Transcription Transcription des fichiers de la notice - Lettre à Ménécée d'Epicure = DL X, 122-135 - éd. Usener Epicure  1887 chargé d'édition/chercheur Giovacchini, Julie Department of Philosophy and Cultural Heritage of University Ca' Foscari of Venice ; EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle) PARIS
http://eman-archives.org
1887 Texte : Domaine public
Voir description du texte : <a href="https://ciris.huma-num.fr/noticetexte.php?langue=fr&id=41">CIRIS</a>
Reproduction de l'édition grecque de Usener accompagnée d'une transcription indexée et enrichie de notes critiques. <br /><br />Texte grec de la transcription établi à partir de :<br />R. D. Hicks, <listwit><witness xml:id="Hic">Lives of Eminent Philosophers. Diogenes Laertius. Cambridge. Harvard University Press, <listwit><witness xml:id="Hic">1972 (First published 1925)</witness></listwit> = #Hic</witness></listwit><br /><listwit><witness xml:id="Marc">Miroslav Marcovich, Diogenes Laertius Vitae Philosophorum, Stuttgart, Teubner, 1999 = #Marc</witness><br /><witness xml:id="Us">Hermann Usener, Epicurea, Stuttgart, Teubner, 1887 = #Us<br /></witness> <witness xml:id="Dor"> Tiziano Dorandi, Lives of Eminent Philosophers, Cambridge Univ ersity Press, 2013 = #Dor<br /></witness>Graziano Arrighetti, Epicuro. Opere, Nuova edizione riveduta e ampliata, Turin, Giulio Einaudi Editore, 1973 = #Arr</listwit><br /><br /><br /><br />Voir description détaillée de l'édition Usener : <a href="https://ciris.huma-num.fr/noticeedition.php?langue=fr&id=6">CIRIS</a> Grec ancien Reproduction de l'édition grecque de Usener accompagnée d'une transcription indexée et enrichie de notes critiques. <br /><br />Texte grec de la transcription établi à partir de :<br />R. D. Hicks, <listwit><witness xml:id="Hic">Lives of Eminent Philosophers. Diogenes Laertius. Cambridge. Harvard University Press, <listwit><witness xml:id="Hic">1972 (First published 1925)</witness></listwit> = #Hic</witness></listwit><br /><listwit><witness xml:id="Marc">Miroslav Marcovich, Diogenes Laertius Vitae Philosophorum, Stuttgart, Teubner, 1999 = #Marc</witness><br /><witness xml:id="Us">Hermann Usener, Epicurea, Stuttgart, Teubner, 1887 = #Us<br /></witness> <witness xml:id="Dor"> Tiziano Dorandi, Lives of Eminent Philosophers, Cambridge Univ ersity Press, 2013 = #Dor<br /></witness>Graziano Arrighetti, Epicuro. Opere, Nuova edizione riveduta e ampliata, Turin, Giulio Einaudi Editore, 1973 = #Arr</listwit><br /><br /><br /><br />Voir description détaillée de l'édition Usener : <a href="https://ciris.huma-num.fr/noticeedition.php?langue=fr&id=6">CIRIS</a>

Ἐπίκουρος Μενοικεῖ χαίρειν. Μήτε νέος τις ὢν μελλέτω φιλοσοφεῖν, μήτε γέρων ὑπάρχων κοπιάτω φιλοσοφῶν: οὔτε γὰρ ἄωρος οὐδείς ἐστιν οὔτε πάρωρος πρὸς τὸ κατὰ ψυχὴν ὑγιαῖνον. ὁ δὲ λέγων ἢ μήπω τοῦ φιλοσοφεῖν ὑπάρχεινὑπάρχειν ὥρανὑπάρχειν τὴν ὥραν ἢ παρεληλυθέναι τὴν ὥραν ὅμοιός ἐστι τῷ λέγοντι πρὸς εὐδαιμονίαν ἢ μήπωμὴ παρεῖναι τὴν ὥραν ἢ μηκέτι εἶναιμηκέτι εἶναι τὴν ὥραν. ὥστε φιλοσοφητέον καὶ νέῳ καὶ γέροντι, τῷ μὲν ὅπως γηράσκων νεάζῃ τοῖς ἀγαθοῖς διὰ τὴν χάριν τῶν γεγονότων, τῷ δ᾽ ὅπως νέος ἅμα καὶ παλαιὸς ᾖ διὰ τὴν ἀφοβίαν τῶν μελλόντων. μελετᾶν οὖν χρὴ τὰ ποιοῦντα τὴν εὐδαιμονίαν, εἴ περ παρούσης μὲν αὐτῆς, πάντα ἔχομεν, ἀπούσης δέ, πάντα πράττομεν εἰς τὸ ταύτην ἔχειν.

