Transcription Transcription des fichiers de la notice - <em>Prétendu Recueil de lettres de M. De Voltaire (Le)</em> Decroix, Jacques Joseph Marie (1746-1826) chargé d'édition/chercheur Macé, Laurence (révision et édition scientifique) Laurence Macé CEREdI, UR 3229 - Université de Rouen-Normandie ; projet EMAN, Thalim (CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle) PARIS
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Fiche : Laurence Macé CEREdI, UR 3229 - Université de Rouen-Normandie ; projet EMAN, Thalim (CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle). Licence Creative Commons Attribution – Partage à l’Identique 3.0 (CC BY-SA 3.0 FR)
Paris, Bibliothèque nationale de France, NAF 13139, f. 249r-250v
Lettre adressée par l'éditeur Decroix à Ruault dans le cadre du recueil de lettres pour l'édition de Kehl. Decroix est "le principal acteur de ces recherches" menées "dans toute l'Europe", mais principalement "en province et dans les pays du Nord" (Linda Gil, <em>L'édition de Kehl de Voltaire. Une aventure éditoriale et littéraire au tournant des Lumières</em>, Champion, 2018, p. 1051, la lettre est partiellement citée). Français Lettre adressée par l'éditeur Decroix à Ruault dans le cadre du recueil de lettres pour l'édition de Kehl. Decroix est "le principal acteur de ces recherches" menées "dans toute l'Europe", mais principalement "en province et dans les pays du Nord" (Linda Gil, <em>L'édition de Kehl de Voltaire. Une aventure éditoriale et littéraire au tournant des Lumières</em>, Champion, 2018, p. 1051, la lettre est partiellement citée).

A Lille Le 16. 8. bre 1782

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Demeurez longtemps, mon cher Ami ; dans votre beau paradis terrestre, puisque le celeste ne vous touche guères. Croyez qu’à cet égard je me pique d’une modestie au moins égale à la vôtre. Mes vœux se bornent a jouir de votre heureux sort, et j’avoue que je vous porte envie du fond de mon purgatoire où j’attends vainement, dans l’ennui et la tristesse, que la main tutélaire de quelque bon ange vienne opérer ma délivrance.

+ Le prétendu recueil de lettres de M. de Voltaire et de madame Duchatelet n’est qu’une misérable petite brochure, où il n’y a pas un mot de la correspondance de ces illustres personnages. L’ayant recu de Bruxelles, j’ai été fort surpris de ne voir qu’une tres mince brochure que quelque fréroniste a donnée a imprimer à Cailleau Libraire de Paris. Elle contient cinq ou six lettres à M. de Sade, dont plusieurs avoient été déja imprimées et plus correctement ; et autant de lettres ou extraits de lettres de Mad.e du chatelet adressées à des quidams. L’éditeur semble n’avoir imprimé ce chétif recueil que pour avoir l’occasion de décrier m. de Voltaire dans une preface et des notes satyriques, et pour baiser

humblement le cu de Freron ; grand bien

lui fasse ! Au reste vous avez peut être vu et mieux apprecié que moi son œuvre. J’y trouve dans une lettre à M. de Sade une petite piece de poesie entierement gatée par l’éditeur, et que j’avais mise dans vos poesies dites fugitives. Elle commence ainsi :

Ainsi donc vous vous figurez, Alors que vous possederez &c.

Otez la de votre recueil. Je suis persuadé que nous aurons encore beaucoup de reformes de cette espece a faire. Et c’est pour cela que j’avais insisté pour que l’on n’imprimât rien des Epitres, odes, stances , petites pieces en Vers &c avant que toutes les lettres fussent examinées et prêtes a passer sous la presse. Je me suis douté que M. Panckoucke était toujours en difficulté avec M. de B. car je m’attendais a être appellé chez lui en août ou 7bre pour examiner ces lettres et les livrer à M. de Condorcet ; mais il ne m’a point écrit depuis plus de 8 mois.

+ Je suis charmé d’apprendre que M. de B. soit enfin à Kell. L’avis au public est très nécessaire pour remplir la souscription, et faire taire les aboyeurs. Vous me dites a ce sujet qu’on a chassé de Paris les chiens du fanatisme qui vont heurlant par toute la france, mais qu’on les fera taire bientot,

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Et qu’on les muselera de façon qu’ils ne pourront pas seulement tirer la langue.

Voilà un texte admirable qui me réjouit l’ame. Ajoutez y de grace quelques commentaires qui achevent de fonder les belles esperances qu’il me donne. Ne craignez pas de me dire tout ce que vous savez a ce sujet. Vous connaissez ma discretion. Que cela me console du moins de ce que vous me dites du déperissement des beaux arts, et de l’empire du mauvais goûst qui fait de toute part d’enormes progrès. Cette campagne n’est pas plus brillante en litterature qu’en guerre. Notre bon temps est passé ; et cela ira de pis en [pis] si l’on ne nous permet enfin de penser, de parler et d’écrire comme ces fiers insulaires qui bravent en se jouant l’effort de tant de nations.

Adieu, portez vous bien et ne m’oubliez pas tout a fait de votre Empirée.

LILLE

A Monsieur

Monsieur Ruault a l’ancien hôtel d’hollande Vieille rue du temple

A Paris