) l'auteur supprima à la seconde représentation.

(z) Tirso de Molina en est l'auteur. Le titre espagnol est El combidado de piedra, qui signifie le convié de pierre, ou la statuë de pierre conviée à un repas, ce qui a été mal rendu en françois par l'expression de festin de Pierre. Dom Pedre, nom du commandeur que la statuë représente, peut avoir donné lieu à cette méprise.

(a) Voyez l'avis au lecteur du <hi class="italic" rend="italic">Nouveau<lb class="yes lb null" data="Retour à la ligne" break="yes"/> Festin de Pierre</hi>, ou de <hi class="italic" rend="italic">L'athée foudroyé</hi> , comédie en cinq actes en vers, par Rosimond , Paris in-12, 1670.

(b) Dom Juan dans une scène avec un pauvre qui lui demandoit l'aumône, ayant appris de lui qu'il passoit sa vie à prier Dieu, & qu'il n'avoit pas souvent de quoi manger, ajoutoit.. Tu passes ta vie à prier Dieu, il te laisse mourir de faim, prend cet argent, je te le donne pour l'amour de l’hu- manité.

En

ET LES OUVRAGES DE MOLIERE. xxxiij

En 1669, Dorimond, comédien de Mademoiselle, & en 1670, Rosimond, comédien du Marais, traitérent en vers le même sujet pour leur théatre. Enfin la troupe formée, en 1673, des débris de celle du Marais & de celle du Palais royal, représenta à l'hôtel de Guénégaud, en 1677, le Festin<lb class="yes lb null" data="Retour à la ligne" break="yes"/> de Pierre de Moliere, que Thomas Corneille avoit écrit en vers. Il attira sous cette forme un concours prodigieux, (c) & c'est le seul que l'on représente aujourd’hui.

L'Amour <lb class="yes lb null" data="Retour à la ligne" break="yes"/> medecin , co- médie en trois actes en prose, avec un prolo- gue, représen- lée à Versailles le 15 septembre 1665, & à Pa- ris sur le théatre du Palais royal, le 22 du même mois.

L'Amour médecin, est encore un de ces ouvrages précipi- tés, que l'on ne doit point juger avec rigueur. (d) Moliere lui-même ne conseille de lire cette comédie qu'aux personnes qui ont des yeux pour découvrir dans la lecture tout le jeu de théatre. La brouillerie entre la femme de Moliere, & celle d'un médecin chez qui elle logeoit, quand elle seroit bien avé- rée, paroit un motif trop peu important pour avoir, comme on l'a dit, (e) déterminé Moliere à mettre depuis les méde- cins si souvent sur la scéne. Choqué du maintien grave, des dehors étudiés, & du vain étalage de mots scientifiques que les médecins de son tems affectoient, pour en imposer au public, il a crû pouvoir tirer de leur ridicule un fonds de comique plus amusant, à la vérité, qu'instructif. Aussi les médecins, & les marquis, qu’il a peints plusieurs fois dans des attitudes diverses, ne sont-ils jamais la principale figure du tableau. Lorsqu'il avoit en vûë de corriger un ridicule plus essentiel, ou un vice contraire à la société, il réservoit la premiére

(c) Voyez Mercure galant, janvier 1677, page 33. (d) Il fut proposé, fait, appris, & représenté en cinq jours. Voyez Avis au lecteur de L'Amour médecin . (e) Voyez Grimarest, page 76.

Tome l

e

xxxiv MEMOIRES SUR LA VIE

place pour un de ces caractéres singuliers qui méritent par eux-mêmes de fixer toute l'attention.

Le Misantro-<lb class="yes lb null" data="Retour à la ligne" break="yes"/> pe, comédie en cinq actes en vers, représen- tée à Paris sur le théatre du Palais royal, le 4 juin 1666.

Tel est celui du Misantrope , qui sera toujours regardé chez les nations polies, comme l'ouvrage le plus parfait de la comédie françoise. Si l'on en considére l'objet, c'est la cri- tique universelle du genre humain ; si l'on examine l'or- donnance, tout se rapporte au misantrope, on ne le perd jamais de vûë, il est le centre d'où part le rayon de lu- miére qui se répand sur les autres personnages, & qui les éclaire. L'indulgent Philinte qui, sans aimer ni censurer les hommes, souffre leurs défauts, uniquement par la né- cessité de vivre avec eux, & par l'impossibilité de les ren- dre meilleurs, forme un contraste heureux avec le sévére Alceste, qui, ne voulant point se prêter à la foiblesse de ces mêmes hommes, les hait & les censure parce qu'ils sont vicieux. L'intrigue n'est pas vive, mais il ne falloit que réunir avec vraysemblance quelques personnages, qui, par leurs caractéres opposés ou comparés à celui d'Alceste, pûssent mettre en jeu, d'une façon plus ou moins étenduë, la médisance, la coquéterie, la vanité, la jalousie, & pres- que tous les ridicules des hommes. Il semble que la misan- tropie soit incompatible avec l'amour ; mais un misantrope amoureux d'une coquette, fournit à l'auteur des ressources nouvelles pour développer plus parfaitement ce caractére. Ce sont là de ces traits où l'art seul ne peut rien, si l'on n'est inspiré par le génie, & guidé par le bon goût. Le mot du duc de Montausier, je voudrois ressembler au misan-trope de Moliere, a pû donner lieu au reproche que l'on a fait

ET LES OUVRAGES DE MOLIERE. xxxv

à l'auteur, d'avoir voulu présenter sous une face désavanta- geuse, un caractére dont tout homme vertueux pourroit se faire honneur ; mais ce mot est plûtôt l'expression vive du cas que l'on doit faire de la vertu, quand même elle seroit poussée trop loin, qu'une critique solide de la piéce. Moliere, en exposant l’humeur bizarre d'Alceste, n'a point eu dessein de décréditer ce qui en étoit la source & le prin- cipe ; c'est sur la rudesse de la vertu peu sociable & peu compatissante aux foiblesses humaines, qu'il fait tomber le ridicule du défaut dont il a voulu corriger son siécle.

Les nuances étoient trop fines pour frapper des specta- teurs accoûtumés à des couleurs plus fortes. On n'étoit pas dans l’habitude de porter au spectacle de la comédie, ce degré d'attention nécessaire pour saisir les détails & les rap- ports délicats que l'on a depuis admirés dans cette piéce ; le comique noble qui y régne ne fut point senti ; enfin, malgré la pureté & l'élégance du stile, elle fut reçûë froidement.

On rapporte un fait singulier qui peut y avoir contri- bué. A la première représentation, après la lecture du sonnet d'Oronte, le parterre applaudit ; Alceste démontre dans la suite de la scéne, que les pensées & les vers de ce sonnet étoient

,, De ces colifichets dont le bon sens murmure.

Le public confus d'avoir pris le change, s'indisposa contre la piéce.

Moliere ne se rebuta point. Il crut devoir rappeller les spectateurs par quelque ouvrage moins bon, mais plus amu- sant, dans l'espérance que le public se laisseroit insensible-

e ij

xxxvj MEMOIRES SUR LA VIE

ment éclairer sur le bon ; & parviendroit, peut-être, à en connoître tout le prix. Il joignit au Misantrope Le Médecin<lb class="yes lb null" data="" break="yes"/> malgré lui , Le Medecin<lb class="yes lb null" data="" break="yes"/> malgré lui, comédie en trois actes en prose, représentée à Paris sur le thé- atre du Palais royal, le 6 aoust 1666. & Alceste passa à la faveur de Sganarelle. Il supprima la derniére piéce, quand il crut que le mérite de la premiére avoit été reconnu ; sans cette adresse, Le Misantrope devenoit la victime de l'injustice ou de l'ignorance. Le suc- cès qu'il eut alors, n'a fait aucun tort au Médecin malgré lui ; on distingua les genres, & la petite piéce se voit encore avec plaisir.

Moliere fit paroître dans la même année Mélicerte,

Melicerte, pastorale héroï- que en vers, re- présentée à Saint Germain en Laye au mois de décembre 1666. dans le ballet des muses. pastorale héroïque en vers, dont il n'avoit composé que les deux premiers actes ; elle fut représentée en cet état à saint Germain. La scéne du second acte entre Mirtil & Mélicerte, est remarquable par la délicatesse des senti- mens, & par la simplicité de l'expression ; en général, tout ce que disent les deux amans est du même ton. Guérin le fils (f) qui, en 1699, acheva cette piéce, y joignit des intermédes, & changea la versification des deux premiers actes, qu'il mit en vers libres & irréguliers ; la comparaison n’est pas à son avantage. Il a aussi substitué un bouquet de fleurs au présent du moineau que Mirtil donnoit à sa maî- tresse.