Le jeune homme, qu'il n'attende pas pour philosopher ; le vieil homme, qu'il ne soit pas blasé de philosopher. Car il n'est pour personne trop tôt ou trop tard pour soigner son âme. Dire qu'il n'est pas encore, ou plus l'heure, de philosopher, c'est comme dire qu'il n'est pas encore ou plus l'heure d'être heureux. Il faut donc philosopher, qu'on soit jeune ou vieux, pour que les bienfaits gardent celui qui vieillit jeune par la joie de ce qui a été, et que l'autre dans sa jeunesse soit vieilli déjà par l'absence de crainte de ce qui va être. Préoccupons-nous donc de ce qui rend heureux, puisque si le bonheur est là, nous avons tout, et s'il ne l'est pas, nous faisons tout pour l'avoir.

Ἃ δέ σοι συνεχῶς παρήγγελλον, ταῦτα καὶ πρᾶττε καὶ μελέτα, στοιχεῖα τοῦ καλῶς ζῆν ταῦτ᾽ εἶναι διαλαμβάνων. πρῶτον μὲν τὸν θεὸν ζῷον ἄφθαρτον καὶ μακάριον νομίζων, ὡς ἡ κοινὴ τοῦ θεοῦ νόησις ὑπεγράφη, μηθὲν μήτε τῆς ἀφθαρσίας ἀλλότριον μήτε τῆς μακαριότητος ἀνοίκειον αὐτῷ πρόσαπτε: πᾶν δὲ τὸ φυλάττειν αὐτοῦ δυνάμενον τὴν μετ᾽ ἀφθαρσίας μακαριότητα περὶ αὐτοῦαὐτὸν δόξαζε. θεοὶ μὲν γάρ εἰσιν. ἐναργὴς γὰρ αὐτῶν ἐστιν ἡ γνῶσις ἐναργὴς δέ ἐστιν αὐτῶν ἡ γνῶσις : οἵους δ᾽ αὐτοὺς οἱ πολλοὶ νομίζουσιν, οὐκ εἰσίν: οὐ γὰρ φυλάττουσιν αὐτοὺς οἵους νοοῦσιννομίζουσιν.. ἀσεβὴς δὲ οὐχ ὁ τοὺς τῶν πολλῶν θεοὺς ἀναιρῶν, ἀλλ᾽ ὁ τὰς τῶν πολλῶν δόξας θεοῖς προσάπτων.

Et mes continuelles exhortations, mets-les donc en pratique et préoccupe-t-en, prends conscience qu'elles sont les fondements de la vie bonne. Et pour commencer, en pensant que le vivant divin est incorruptible et bienheureux, comme la notion commune du dieu l'a inscrit, ne lui attribue rien d'étranger à sa divinité ni d'impropre à sa béatitude ; mais tout ce qui peut préserver la béatitude qui vient avec l'incorruptibilité, pense que cela lui revient. Car oui, les dieux existent. Et la connaissance qu'on a d'eux est évidente. Mais non, ils ne sont pas tels que la foule les pense : car elle ne les préserve pas tels qu'elle les conçoit. Ce qui est impie, ce n'est pas de détruire les dieux de la foule, mais c'est d'attribuer aux dieux les croyances de la foule.

οὐ γὰρ προλήψεις εἰσίν, ἀλλ᾽ ὑπολήψεις ψευδεῖς αἱ τῶν πολλῶν ὑπὲρ θεῶν ἀποφάσεις: ἔνθεν αἱ μέγισται βλάβαιβλαβῶν τε τοῖς κακοῖς <αἴτιαι τοῖς κακοῖς> ἐκ θεῶν ἐπάγονται καὶ ὠφέλειαιὠφελειῶν τοῖς ἀγαθοῖςom.. ταῖς γὰρ ἰδίαις οἰκειούμενοι διὰ παντὸς ἀρεταῖς τοὺς ὁμοίους ἀποδέχονται, πᾶν τὸ μὴ τοιοῦτον ὡς ἀλλότριον νομίζοντες. Συνέθιζε δὲ ἐν τῷ νομίζειν μηδὲνμηθὲν πρὸς ἡμᾶς εἶναι τὸν θάνατον: ἐπεὶ πᾶν ἀγαθὸν καὶ κακὸν ἐν αἰσθήσει: στέρησις δέ ἐστιν αἰσθήσεως ὁ θάνατος. ὅθεν γνῶσις ὀρθὴ τοῦ μηθὲν εἶναι πρὸς ἡμᾶς τὸν θάνατον ἀπολαυστὸν ποιεῖ τὸ τῆς ζωῆς θνητόν, οὐκ ἄπειρον προστιθεῖσα χρόνον ἀλλὰ τὸν τῆς ἀθανασίας ἀφελομένη πόθον.