Le Fragment d'une pastorale comique

Fragment<lb class="yes lb null" data="" break="yes"/> d'une pasto-<lb class="yes lb null" data="" break="yes"/> rale comique, représentée à Saint Germain en Laye, au mois de décem- bre 1666, dans le ballet des mu- ses, à la suite de Mélicerte. du même auteur, qu'on a ajoûté dans cette édition, ne peut donner lieu à aucun détail ; cette pastorale étoit mêlée d'entrées de ballet, de scénes en musique, & de scénes récitées. Le peu qui nous

(f) Il étoit né du mariage de la veuve de Moliere avec Eustache-François Détriché, comédien, connu sous le nom de Guérin, & mort le 28 janvier 1718, dans la 92 année de son âge.

ET LES OUVRAGES DE MOLIERE. xxxvij

en reste, suffit pour nous faire admirer la fécondité & l'é- tenduë du génie de Moliére, qui sçavoit se plier en tant de maniéres, & se prêter à tous les genres.

<hi class="italic" rend="italic">Le Sicilien</hi>, ou <hi class="italic" rend="italic">L'amour peintre</hi>,

Le Sicilien,<lb class="yes lb null" data="" break="yes"/> ou L'amour<lb class="yes lb null" data="" break="yes"/> peintre, co- médie ballet en un acte en pro- se, représentée dans le ballet des muses, à saint Germain en Laye, au mois de janvier 1667, & à Pa- ris sur le théatre du Palais royal, le 10 juin de la même année. suivit de près les représen- tations de ces deux pastorales. C'est une comédie d'intrigue, dont le dénouement a quelque ressemblance avec celui de L'École des maris, du moins par rapport au voile qui trompe Dom Pédre dans Le Sicilien, comme il trompe Sganarelle dans L'École des maris . La finesse du dialogue, & la peinture vive de l'amour dans un amant italien & dans un amant françois, sont le principal mérite de cette piéce, qui étoit ornée de musique & de danses.

Les trois premiers actes de Tartuffe

Tartuffe,<lb class="yes lb null" data="" break="yes"/> ou L'impos-<lb class="yes lb null" data="" break="yes"/> teur, comédie en cinq actes en vers, représen- tée à Paris sur le théatre du Palais royal, le 5 aoust 1667, & depuis sans interruption le 5 février 1669. avoient été représentés à la suite des Fêtes de Versailles, (g) le 12 may 1664, en présence du Roi & des Reines. Le Roi défendit (h) dès lors cette comédie pour le public, jusqu'à ce qu'elle fût achevée & exami- née par des gens capables d'en faire un juste discernement, & ajoûta, (i) qu'il ne trouvoit rien à dire à cette comédie. Les faux dévots profitérent de cette défense, pour soulever Paris & la cour contre la piéce & contre l'auteur. Moliere ne fut pas seulement en butte aux Tartuffes, il avoit encore pour ennemis beaucoup d'Orgons, gens simples & faciles à sé- duire ; les vrays dévots étoient même alarmés, quoique l'ouvrage ne fût guéres connu (k) ni des uns ni des autres.

(g) Fêtes de Versailles en 1664, sixiéme journée. (h) Ibidem. (i) Premier placet sur Tartuffe. (k) Les trois premiers actes représentés à Versailles le 12 mai 1664, le furent encore à Villers- côterèz chez Monsieur en présence du Roi & des Reines le 24 septembre suivant. La piéce en- tiére fut jouée au Rainci chez M. le Prince le 29 novembre de la même année, & au même lieu, le 9 novembre 1665.

xxxviij MEMOIRES SUR LA VIE

Un curé de ... (l) dans un livre présenté au Roi, décida que l'auteur étoit digne du feu, & le damnoit de sa propre autorité. Enfin Moliere eut à essuyer tout ce que la ven- geance & le zéle peu éclairé ont de plus dangereux. Des prélats, & (m) le légat, après avoir entendu la lecture de cet ouvrage, en jugérent plus favorablement ; & le Roi (n) permit verbalement à Moliere de faire représenter sa piéce. Il y fit plusieurs adoucissemens, (o) que l'on avoit apparemment exigés. Il la produisit sous le tître de L'Imposteur, & déguisa le personnage sous l'ajustement d'un homme du monde, en lui don- nant un petit chapeau, de grands cheveux, un grand collet, une épée, & des dentelles sur tout l’habit ; & crut pouvoir hazarder <choice class="undefined choice null" data="Variation"><reg class="undefined reg null" data="Forme régularisée/corrigée">Tartuffe</reg> </choice> en cet état, le (p) 5 aoust 1667. L'ordre qui lui fut envoyé (q) le (r) lendemain, d'en suspendre la représenta- tion, le rendit moins sensible aux applaudissemens qu'il avoit reçus. Il envoya sur le champ les sieurs La Thorilliere & La Grange, au camp devant Lille, où étoit le Roi, pour lui présenter le (s) mémoire qui est imprimé à la tête des différentes éditions de Tartuffe. Ce ne fut néanmoins qu'en 1669, que le Roi donna une permission autentique de remettre cette comédie sur le théatre. Elle reparut à Paris le (t) 5 février de cette année. Dès qu'elle eut été connuë, les vrays dévots furent désabusés, les hypocrites confondus, & le poëte justifié ; on trouva dans le caractére & dans les discours du vertueux Cléante, des armes pour

(l) Premier placet sur Tartuffe . (m) Ibid. (n) Second placet. (o) Ibid. Il changea entre autres ce vers,

0 Ciel ! Pardonne-lui comme je lui pardonne.

(p) Voyez Grimarest, page 176. (q) par M. le premier président du parlement de Paris . (r) Second placet. (s) Il est sous le titre de second placet. (t) Troisiéme placet.

ET LES OUVRAGES DE MOLIERE. xxxix

combattre les raisonnemens faux & spécieux de l'hypo- crisie. *

Ce n’est pas seulement par la singularité & la hardiesse du sujet, ni par la sagesse avec laquelle il est traité, que cette piéce mérite des éloges. La premiére scéne est aussi heureuse que neuve, aussi simple que vive ; au lieu de ces confidences que l'on y employe si ordinairement, une vieille grand'mere scandalisée de ce qu'elle a pû voir de peu séant chez sa belle fille, sort en donnant à ceux qui composent cette maison, des leçons aigres qui les caractérisent tous ; car on distingue le vray jusques dans le langage de la pré- vention. Dès ce moment, tout est en mouvement, & l'a- gitation théatrale augmente par degrés jusqu'à la fin. La raillerie fine de Dorine, dans la scéne avec son maître, nous découvre Orgon tout entier, & nous prépare à re- connoître Tartuffe dans le portrait de l'hypocrite, que Cléante oppose à celui du vray dévôt. Tartuffe annoncé pendant deux actes, paroît au troisiéme. L'intrigue alors, plus animée, tire également sa vivacité & des nouveaux ressorts qu'on employe contre ce scélérat, & de l'adresse avec laquelle il sçait tourner à son avantage tout ce qu'on entreprend contre lui. L'entêtement d'Orgon, qui s'accroît à mesure qu'on cherche à le détruire, donne lieu à cette scéne si singuliére & si admirable du quatriéme acte, que la nécessité de démasquer un vice aussi abominable que l'hypocrisie, rendoit indispensable. L'éloge de Louis XIV,

* Les camarades de Moliere voulurent absolument qu'il eût double part, sa vie durant, toutes les fois qu'on joueroit Tartuffe ; ce qui a toujours été depuis réguliérement exécuté. Voyez Gri- marest, page 196.

xl MEMOIRES SUR LA VIE

placé à la fin de la piéce, dans la bouche de l'éxemt, ne peut justifier, aux yeux des critiques, le vice du dénouement.

Amphitrion, comédie en trois actes en vers, avec un prolo- gue, représen- tée à Paris sur le théatre du Palais royal, le 13 juin 1668. Si ce fut sans fondement qu'on accusa Moliere d'avoir attaqué la religion dans Tartuffe, on eût pû lui reprocher, à plus juste titre, d'avoir choqué la bienséance dans Am- <lb class="yes lb null" data="" break="yes"/> phitrion. Mais, soit par respect pour l'antiquité, (u) soit par une suite de l'usage où l'on est d'adopter sans scrupule les rêveries les plus indécentes de la mythologie, soit que l'on fût déja familiarisé avec ce sujet, par Les Sosies de Rotrou, (x) on n'y fit pas même attention. On se contenta d'admirer également & l'art avec lequel Moliere avoit mis en œuvre ce qu'il avoit emprunté de Plaute, & la justesse de son goût dans les changemens, & dans les additions qu'il avoit crû devoir faire. Madame Dacier, qui étale toutes les beautés de la piéce latine, n'auroit pas réussi à faire pan- cher la balance en faveur de Plaute ; le paralléle des deux comédies n'auroit servi qu'à montrer la supériorité de l'auteur moderne sur l'ancien. Thessala dans Plaute, Cé- phalie dans Rotrou, ne sont que de simples confidentes d'Alcméne ; Moliere a fait de Cléanthis, qui tient leur place, un personnage plus intéressant par lui-même. La scéne de Sosie avec elle, n'est point une répétition vicieuse de celle d'Amphitrion avec Alcméne, quoique le maître & le valet ayent également pour objet de s'éclaircir sur la fidélité de leurs femmes. Les deux scénes ne produisent pas le même

(u) Euripide & Archippus avoient traité pour les Grecs ce sujet, que Plaute a fait connoître aux Romains. (x) Les Sosies, comédie en cinq actes en vers, par Rotrou, achevée d'imprimer le 25 juin 1638, Paris in-4°.

effet

ET LES OUVRAGES DE MOLIERE. xlj

effet, par la différence que l'auteur a mise entre la conduite de Jupiter avec Alcméne, & celle de Mercure avec Cléan- this. Plaute, qui finit sa comédie par le sérieux d'un Dieu en machine, auroit sçû gré à Moliere d'avoir interrompu, par le caprice de Sosie, les complimens importuns des amis d'Amphitrion, sur un sujet aussi délicat.

Mais, enfin, coupons aux discours, Et que chacun, chez soi, doucement se retire ; Sur telles affaires, toujours, Le meilleur est de ne rien dire.

A n'envisager cette réfléxion, qui achéve le dénouement, que du côté de la plaisanterie, l'on avouera qu'il étoit difficile de terminer plus finement sur le théatre françois, une intrigue aussi galante. L'on rit, dit Horace, (y) & le poëte est tiré d'affaire.

Le succès des vers libres à rimes croisées, que Moliere a employés dans Amphitrion, a pû faire penser que ce genre de poësie étoit le plus propre à la comédie, parce qu'en s'éloignant du ton soutenu des vers alexandrins, il approche davantage du stile aisé de la conversation ; ce- pendant l'ancien usage a prévalu sur le théatre. Soit habi- tude, soit difficulté de réussir autrement, on continua d'é- crire en vers alexandrins.

Moliere avoit été moins heureux, lorsqu'il avoit voulu introduire une autre nouveauté dans le stile de la scéne comique. C'étoit alors une singularité, un défaut même pour une comédie en cinq actes, que d'être écrite en prose.

(y) Solventur risu tabula, tu missus abibis. Satyra prima, lib. 2, v. 86.

f

Tome l.

xlij MEMOIRES SUR LA VIE

On étoit moins difficile sur les piéces qui n'avoient qu'un ou trois actes.

Le mérite de L'Avare

L'Avare, comédie en cinq actes en prose, représentée sur le théatre du Pa- lais royal, le 9 septembre 1668.. céda pour quelque tems à la préven- tion générale ; l'auteur qui avoit été obligé de le retirer (z) la septiéme représentation, le fit reparoître sur la scéne en 1668. On fut forcé de convenir qu'une prose élégante pouvoit peindre vivement les actions des hommes dans la vie civile ; & que la contrainte de la versification, qui ajoûte quelquefois aux idées, par les tours heureux qu'elle donne occasion d'employer, pouvoit quelquefois aussi faire perdre une partie de cette chaleur & de cette vie, qui naît de la liberté du stile ordinaire. Il est, en effet, des tours uniques, dictés par la nature, que le moindre changement dans les mots altére & affoiblit.

Dès que le préjugé eut cessé, on rendit justice à l'au- teur. La proposition faite à l'avare d'épouser sa fille sans dot, l'enlévement de la cassette, le désespoir du vieillard volé, sa méprise à l'égard de l'amant de sa fille qu'il croit être le voleur de son trésor, l'équivoque de la cassette, sont les traits principaux que Moliere a puisés dans Plaute. Mais Plaute ne peut corriger que les hommes qui ne prositeroient point des ressources que le hazard leur donne contre la pauvreté : Euclion, né pauvre, veut encore passer pour tel, quoiqu'il ait trouvé une marmite pleine d'or ; il n'est occupé que du soin de cacher ce trésor, dont son avarice l'empêche de faire usage. Le poëte françois embrasse un objet plus étendu & plus utile. Il représente

(z) On ne sçait pas précisément en quel tems L'Avare parut pour la premiére fois.

ET LES OUVRAGES DE MOLIERE. xliij

L'Avare sous différentes faces ; Harpagon ne veut paroître ni avare ni riche, quoiqu'il soit l'un & l'autre. Le désir de con- server son bien, en dépensant le moins qu'il peut, est égal au désir insatiable d'en amasser davantage ; cette avidité le rend usurier, il le devient envers son fils même ; il est amant par avarice, & c'est par avarice qu'il cesse de l'être.

George<lb class="yes lb null" data="" break="yes"/> Dandin,<lb class="yes lb null" data="" break="yes"/> ou Le mari<lb class="yes lb null" data="" break="yes"/> confondu, comédie en trois actes en prose, représentée a- vec des inter- médes à Ver- sailles le 15 juil- let 1668, & à Paris, sans in- termédes, sur le théatre du Pa- lais royal, le 9 novembre de la même année.Quoique, dans tous les tems, l'expérience ait montré que la disproportion des conditions & des fortunes, la différence d’humeur & d'éducation, sont des sources intarissables de discorde entre deux personnes que l'intérêt, d'une part, &, de l'autre la vanité, engagent à s'épouser, cet abus n'en est pas moins commun dans la société : Moliere entreprit de le corriger. Les naivetés grossiéres des valets qui trompent George Dandin, le caractére chargé d'un gentilhomme de campagne & de sa femme, sont des moyens mis heureuse- ment en œuvre pour rendre cette vérité sensible ; mais on voudroit en vain excuser le caractére d'Angelique, qui, sans combattre son panchant pour Clitandre, laisse trop paroître son aversion pour son mari, jusqu'à se prêter à tout ce qu'on lui suggére pour le tromper, ou du moins pour l'inquiéter. Ses démarches, qui ne peuvent être en- tiérement innocentes, quand on ne les accuseroit que de légéreté & d'imprudence, tournent toujours à son avan- tage, par les expédiens qu'elle trouve pour se tirer d'em- barras ; de sorte que l'on est peut-être plus tenté d’imiter la conduite de la femme, toujours heureuse, quoique tou- jours coupable, que désabusé des mariages peu sortables, par l'exemple de l'infortune du mari, Aussi cette piéce eut-

f ij

xliv MEMOIRES SUR LA VIE

elle des censeurs, & peu de critiques ; elle parut devant le Roi avec des intermédes, qui nont encore été imprimés dans aucune des éditions de Moliere, & que l'on trouvera dans celle-ci, avec la relation de la fête où George Dandin fut représenté.

La comédie de M. de Pourceaugnac,

Monsieur de<lb class="yes lb null" data="" break="yes"/> Pourceau-<lb class="yes lb null" data="" break="yes"/> gnac, comé- die-ballet, en trois actes en prose, représen tée à Cham- bord, au mois d'octobre 1669, & à Paris, sur le théatre du Pa- lais royal, le 15 novembre de la même année.embellie aussi de chants & de danses, est d'un comique plus propre à divertir qu'à instruire. Le ridicule outré d'un provincial donne lieu à un intrigant de profession, qui est dans les intérêts d'Eraste, d'imaginer divers moyens pour détourner également, & Oronte de donner sa fille à Monsieur de Pourceaugnac, & Monsieur de Pourceaugnac de finir le mariage qui l'avoit attiré à Paris. Les piéges dans lesquels Sbrigani fait tomber l'avocat de Limoges, paroîtront plus vraysemblables, si l'on se rappelle que cet adroit napolitain, pour régler les mesures qu'il avoit à prendre, est allé, à la descente du coche, étu- dier le caractére & l'esprit de l’homme qu'il vouloit jouer. Les intermédes se ressentent du ton peu noble de toute la piéce.

Le Roi donna le sujet des Amans magnifiques.

Les Amans<lb class="yes lb null" data="" break="yes"/> magnifiques, comédie-ballet, en cinq actes en prose, re- présentée à saint Germain en Laye, au mois de février 1670, sous le titre de Divertissement<lb class="yes lb null" data="" break="yes"/> royal. Deux princes rivaux s'y disputent, par des fêtes galantes, le cœur d'une princesse. Suivant cette idée générale, Moliere réunit à la hâte dans différens intermédes, tout ce que le théatre (a) lui pût fournir de divertissemens propres à flater le goût de la cour. Le personnage de Sostrate est un caractére d'amant qu'il n'avoit pas encore exposé sur la scéne ; Clitidas, plaisant de cour, est plus fin que n'est Moron dans la

(a) Voyez avant propos.

ET LES OUVRAGES DE MOLIERE. xlv

Princesse d'Elide. Un astrologue, dont l'artifice démasqué sert à détromper les grands d'une foiblesse qui fait peu d’honneur à leurs lumiéres, dédommage en partie de la singularité peu vraysemblable d'un dénouement machinal. L'auteur, qui, par de solides réfléxions, & par sa propre expérience, avoit appris à distinguer ce qui convenoit aux différens théatres pour lesquels il travailloit, ne crut pas devoir hazarder cette comédie sur le théatre de Paris. Il ne la fit pas même imprimer, quoiqu'elle ne soit pas sans beautés pour ceux qui sçavent se transporter aux lieux, aux tems, & aux circonstances dont ces sortes de divertisse mens tirent leur plus grand prix.