Car ce ne sont pas des prénotions mais bien des suppositions fausses que les propos de la foule sur les dieux ; c'est en ce sens que les plus grands dommages arrivent aux méchants de la part des dieux, et les bienfaits aux bons. Car, appropriés en toutes choses à leurs propres vertus, ils sont favorables à leurs semblables, et pensent que tout ce qui n'est pas comme eux est étranger. Habitue-toi à l'idée que la mort n'est rien pour nous ; car tout bien et tout mal vient de la sensation ; et la mort, c'est la privation de la sensation. De ce fait, avoir l'idée correcte que la mort n'est rien pour nous rend la mortalité plaisante, non par l'ajout d'un temps illimité mais par la suppression de l'envie d'immortalité.

οὐθὲν γάρ ἐστιν ἐν τῷ ζῆν δεινὸν τῷ κατειληφότι γνησίως τὸ μηδὲνμηθὲν ὑπάρχειν ἐν τῷ μὴ ζῆν δεινόν. ὥστε μάταιος ὁ λέγων δεδιέναι τὸν θάνατον οὐχ ὅτι λυπήσει παρών, ἀλλ᾽ ὅτι λυπεῖ μέλλων. ὃ γὰρ παρὸν οὐκ ἐνοχλεῖ, προσδοκώμενον κενῶς λυπεῖ. τὸ φρικωδέστατον οὖν τῶν κακῶν ὁ θάνατος οὐθὲν πρὸς ἡμᾶς, ἐπειδή περ ὅταν μὲν ἡμεῖς ὦμεν, ὁ θάνατος οὐ πάρεστιν: ὅταν δ᾽ ὁ θάνατος παρῇ, τόθ᾽ ἡμεῖς οὐκ ἐσμέν. οὔτε οὖν πρὸς τοὺς ζῶντάς ἐστιν οὔτε πρὸς τοὺς τετελευτηκότας, ἐπειδήπερ περὶ οὓς μὲν οὐκ ἔστιν, οἱ δ᾽ οὐκέτι εἰσίν. ἀλλ᾽ οἱ πολλοὶ τὸν θάνατον ὁτὲ μὲν ὡς μέγιστον τῶν κακῶν φεύγουσιν, ὁτὲ δὲ ὡς ἀνάπαυσιν τῶν ἐν τῷ ζῆν κακῶ αἱροῦνταικακῶν αἱροῦνταιom. .

Car il n'y a rien de terrible dans le fait de vivre pour celui qui a bien compris qu'il n'y a rien de terrible dans le fait de ne pas vivre. De sorte que celui qui dit craindre la mort, non par ce qu'il souffrira quand elle sera là, mais parce qu'il souffre de l'attendre, tient des propos vides de sens. Car si, quand c'est là, ça ne fait pas mal, en l'anticipant tu te fais du mal pour rien. Donc la mort, le plus terrifiant des maux, n'est rien pour nous, puisque lorsque nous sommes elle n'est pas là, et lorsqu'elle est là, nous ne sommes plus. Et elle n'est rien ni pour les vivants ni pour les morts, puisqu'elle n'est rien pour les premiers et que les seconds ne sont plus. Mais la foule, tantôt fuit la mort comme le plus grand des maux, tantôt la choisit comme un soulagement des maux de la vie.

ὁ δὲ σοφὸς οὔτε παραιτεῖται τὸ ζῆν om. οὔτε φοβεῖται τὸ μὴ ζῆν: οὔτε γὰρ αὐτῷ προσίσταται τὸ ζῆν οὔτε δοξάζεταιδοξάζει κακὸν εἶναι τι τὸ μὴ ζῆντὸ μὴ ζῆν. ὥσπερ δὲ om.τὸ σιτίον οὐ τὸ πλεῖονπλεῖστον πάντως ἀλλὰ τὸ ἥδιονἥδιστον αἱρεῖται, οὕτω καὶ χρόνον οὐ τὸν μήκιστον ἀλλὰ τὸν ἥδιστον καρπίζεται. ὁ δὲ παραγγέλλων τὸν μὲν νέον καλῶς ζῆν, τὸν δὲ γέροντα καλῶς καταστρέφειν εὐήθης ἐστὶν οὐ μόνον διὰ τὸ τῆς ζωῆς ἀσπαστόν, ἀλλὰ καὶ διὰ τὸ τὴν αὐτὴν εἶναι μελέτην τοῦ καλῶς ζῆν καὶ τοῦ καλῶς ἀποθνήσκειν. πολὺ δὲ χεῖρονχείρων καὶ ὁ λέγων, καλὸν μὲνom. μὴ φῦναι, φύντα δ᾽ ὅπως ὤκιστα πύλας Ἀΐδαο περῆσαι.