La cour fut moins favorable au Bourgeois gentilhomme.

Le Bourgeois<lb class="yes lb null" data="" break="yes"/> gentilhomme comédie-ballet, en cinq actes en prose, repré- sentée à Cham- bord, au mois d'octobre 1670, & à Paris sur le théatre du Pa- lais royal, le 27 novembre de la même année.Elle confondit cette piéce avec celles qui n'ont d'autre mé- rite que de faire rire. Louis XIV en jugea mieux, & rassûra l'auteur alarmé du peu de succès de la premiére représen- tation. Paris fut frappé de la vérité du tableau qu'on lui présentoit ; la foule imposa silence aux critiques. On re- connut dans Monsieur Jourdain un ridicule commun à tous les hommes dans tous les états ; c'est la vanité de vouloir paroître plus qu'ils ne sont. Ce ridicule n'eût pas été sen- sible dans un rang trop élevé ; il n'eût pas eu de graces dans un rang trop bas : pour faire effet sur la scéne comique, il falloit que, dans le choix du personnage, il y eût assez de distance entre l'état dont il veut sortir, & celui auquel il aspire, pour que le seul contraste des maniéres propres à ces deux états, peignit sensiblement, dans un seul point & dans un même sujet, l'excès du ridicule général qu'on vouloit

xlvj MEMOIRES SUR LA VIE

corriger. Le Bourgeois gentilhomme remplit cet objet. On voit en même tems l’homme & le personnage, le masque & le visage, tellement mis en opposition d'ombres & de lumié- res, qu'on démêle toujours ce qu'il est, & ce qu'il veut paroître. Le sens droit de Madame Jourdain, la complai- sance intéressée de Dorante , la gayeté ingénuë de Nicole , le bon esprit de Lucile, la noble franchise de Cléonte, la subtilité féconde de Covielle, & la burlesque vanité des différens maîtres d'arts & de sciences, jettent encore un nouveau jour sur le caractére de Monsieur Jourdain ; il reçoit de tout ce qui l'environne, une nouvelle espéce de ridicule, qui rejaillit sur lui, &, de lui, sur tous les états de la vie. La cérémonie turque, à laquelle Cléonte ne devoit pas se prêter, a pû passer à la faveur de la beauté de la musique, & de la singularité du spectacle.

Si l'on faisoit grace au sac ridicule que l'on a si souvent critiqué après Despréaux, on trouveroit dans Les Fourberies <lb class="yes lb null" data="" break="yes"/> de Scapin , Les Fourbe-<lb class="yes lb null" data="" break="yes"/> ries de Sca-<lb class="yes lb null" data="" break="yes"/> pin, comédie en trois actes en prose, représen- tée à Paris sur le théatre du palais royal, le 24 mai 1671. des richesses antiques qui n'ont pas déplû aux modernes. Plaute n'auroit pas rejetté le jeu même du sac, ni la scéne de la galére, rectifiée d'après Cyrano, & se seroit reconnu dans la vivacité qui anime l'intrigue. Térencene désavoueroit pas (b) l'ouverture simple & adroite de la piéce ; Octave y fait redire à son valet, ou plûtôt répéte lui-même une nouvelle dont il est affligé, pendant que le valet, comme un écho, la confirme par des monosyllabes. Térence se retrouveroit encore dans la scéne, ou Argante raisonne tout haut, tandis que Scapin répond, sans être vû ni

(b) Voyez la premiére scéne de L'Andrienne .

ET LES OUVRAGES DE MOLIERE. xlvij

entendu d'Argante, pour instruire le spectateur de la four- berie qu'il médite. Enfin, quoique les valets, qui, comme les esclaves dans Plaute & dans Térence, font l'ame de la piéce, ne produisent pas un comique aussi élégant que celui dont Moliere a le premier donné l'exemple à son siécle, on ne peut s'empêcher d'applaudir à ce comique d'un or- dre inférieur.

Dans Psiché,

Psiché, tragédie-ballet en cinq actes en vers, représen- tée à Paris au palais des Tui- leries pendant le carnaval 1670, & sur le théatre du Palais royal, le 24 juillet 1671.tragédie-ballet en vers libres, Moliere crut devoir sacrifier la régularité de la conduite, à des ornemens accessoires. Pressé par les ordres du Roi, qui ne lui donné- rent pas le tems d'écrire sa piéce en entier, il eut recours au grand Corneille, qui voulut bien s'assujettir au plan de Moliere : (c) les grands hommes ne sçauroient être ja- loux. Quinault composa les paroles françoises, qui furent mises en musique par Lulli. La magnificence royale que l'on étala dans la représentation, & le concours des auteurs illustres dont les talens s'étoient réunis pour exécuter plus promtement les ordres de Louis XIV, ajoutérent un nou- veau lustre à cette piéce, qui sera toujours célébre par un grand nombre de traits ; &, sur tout, par le tour neuf & délicat de la déclaration de l'Amour à Psiché.

Moliere travailla plus à loisir la comédie des Femmes<lb class="yes lb null" data="" break="yes"/> sçavantes.

Les Femmes<lb class="yes lb null" data="" break="yes"/> sçavantes, co- médie en cinq actes en vers, représentée à Paris sur le thé- atre du Palais royal, le 11 mars 1672.Il a voulu y peindre le ridicule du faux bel-esprit & de l'érudition pédantesque. Un sujet pareil ne fournit rien en apparence qui puisse être intéressant sur le théatre ; préjugé qui nuisit d'abord au succès de la piéce, mais qui

(c) à Moliere n'a fait que le prologue, le premier acte, & les deux premiéres scénes du second & du troisiéme acte.

xlviij MEMOIRES SUR LA VIE

ne dura pas. On sentit bientôt avec quel art l'auteur avoit sçû tirer cinq actes entiers d'un sujet aride en lui-même, sans y rien mêler d'étranger ; & on lui sçut gré d'avoir pré- senté sous une face comique, ce qui n'en paroissoit pas sus- ceptible.

Des notions aussi confuses que superficielles sur les scien- ces, des termes d'art jettés sans choix, une affectation mal placée de pureté grammaticale, composent, quoiqu'avec des nuances différentes, le fonds du caractére de Phila- minte, d'Armande & de Bélise. La seule Henriette se sauve de la contagion, & en devient plus chére à son pere, qui voit le mal avec peine, sans avoir la force d'y remédier. L'entêtement de Philaminte, & la haute idée qu'elle a conçûë des talens & de l'esprit de Trissotin, font le nœud de la piéce ; un sonnet & un madrigal, que ce prétendu bel-esprit récite avec emphase, dans la scéne seconde du troisiéme acte, la confirment dans la résolution qu'elle avoit déja prise, de marier au plûtôt Henriette avec l’homme du monde qu'elle estime le plus. Il seroit à souhaiter que Phi- laminte fût désabusée par un incident mieux combiné & plus raisonnable que n'est celui des deux lettres supposées qu'Ariste apporte au cinquiéme acte ; la générosité réci- proque de Clitandre & d' Henriette fait en quelque forte oublier ce défaut. On prétend que la querelle de Trissotin & de Vadius est copiée d'après ce qui se passa au palais de Luxemboug, chez Mademoiselle, entre deux (d) auteurs du tems.

(d) Voyez Menagiana, tom. 3. p. 23. Paris in-12, 1715.

La

ET LES OUVRAGES DE MOLIERE. xlix

La Comtesse d'Escarbagnas

La Comtesse<lb class="yes lb null" data="" break="yes"/> d'Escarba-<lb class="yes lb null" data="" break="yes"/> gnas, comédie- ballet, en plu- sieurs actes en prose, représen- tée à saint Ger- main en Laye, au mois de fé- vrier 1672, & à Paris , en un acte, sans inter- médes, sur le théatre du Pa- lais royal, le 8 juillet de la mê- me année. n'est qu'une peinture simple des ridicules qui étoient alors répandus dans la province, d'où ils ont été bannis, à mesure que le goût & la politesse s'y sont introduits. Les rôles de la comtesse, de Monsieur Tibaudier. & de Monsieur Harpin, sont le germe de trois caractéres que les auteurs comiques ont depuis si souvent traités & développés sur le théatre. Cette comédie, suivie d'une Pastorale comiquePastorale comique. dont il ne nous est resté que les noms des personnages, parut dans une fête que le Roi donna à Madame, à Saint Germain en Laye, au mois de décembre 1671. Les deux piéces, divisées en sept actes, sans qu'on en connoisse la véritable distribution, y étoient accompagnées d'intermédes tirés de plusieurs divertissemens qui avoient déjà été représentés devant le Roi.

Le Malade imaginaire

Le Malade<lb class="yes lb null" data="" break="yes"/> imaginaire, comédie-ballet, en trois actes en prose, avec un prologue, re- présentée à Pa- ris sur le théatre du Palais royal, le 10 février 1673. fut la derniére production de Moliere. On retrouva, dans le rôle de Béline, un caractére malheureusement trop ordinaire dans la vie civile ; & l'on vit, avec plaisir, la sensible Angélique oublier les intérêts de sa passion, pour ne voir, dans son pere mort, que l'objet de sa douleur & de ses regrets. Les médecins ne sont point épargnés dans cette piéce ; Moliere ne s'y borne pas à les plaisanter, il attaque le fond (e) de leur art, par le rôle de Béralde, comme, dans celui du Malade imaginaire , il jouë la foiblesse la plus universelle de l’homme, l'amour

(e) Tout le monde sçait la réponse que Moliere fit à Louis XIV, qui, le voyant un jour à son dîné avec un médecin nommé Mauvillain, lui dit, Vous avez un médecin, que vous fait-il ? Sire, répondit Moliere, nous raisonnons ensemble : il m'ordonne des remédes, je ne les fais point ; & je guéris. Mauvillain étoit ami de Moliere, & lui fournissoit les termes d'art dont il avoit besoin. Son fils, qui vit encore aujourd’hui, obtint à la sollicitation de Moliere, un canonicat de Vin- cennes. Voyez troisiéme placet sur Tartuffe.

Tome l.

g

l MEMOIRES SUR LA VIE

inquiet de la vie, & les soins trop multipliés pour la con- server. Il jouë même la faculté en corps dans le troisiéme interméde, qui, quoique mieux lié au sujet que les deux premiers, n'en est pas plus vraysemblable.

Le jour qu'il devoit représenter Le Malade imaginaire pour la troisiéme fois, il se sentit plus incommodé qu'à l'ordinaire du mal de poitrine auquel il étoit sujet, & qui, depuis long- tems, l'assujettissoit à un grand régime, & à un usage fré- quent du lait. Ce mal avoit dégénéré en fluxion, ou plûtôt en toux habituelle. (f) Il éxigea, ce jour-là, de ses camarades que l'on commençât la représentation à quatre heures précises. Sa femme & Baron le pressérent de prendre du repos, & de ne point jouer. Hé, que feront, leur répondit-il, tant de pauvres ouvriers ! Je me reprocherois d'avoir négligé un seul jour de leur donner du pain. Les efforts qu’il fit pour achever son rôle, augmentérent son oppression ; & l'on s'apperçut qu'en pro- nonçant le mot juro, dans le divertissement du troisiéme acte, il lui prit une convulsion, qu'il tâcha en vain de déguiser aux spectateurs par un ris forcé. On le porta chez lui, dans sa maison, ruë de Richelieu, * où sa toux augmenta considérablement, & fut suivie d'un vomissement de sang qui le suffoqua. Il mourut le vendredi 17 de février 1673, agé de cinquante-trois ans, entre les bras de deux de ces sœurs religieuses, qui viennent quêter à Paris pendant le carême, & qu'il avoit retirées chez lui.

(f) Frosine y fait allusion dans L'Avare , acte ll, scéne VI, en disant à Harpagon, que Moliere représentoit, Cela n'est rien. Votre fluxion ne vous siéd point mal, & vous avez grace à tousser. * Vis-à vis la fontaine, du côté qui donne sur le jardin du Palais royal.

ET LES OUVRAGES DE MOLIERE. lj

Le Roi, touché de la perte d'un si grand homme, & voulant lui donner, même après sa mort, une nouvelle marque de sa protection, engagea l'archevêque (g) de Paris, à ne lui pas refuser la sépulture dans un lieu saint. Ce prélat, après des informations exactes sur la religion & sur la probité de Moliere, permit qu’il fût enterré à saint Joseph, qui est une aide de la paroisse de saint Eustache.

La foule qui s'étoit attroupée devant la porte du mort, le jour qu'on le porta en terre, détermina la veuve à faire jetter de l'argent ; & cette populace, qui auroit peut-être insulté au corps de Moliere, l'accompagna avec respect. Le convoi se fit tranquillement le mardi 21 de février, à la clarté de plus de cent flambeaux portés par ses amis.

Il n'a laissé qu'une fille ; & sa veuve épousa dans la suite le comédien Détriché, connu sous le nom de Guérin.

La (h) femme d'un des meilleurs comiques que nous ayons eu, nous a donné ce portrait de Moliere. Il n'étoit ni trop gras, ni trop maigre ; il avoit la taille plus grande que petite, le port noble, la jambe belle ; il marchoit gravement, avoit l'air très-sérieux, le néz gros, la bouche grande, les lévres épaisses, le teint brun, les sourcils noirs & forts, & les divers mouvemens qu'il leur donnoit lui rendoient la phisionomie extrêmement co- mique, A l'égard de son caractére, il étoit doux, complaisant, généreux. Il aimoit fort à haranguer ; &, quand il lisoit ses piéces aux comédiens, il vouloit qu'ils y amenassent leurs enfans, pour tirer des conjectures de leurs mouvemens naturels.

(g) Voyez note 19, sur l'épître 7 de Despreaux, Amst. in-folio, 1718 , tome premier, p 218. (h) Mademoiselle Poisson fille de Du Croisy, comédien de la troupe de Moliere ; elle a joué le rôle d'une des Graces dans Psiché en 1671.

g ij

lij MEMOIRES SUR LA VIE

A considérer le nombre des ouvrages (i) que Moliere a composés dans l'espace d'environ vingt années, au milieu de tant d'occupations différentes qui faisoient partie de ses devoirs, on croira plûtôt, avec Despreaux, (k) que la rime venoit le chercher, qu'on n'ajoutera foi à ce qu'avance un auteur, (l) que Moliere travailloit difficilement : & l'on y admirera ce génie vaste, dont la fécondité cultivée & en- richie par une étude continuelle de la nature, a enfanté tant de chef-d'œuvres.

Semblable au peintre habile, qui, toujours attentif à remarquer, dans les expressions extérieures des passions, les mouvemens & les attitudes qui les caractérisent, rapporte à son art toutes ses observations ; Moliere, pour nous don- ner sur la scéne un tableau fidéle de la vie civile, dont le théatre est l’image, étudioit avec soin le geste, le ton, le langage de tous les sentimens dont l’homme est susceptible dans toutes les conditions. C'est à cet esprit de réfléxion, prêt à s'exercer sur tout ce qui se passoit sous ses yeux, c'est à l'attention extrême qu'il apportoit à examiner les hommes, & au discernement exquis avec lequel il sçavoit démêler les principes de leurs actions, que ce grand homme a dû la connoissance parfaite du cœur humain.

(i) Outre les ouvrages qu'on a rassemblés dans cette édition, & plusieurs piéces qu'il avoit composées pour la province, il avoit laissé quelques fragmens de comédies qu'il devoit achever, & même quelques-unes entieres. La veuve de Moliere les avoit remises au comédien la Grange; on ne sçait ce qu'elles sont devenuës. [Voyez Grimarest page 310.] Il avoit aussi traduit presque tout Lucrece. Voyez le même page 311, & remarques sur la satyre 2 de Despreaux, in-folio, Amsterdam, page 20, tome premier, 1718. (k) Voyez ép. ll, de Despréaux. (l) Voyez vie de Moliere, par Grimarest, page 48.

ET LES OUVRAGES DE MOLIERE. liij

Si on lui a reproché de s'être répété quelquefois, comme dans la scéne (m) des deux marquis du Misantrope, imitée en partie de celle (n) de Valere & d'Eraste dans Le Dépit<lb class="yes lb null" data="" break="yes"/> amoureux ; si Clitandre, dans L'Amour médecin, (o) produit à peu près le même incident qu'Adraste dans Le Sicilien, (p) on peut du moins, dans la comparaison de ces scénes, remarquer le progrès du génie & des talens de Moliere. Ce progrès ne se fait jamais mieux sentir, que par le paralléle des idées semblables, qu'un même auteur a exprimées en différens tems. Mais il ne faut point confondre les deux scénes de L'Amour médecin, & du Sicilien, que nous venons de citer, avec d'autres qui y ont quelque rapport. Clitandre & Adraste, à la faveur de leur déguisement, trouvent le moyen d'entretenir leurs maîtresses en particulier, quoique Sgana- relle & Dom Pédre soient sur la scéne : (q) dans L'Étourdi, (r) dans L'École des maris, (s) dans Le Malade imaginaire, des amans, qui ne peuvent s'expliquer autrement, déclarent tout haut leur passion à l'objet aimé, en présence même des per- sonnes à qui ils ont intérêt de cacher leurs sentimens. Ces derniéres scénes, plus fines & plus piquantes que les pre- miéres, se ressemblent encore moins entre elles par le tour. Moliere arrive au même but, mais par diverses routes, plus ingénieuses & plus comiques l'une que l'autre. Quelle étenduë & quelles ressources dans l'esprit ne faut-il pas

(m) Acte III, scéne I. (n) Acte I, scéne III.