Mais le sage ne dénigre pas la vie, ni ne refuse le fait de ne pas vivre ; le fait de vivre ne lui pèse pas, et il n'estime pas qu'il est mauvais de ne pas vivre. De même qu'on ne choisit pas la nourriture la plus abondante mais la plus agréable, de même on ne profite pas du temps le plus long mais du temps le plus agréable. Et celui qui exhorte la jeunesse à vivre bien, et la vieillesse à bien cesser de vivre, c'est un idiot ; non seulement parce que vivre, c'est plaisant, mais aussi parce que se préparer à bien vivre et à bien mourir, c'est la même chose. Bien pire, celui qui dit qu'il est beau de ne pas être né, "et une fois né de franchir au plus vite les portes de l'Hadès" ;

εἰ μὲν γὰρ πεποιθὼς τοῦτό φησι, πῶς οὐκ ἀπέρχεται τοῦἐκ τοῦ ζῆν; ἐν ἑτοίμῳ γὰρ αὐτῷ τοῦτ᾽ ἔστιν, εἴπερ ἦν βεβουλευμένον αὐτῷ βεβαίως: εἰ δὲ μωκώμενος, μάταιος ἐν τοῖς οὐκ ἐπιδεχομένοις. Μνημονευτέον δὲ ὡς τὸ μέλλον οὔτε ἡμέτερονοὔτε πάντως ἡμέτερον οὔτε πάντως οὐχ ἡμέτερον, ἵνα μήτε πάντωςπάντως αὐτὸ προσμένωμεν ὡς ἐσόμενον μήτε ἀπελπίζωμεν ὡς πάντως οὐκ ἐσόμενον. Ἀναλογιστέον δὲ ὡς τῶν ἐπιθυμιῶν ἃιαἱ μέν εἰσι φυσικαί, ἃιαἱ δὲ κεναί. καὶ τῶν φυσικῶν ἃιαἱ μὲν ἀναγκαῖαι, ἃιαἱ δὲ φυσικαὶ μόνον: τῶν δ᾽ ἀναγκαίων ἃιαἱ μὲν πρὸς εὐδαιμονίαν εἰσὶν ἀναγκαῖαι, ἃιαἱ δὲ πρὸς τὴν τοῦ σώματος ἀοχλησίαν, ἃιαἱ δὲ πρὸς αὐτὸ τὸ ζῆν.

Car s'il croit vraiment ce qu'il dit, pourquoi n'en finit-il pas avec la vie ? Car, s'il le veut pour de bon, c'est à portée de main. Mais s'il dit ça pour rire, il tient des propos vides de sens sur une question qui ne doit pas être traitée par dessus la jambe. Tu dois te souvenir que les événements à venir ne sont ni dépendants ni entièrement indépendants de nous, afin de ne pas t'attendre à ce que tous se produisent immanquablement, et de ne pas désespérer qu'aucun se produise jamais. Et tu dois inférer par analogie que parmi les désirs, certains sont naturels et d'autres vides. Et parmi les désirs naturels, certains sont nécessaires et d'autres seulement naturels ; parmi ceux qui sont nécessaires, certains le sont pour être heureux, d'autres pour jouir d'un corps valide, d'autres purement et simplement pour vivre.