(o) Acte III, scéne V. (p) Scéne XII.

(q) Acte I, scéne IV.

(r) Acte II, scéne XIV.

(s) Acte II, scéne VI.

liv <hi class="bold hi null" data="" rend="bold">MEMOIRES SUR LA VIE</hi>

avoir, pour varier avec art les mêmes fonds, & pour les reproduire sous d'autres points de vûë, avec des couleurs différentes & toujours agréables ?

La fécondité de Moliere est encore plus sensible dans les sujets qu’il a tirés des auteurs anciens & modernes, ou dans les traits qu'il a empruntés d'eux. Toujours superieur à ses modéles, &, en cette partie, égal à lui-même, il donnoit une nouvelle vie à ce qu'il avoit copié. Les mo- déles disparoissoient, il devenoit original. C'est ainsi que Plaute & Térence avoient imité les grecs. Mais les deux poëtes latins, plus uniformes dans le choix des caractéres, & dans la maniére de les peindre, n'ont représenté qu'une partie des mœurs générales de Rome. Le poëte françois a non seulement exposé sur la scéne les vices & les ridicules communs à tous les âges & à tous les pays, il les a peints encore avec des traits tellement propres à sa nation, que ses comédies peuvent être regardées comme l’histoire des moeurs, des modes, & du goût de son siécle ; avantage qui distinguera toujours Moliere de tous les auteurs comi- ques.

Comme ses ouvrages ne sont pas tous du même genre, il ne faut pas, pour en juger sainement, partir des mêmes principes. Dans ses premiéres comédies d'intrigue, il se conforma à l'usage qui étoit alors établi sur le théatre fran-çois, & crut devoir ménager le goût du public, accoutumé à voir réunis dans un même sujet, les incidens les moins vraysemblables ; c'est plutôt un vice du tems, qu'un défaut de l'auteur. Dans les piéces qu'il préparoit à la hâte pour

ET LES OUVRAGES DE MOLIERE. lv

des fêtes ordonnées par Louis XIV, il a quelquefois sacrifié une partie de sa gloire à la magnificence, à la variété du spectacle, & aux ornemens que la musique & la danse y devoient ajoûter. Uniquement rempli du désir d'exécuter promtement les ordres du Roi, il ne songeoit qu'à répondre, du moins par son zéle, à la confiance que lui témoignoit ce Prince, en le chargeant du soin de l'amuser. Il n'a pas même crû avilir son talent, en se prêtant au peu de déli-catesse de la multitude, dans ces piéces, dont les caractéres chargés plaisent toujours au plus grand nombre, & où les gens de goût, sans en approuver le genre, remarquoient des traits que l'usage a consacrés, & a fait passer en pro-verbes. D'ailleurs, une critique trop sévére ne s'accordoit guéres avec l'intérêt d'une troupe que la gloire seule ne conduisoit pas, & qui ne jugeoit du mérite d'une comédie, que par le nombre des représentations, & par l'affluence des spectateurs. Ce sont apparemment ces espéces de farces, qu'il lisoit à sa servante, pour juger, par l'impression qu'elle en recevoit, de l'effet que la représentation produiroit sur le théatre. Il est peu vraysemblable qu'il l'ait consultée, sur Le Misantrope ou sur Les Femmes sçavantes.

Ces deux piéces, dont le genre méme étoit inconnu à l'an-tiquité, sont celles que le public a reçûes avec le moins d'em- pressement, & cependant celles dont il attendoit l’immortali- té, & qui, ainsi que L'École des femmes & Tartuffe, la lui assûrent. L'art caché sous des graces simples & naïves, n'y employe que des expressions claires & élégantes, des pensées justes & peu recherchées, une plaisanterie noble & ingénieuse pour

lvj MEMOIRES SUR LA VIE

peindre & pour développer les replis les plus secrets du cœur humain. C'est enfin par elles, que Moliere a rendu en France la scéne comique supérieure à celle des grecs & des romains.

La nature, qui lui avoit été si favorable du côté des ta- lens de l'esprit, lui avoit refusé ces dons extérieurs, si né- cessaires au théatre, sur tout, pour les rôles tragiques. Une voix sourde, des infléxions dures, une volubilité de langue qui précipitoit trop sa déclamation, le rendoient, de ce côté, fort inférieur aux acteurs de l'hôtel de Bourgogne. Il se fit justice, & se renferma dans un genre où ces défauts étoient plus supportables. Il eut même des difficultés à surmonter pour y réussir ; & ne se corrigea de cette volubilité, si contraire à la belle articulation, que par des efforts con- tinuels, qui lui causerent un hoquet qu’il a conservé jusqu'à la mort, & dont il sçavoit tirer parti en certaines occasions. Pour varier ses infléxions, il mit le premier en usage certains tons inusités, qui le firent d'abord accuser d'un peu d'affectation, mais auxquels on s'accoutuma. Non seule- ment il plaisoit dans les rôles de Mascarille, de Sganarelle, d'Hali, &c ; il excelloit encore dans les rôles de haut comi- que, tels que ceux d'Arnolphe, d'Orgon, d'Harpagon. C'est alors que, par la vérité des sentimens, par l'intelli- gence des expressions, & par toutes les finesses de l'art, il séduisoit les spectateurs, au point qu'ils ne distinguoient plus le personnage représenté, d'avec le comédien qui le représentoit ; aussi se chargeoit-il toujours des rôles les plus longs & les plus difficiles. Il s'étoit encore réservé l'emploi

d'orateur

ET LES OUVRAGES DE MOLIERE. lvij

d'orateur (r) de sa troupe.

Le soin avec lequel il avoit travaillé à corriger & à perfectionner son jeu, s'étendoit jusques sur ses cama- rades. L'Impromptu de Versailles, dont le sujet est la ré- pétition d'une comédie qui devoit se jouer devant le Roi, est l'image de ce que Moliere faisoit probablement dans les répétitions ordinaires des piéces qu'il donnoit au pu- blic. Rien de ce qui pouvoit rendre l’imitation plus vraye & plus sensible, n'échapoit à son attention. Il obligea sa femme, qui étoit extrêmement parée, à chan- ger d’habit, parce que la parure ne convenoit pas au rôle d'Elmire convalescente, qu'elle devoit représenter dans Tartuffe. Mais il ne se bornoit pas seulement à former ses acteurs ; il entroit dans toutes leurs affaires, soit générales, soit particuliéres, il étoit leur maître & leur camarade, leur ami & leur (u) protecteur ; aussi attentif à composer pour eux (x) des rôles qui fissent valoir leurs talens, que soigneux d'attirer dans sa troupe des sujets qui pûssent la rendre plus célébre. On sçait que le bruit des heureuses dis- positions du jeune Baron, alors âgé d'environ onze ans, avoit déterminé Moliere à demander au Roi un ordre pour

(t) Chaque troupe avoit, dans ce tems-là, un acteur, qui seul faisoit l'annonce des piéces, & qui haranguoit le public dans l'occasion. Moliere, quelques années avant sa mort, avoit cédé cet emploi au comédien La Grange.

(u) Non seulement, en 1665, il obtint pour sa troupe le tître de troupe du Roi, avec sept mille livres de pension ; mais, sur les instances réitérées de ses camarades, il demanda, & ob- tint un ordre du Roi, pour qu'aucunes personnes de sa maison n'entrassent à la comédie sans payer. Voyez Grimarest, page 131.

(x) Il avoit Du Croisy en vuë, lorsqu'il composa le rôle de Tartuffe ; comme, dans la suite, profitant de la taille & des graces de Baron encore jeune, il lui destina le rôle de l'Amour dans Psiché.

Tome l.

h

lviij MEMOIRES SUR LA VIE

faire passer cet enfant, de la troupe de La Raisin, (y) dans la sienne. Baron, élevé & instruit par Moliere, qui lui tint lieu de pere, (z) est devenu le Roscius de son siécle. La Beauval quitta la province pour venir briller sur le théatre du Palais royal.

Moliere, qui s'égayoit, sur le théatre, aux dépens des foiblesses humaines, ne put se garantir de sa propre foi- blesse. Séduit par un panchant qu'il n'eut ni la sagesse de prévenir, ni la force de vaincre, il envisagea la société d'une femme aimable, comme un délassement nécessaire à ses travaux ; ce ne fut pour lui qu'une source de chagrins. Les personnes qui attirent les yeux du public, sont plus exposées que les autres à sa malignité & à ses plaisanteries. Le mariage qu'il contracta avec la fille de la comédienne Béjart, lui fit d'abord éprouver ce que la calomnie (a) a de plus noir. Le peu de rapport entre l’humeur d'un phi- losophe amoureux, & les caprices d'une femme légére & coquette, répandit, dans la suite, sur ses jours bien des nua- ges, dont on abusa pour jetter sur lui le ridicule qu'il avoit si souvent joué dans les autres. Il perdit enfin son repos, &

(y) La Raisin, veuve d'un organiste de Troyes, avoit formé une troupe de jeunes enfans, sous le nom de troupe Dauphine, elle pria Moliere, en 1664, de lui prêter son théatre pour trois représentations : Moliere, informé du succès qu'avoit eu le jeune Baron les deux premiers jours, résolut, quoique malade, de se faire porter au Palais royal à la troisième représentation, & obtint le lendemain un ordre du Roi, pour faire entrer Baron dans sa troupe. Voyez Grimarest, pages 95 & 101.

(z) Baron étoit fils d'un comédien & d'une comédienne de l’hôtel de Bourgogne. Son pere étoit mort au mois d'octobre 1655 ; & sa mere, au mois de septembre 1662. Voyez Muse historique de Loret, lettre 40, de l'année 1655, & lettre 35, de l'année 1662.

(a) On disoit que Moliere, qui avoit été amoureux de la Béjart, avoit épousé sa propre fille, mais elle étoit née en Languedoc avant qu’il eût fait connoissance avec la mere ; d'ailleurs, Grimarest assure qu'elle étoit fille d'un gentilhomme d'Avignon, nommé Modéne. Voyez page 21.

ET LES OUVRAGES DE MOLIERE. lix

la douceur de sa vie ; mais sans perdre aucun des agrémens de son esprit.

Plus heureux dans le commerce de ses amis, il les ras- sembloit à Auteuil, dès que ses occupations lui permet- toient de quitter Paris, ou ne l'appelloient pas à la cour. Estimé des hommes les plus illustres de son siécle, il n'étoit pas moins chéri & caressé des grands. Le maréchal duc de Vivonne vivoit avec lui dans cette familiarité, qui égale le mérite à la naissance. Le grand Condé éxigeoit de Mo- liere de fréquentes visites, & avouoit que sa conversation lui apprenoit toujours quelque chose de nouveau.

Des distinctions si flateuses n'avoient gâté ni son esprit ni son cœur. Baron lui annonca un jour à Auteuil un homme, que l'extrême misére empêchoit de paroître ; il se nomme Mondorge , (b) ajouta-t-il. Je le connois, dit Moliere, il a été mon camarade en Languedoc, c'est un honnête homme ; que jugez-vous qu'il faille lui donner ? Quatre pistoles, dit Baron, après avoir hésité quelque tems. Hé bien, reprit Moliere, Je vais les lui donner pour moi, donnez-lui ces vingt autres que voilà. Mondorge parut, Moliere l'embrassa, le consola, & joignit au présent qu'il lui faisoit, un magnifique habit de théatre, pour jouer dans les rôles tragiques. C'est par des exemples pareils, plus sensibles que de simples discours, qu'il s'appliquoit à former les mœurs de celui qu'il regardoit comme son fils.

On n'a point inséré dans ces mémoires les traditions populaires, toujours incertaines, & souvent fausses, ni les faits étrangers ou peu intéressans, que l'auteur de la vie de

(b) Son nom de famille étoit Mignot.

h ij

lx MEMOIRES SUR LA VIE

Moliere a rassemblés. Celui dont Charpentier, fameux compositeur de musique a été témoin, & qu’il a raconté à des personnes dignes de foi, est peu connu, & mérite d'être rapporté. Moliere revenoit d'Auteuil avec ce musicien. Il donna l'aumône à un pauvre, qui, un instant après, fit arré- ter le carrosse, & lui dit, Monsieur, vous n'avez pas eu dessein de me donner une piéce d'or. Où la vertu va-t-elle se nicher ! s'écria Moliere, après un moment de réfléxion, tien, mon ami, en voilà une autre.

On ne peut mieux finir ces mémoires, que par ces vers de Despréaux. (c)

Avant qu'un peu de terre, obtenu par priére,Pour jamais sous la tombe eût enfermé Moliere, Mille de ces beaux traits, aujourd’hui si vantés, Furent des sots esprits, à nos yeux, rebutés. L'ignorance & l'erreur, à ses naissantes piéces, En habits de marquis, en robes de comtesses, Venoient pour diffamer son chef-d'œuvre nouveau ; Et secouoient la tête à l'endroit le plus beau. Le commandeur vouloit la scéne plus exacte, Le vicomte indigné sortoit au second acte. L'un, défenseur zélé des bigots mis en jeu, Pour prix de ses bons mots, le condamnoit au feu. L'autre, fougueux marquis, lui déclarant la guerre, Vouloit venger la cour immolée au parterre. Mais si-tôt que, d'un trait de ses fatales mains, La Parque l'eut rayé du nombre des humains,

(c) Epître VII, à monsieur Racine.

ET LES OUVRAGES DE MOLIERE. lxj

On reconnut le prix de sa muse éclipsée. L'aimable comédie, avec lui terrassée, En vain, d'un coup si rude, espéra revenir, Et, sur ses brodequins, ne put plus se tenir.

FIN.

lxij

APPROBATION.

J'AI lû, par ordre de monseigneur le Garde des Sceaux, Les <span>Œ</span>uvres de <persname ref="Jean-Baptiste Poquelin">Moliere</persname>, avec les augmentations qui ont été ajoutées à cette nouvelle édition A Paris ce 23 juin 1714. JOLLY.

PRIVILEGE DU ROY.

LOUIS, par la grace de Dieu, Roi de France & de Navarre : à nos amés & féaux conseillers les gens tenans nos cours de parlement, maîtres des requêtes ordinaires de notre hôtel, grand conseil, prévôt de Paris , baillifs, sénéchaux, leurs lieutenans civils, & autres nos justiciers qu'il appartiendra, SALUT. Notre bien amé MICHEL-ETIENNE DAVID, libraire à Paris, nous ayant fait remontrer qu'il souhaiteroit faire réimprimer & donner au public, les Œuvres de Scaron, tant en prose qu'en vers ; L'Histoire universelle du feu sieur évêque de Meaux avec la continuation ; les Œuvres de Pierre & Thomas Corneille ; La Géographie du sieur Robbe avec les cartes ; les Œuvres du sieur de Vene- rony ; les Œuvres du pere Malebranche ; le Nouveau Testament du pere Amelote, prêtre de l'oratoire ; les  Épîtres & Évangiles de toute l'année, & l'Ordinaire de la messe du même auteur ; les Œuvres du sieur Racine ; Journal des audiences ; Œuvres de Moliere avec sa vie ; Instruction pour les jardins fruitiers & <lb/> potagers par le sieur de la Quintinie ; Œuvres de Moriceau ; Histoire de <persname ref="Dom Quichotte">Dom Quichotte</persname> , avec la suite de Avellaneda ; Œuvres du sieur de saint Evremont ; Œuvres de madame de Villedieu ; Les Contes des Fées, par M. Daunoy ; Fables mises en vers par le sieur de l. Fontaine ; Loix civiles par Domat ; Histoire de la <lb/> Bible par Royaumont ; l’Histoire de l'Empire par le sieur Hess ; mais comme il ne les peut faire réimprimer sans s'engager à de très-grands frais, il nous a très-humblement fait supplier de vouloir, bien pour l'en dédommager, lui accorder nos lettres de continuation de privilége sur ce nécessaires. A CES  CAUSES, voulant favorablement traiter ledit exposant, & lui donner moyen de continuer à réimpri- mer ou faire réimprimer les grands ouvrages ci-dessus énoncés, & qui sont très-utiles au public pour l'avancement des sciences & des belles lettres ; nous lui avons permis & accordé, permettons & ac- cordons par ces présentes de faire imprimer lesdits livres ci dessus spécifiés, en tels volumes, forme, marge, caractére, & de toute grandeur qu'il jugera à propos, conjointement ou séparément, & au- tant de fois que bon lui semblera, & de les vendre, faire vendre & débiter par tout notre royaume, pendant le tems de vingt années consécutives, à compter du jour de la datte desdites présentes ; fai- sons défenses à toutes sortes de personnes, de quelque qualité & condition qu'elles soient, d'en in- troduire d'impression étrangére dans aucun lieu de notre obéissance, comme aussi à tous libraires, imprimeurs & autres d'imprimer, faire imprimer, vendre, faire vendre, débiter ni contrefaire les- dits livres ci dessus mentionnés, en tout ni en partie, ni d'en faire aucuns extraits sous quelque pré- texte que ce soit, d'augmentation, correction, changement de tître, même de traduction étrangére ou autrement, sans le conséntement par écrit dudit exposant ou de ceux qui auront droit de lui, à peine de confiscation des exemplaires contrefaits, de dix mille livres d'amende contre chacun des contrevenans, dont un tiers à nous, un tiers à l’Hôtel-Dieu de Paris, l'autre tiers audit exposant, & de tous dépens, dommages & intérêts : à la charge que ces présentes seront enregistrées tout au long sur le registre de la communauté des libraires & imprimeurs de Paris, & ce dans trois mois de la datte d'icelles ; que l’impression de ces livres sera faite dans notre royaume & non ailleurs, en bon papier & en beaux caractéres, conformément aux réglemens de la librairie, & quavant que de les exposer en vente, les manuscrits ou imprimés qui ont servi de copie à l'impression desdits livres, seront remis dans le même état ou les approbations y auront été données, ès mains de notre très-cher & féal chevalier, chancelier de France, le sieur Daguesseau, & qu'il en sera ensuite remis deux exemplaires de chacun dans notre bibliothéque publique, un dans celle de notre château du Louvre, & un dans celle de notre très-cher & féal chevalier, chancelier de France, le sieur Daguesseau ; le tout à peine de nullité des présentes ; du contenu desquelles vous mandons & enjoignons de faire jouir l'exposant ou ses ayans cause pleinement & paisiblement, sans souffrir qu'il leur soit fait aucun trouble ou em- pêchement : voulons que la copie desdites présentes, qui sera imprimée tout au long au commence- ment ou à la fin desdits livres, soit tenuë pour duement signifiée, & qu'aux copies collationnées par l'un de nos amés & féaux conseillers & sécretaires, foi soit ajoûtée comme à l'original. Comman- dons au premier notre huissier ou sergent de faire pour l'exécution d'icelles, tous actes requis & né- cessaires, sans demander autre permission, & nonobstant clameur de haro, chartre normande & lettres à ce contraires : CAR tel est notre plaisir. DONNÉ à Paris le vingt-sixiéme jour du mois de juillet, l'an de grace mil sept cens vingt, & de notre régne le cinquiéme. Par le Roi en son conseil. Signé, FOUQUET.

Registré sur le registre IV, de la communauté des libraires & imprimeurs de Paris, page 613, n. 658, conformément aux réglemens, & notamment à l'arrêt du conseil du 13 août 1703. A Paris le 29 juillet 1720. Signé, DE LAULNE, syndic.

TABLE

lxv

TABLE GÉNÉRALE. TOME PREMIER.

AVERTISSEMENT.

MÉMOIRES sur la vie & les ouvrages de Moliere, par M. de La Serre .

L'ÉTOURDI, <hi class="italic" rend="italic">ou</hi> LES CONTRE-TEMS, comédie en cinq actes en vers, représentée à Paris sur le théatre du petit Bourbon, le 3 décembre 1658.

LE DÉPIT AMOUREUX, comédie en cinq actes en vers, représentée à Paris sur le théatre du petit Bourbon, au mois de décembre 1658.

LES PRÉCIEUSES RIDICULES, comédie en un acte en prose, représentée à Paris sur le théatre du petit Bourbon, le 18 novembre 1659.

SGANARELLE, <hi class="italic" rend="italic">ou</hi> LE COCU IMAGINAIRE, comédie en trois actes en vers, représentée à Paris sur le théatre du petit Bourbon, le 28 mars 1660.

Tome l.

l

lxvj

TABLE GENERALE.

TOME SECOND.

DOM GARCIE DE NAVARRE, <hi class="italic" rend="italic">ou</hi> LE<lb class="yes lb null" data="" break="yes"/> PRINCE JALOUX, comédie héroïque en cinq actes en vers, représentée à Paris sur le théatre du Palais royal, le 4 février 1661 .

L'ÉCOLE DES MARIS, comédie en trois actes en vers, représentée à Paris sur le théatre du Palais royal, le 24 juin 1661.

LES FÂCHEUX, comédie-ballet en trois actes en vers, représentée à Vaux au mois d'aoust 1661, & à Paris, sur le théatre du Palais royal, le 4 novembre de la même année.

L'ÉCOLE DES FEMMES, comédie en cinq actes en vers, représentée à Paris sur le théatre du Palais royal, le 26 décembre 1662.

LA CRITIQUE DE L'ÉCOLE DES FEMMES, comédie en un acte en prose, représentée à Paris sur le théatre du Palais royal, le premier juin 1663.

L'IMPROMPTU DE VERSAILLES, comédie en un acte en prose, représentée à Versailles le 14 octobre 1663, & à Paris, sur le théatre du Palais royal, le 4 novembre de la même année.

lxvij

TABLE GENERALE. TOME TROISIÉME.

LA PRINCESSE D'ÉLIDE, comédie-ballet, (le premier acte & la première scéne du second, en vers, le reste en prose,) représentée à Versailles le 8 mai 1664, & à Paris, sur le théatre du Palais royal, le 9 novembre de la même année.

FÊTES DE VERSAILLES en 1664.

LE MARIAGE FORCÉ, comédie-ballet en un acte en prose, représentée au louvre le 29 janvier 1664, & à Paris, sur le théatre du Palais royal, avec quelques changemens, le 15 novembre de la même année.

LE MARIAGE FORCÉ, ballet du Roi.

DOM JUAN, <hi class="italic" rend="italic">ou</hi> LE FESTIN DE PIERRE, comédie en cinq actes en prose, représentée à Paris sur le théatre du Palais royal, le 15 février 1665.

L'AMOUR MÉDECIN, comédie en trois actes en prose avec un prologue, représentée à Versailles le 15 septembre 1665, & à Paris, sur le théatre du Palais royal, le 22 du même mois.

LE MISANTROPE, comédie en cinq actes en vers, représentée à Paris, sur le théatre du Palais royal, le 4 juin 1666.

i ij

lxviij

TABLE GENERALE. TOME QUATRIÉME.

LE MÉDECIN MALGRÉ LUI, comédie en trois actes en prose, représentée à Paris sur le théatre du Palais royal, le 6 août 1666.

MÉLICERTE, pastorale héroïque en vers, représen- tée à Saint Germain en Laye, au mois de décembre 1666, dans le Ballet des muses.

FRAGMENT D'UNE PASTORALE comique, représentée à Saint Germain en Laye, au mois de décembre 1666, dans le Ballet des muses, à la suite de Mélicerte.

LE SICILIEN, <hi class="italic" rend="italic">ou</hi> L'AMOUR PEINTRE, comédie-ballet en un acte en prose, représentée dans le Ballet des muses, à Saint Germain en Laye, au mois de janvier 1667, & à Paris, sur le théatre du Palais royal, le 10 juin de la même année.

TARTUFFE, <hi class="italic" rend="italic">ou</hi> L'IMPOSTEUR, comédie en cinq actes en vers, représentée à Paris sur le théatre du Palais royal, le 5 août 1667, & depuis, sans interruption, le 5 février 1669.

AMPHITRION, comédie en trois actes en vers, avec un prologue, représentée à Paris sur le théatre du Palais royal, le 13 juin 1668.

lxix

TABLE GENERALE. TOME CINQUIÉME.

L'AVARE, comédie en cinq actes en prose, représen- tée sur le théatre du Palais royal, le 9 septembre 1668.

GEORGE DANDIN, <hi class="italic" rend="italic">ou</hi> LE MARI CONFONDU, comédie en trois actes en prose, représentée avec des intermédes à Versailles le 15 juillet 1668, & à Paris, sans intermédes, sur le théatre du Palais royal, le 9 novembre de la même année.

FÊTE DE VERSAILLES en 1668.

MONSIEUR DE POURCEAUGNAC, comédie-ballet en trois actes en prose, représentée à Chambord, au mois d'octobre 1669, & à Paris, sur le théatre du Palais royal, le 15 novembre de la même année.

LES AMANS MAGNIFIQUES, comédie-ballet en cinq actes en prose, représentée à Saint Germain en Laye, au mois de février 1670, sous le tître de Diver-<lb class="yes lb null" data="" break="yes"/> tissement royal.

LE BOURGEOIS GENTILHOMME, comédie-ballet en cinq actes en prose, représentée à Chambord, au mois d'octobre 1670, & à Paris, sur le théatre du Palais royal, le 29 novembre de la même année.

lxx

TABLE GENERALE. TOME SIXIÉME.

LES FOURBERIES DE SCAPIN, comédie en trois actes en prose, représentée à Paris, sur le théatre du Palais royal, le 24 mai 1671.

PSICHÉ, tragédie-ballet en cinq actes en vers, repré- sentée à Paris au palais des Tuileries pendant le carnaval 1670, & sur le théatre du Palais royal, le 24 juillet 1671.

LES FEMMES SÇAVANTES, comédie en cinq actes en vers, représentée à Paris sur le théatre du Palais royal, le 11 mars 1672.

LA COMTESSE D'ESCARBAGNAS, comédie- ballet en plusieurs actes en prose, représentée à Saint Germain en Laye, au mois de février 1672, & à Paris en un acte, sans intermédes, sur le théatre du Palais royal, le 8 juillet de la même année.

PASTORALE comique.

LE MALADE IMAGINAIRE, comédie-ballet en trois actes en prose, avec un prologue, représentée à Paris sur le théatre du Palais royal, le 10 février 1673.

REMERCIEMENT AU ROI.

LA GLOIRE DU VAL-DE-GRACE.

Fin de la table générale.