τούτων γὰρ ἀπλανὴς θεωρία πᾶσαν αἵρεσιν καὶ φυγὴν ἐπανάγειν οἶδεν ἐπὶ τὴν τοῦ σώματος ὑγίειαν καὶ τὴν τῆς ψυχῆς ἀταραξίαν, ἐπεὶ τοῦτο τοῦ μακαρίως ζῆν ἐστι τέλος. τούτου γὰρ χάριν πάντα πράττομεν, ὅπως μήτε ἀλγῶμεν μήτε ταρβῶμεν: ὅταν δ᾽ ἅπαξ τοῦτο περὶ ἡμᾶς γένηται, λύεται πᾶς ὁ τῆς ψυχῆς χειμών, οὐκ ἔχοντος τοῦ ζῴου βαδίζειν ὡς πρὸς ἐνδέον τι καὶ ζητεῖν ἕτερον ᾧ τὸ τῆς ψυχῆς καὶ τοῦ σώματος ἀγαθὸν συμπληρώσεταισυμπληρωθήσεται. τότε γὰρ ἡδονῆς χρείαν ἔχομεν, ὅταν ἐκ τοῦ μὴ παρεῖναι τὴν ἡδονὴν ἀλγῶμεν: ὅταν δὲ μηδὲνμὴ ἀλγῶμεν, οὐκέτι τῆς ἡδονῆς δεόμεθα. καὶ διὰ τοῦτο τὴν ἡδονὴν ἀρχὴν καὶ τέλος λέγομεν εἶναι τοῦ μακαρίως ζῆν:

Car une appréhension solide de ces distinctions enseigne à ramener tout choix et tout rejet à la santé du corps et à l'absence de trouble de l'âme, puisque telle est la fin de la vie heureuse. Car toutes nos actions sont en vue de cela, pour ne pas souffrir et ne pas être perturbé ; mais lorsque une seule fois cela nous est arrivé, toute la tempête de l'âme se dissipe, le vivant n'étant plus contraint d'aller vers ce qui lui manque ni de chercher quelque chose d'autre pour compléter la satisfaction de l'âme et du corps. Car nous avons besoin du plaisir lorsque nous souffrons de son absence ; et quand nous ne souffrons pas, nous n'en avons plus besoin. Et c'est pour cela que nous disons que le plaisir est principe et fin de la vie heureuse.

ταύτην γὰρ ἀγαθὸν πρῶτον καὶ συγγενικὸν ἔγνωμεν, καὶ ἀπὸ ταύτης καταρχόμεθα πάσης αἱρέσεως καὶ φυγῆς καὶ ἐπὶ ταύτην καταντῶμεν ὡς κανόνι τῷ πάθει πᾶν ἀγαθὸν κρίνοντες. καὶ ἐπεὶ πρῶτον ἀγαθὸν τοῦτο καὶ σύμφυτον, διὰ τοῦτο καὶ οὐ πᾶσαν ἡδονὴν αἱρούμεθα, ἀλλ᾽ ἔστιν ὅτε πολλὰς ἡδονὰς ὑπερβαίνομεν, ὅταν πλεῖον ἡμῖν τὸ δυσχερὲς ἐκ τούτων ἕπηται: καὶ πολλὰς ἀλγηδόνας ἡδονῶν κρείττους νομίζομεν, ἐπειδὰν μείζων ἡμῖν ἡδονὴ παρακολουθῇ πολὺν χρόνον ὑπομείνασι τὰς ἀλγηδόνας. πᾶσα οὖν ἡδονὴ διὰ τὸ φύσιν ἔχειν οἰκείαν ἀγαθόν, οὐ πᾶσα μέντοι γ᾽ αἱρετή: καθά περ καὶ ἀλγηδὼν πᾶσα κακόν, οὐ πᾶσα δὲ ἀεὶ φευκτὴ πεφυκυῖα.

Nous avons établi en effet qu'il est un bien premier et apparenté, et qu'il est au principe de tous nos choix et rejets, et que nous sommes toujours ramenés à lui, comme nous jugeons tout bien selon la règle canonique de l'affect. Et puisque il est ce bien premier et connaturel, pour cela aussi nous ne choisissons pas n'importe quel plaisir, mais il y en a beaucoup que nous délaissions, lorsqu'il en découle pour nous plutôt des désagréments. Et nous pensons que beaucoup de souffrances valent mieux que les plaisirs, si un plaisir supérieur découle pour nous des souffrances qu'on a supportées sur une longue durée. Donc tout plaisir, du fait que sa nature est appropriée, est un bien, mais tout plaisir n'est pas pour autant à choisir ; et de même toute souffrance est un mal, mais toute n'est pas toujours à fuir par nature.

τῇ μέντοι συμμετρήσει καὶ συμφερόντων καὶ ἀσυμφόρων βλέψει ταῦτα πάντα κρίνειν καθήκει: χρώμεθα γὰρ τῷ μὲν ἀγαθῷ κατά τινας χρόνους ὡς κακῷ, τῷ δὲ κακῷ τἄμπαλιντοὔμπαλιν ὡς ἀγαθῷ. καὶ τὴν αὐτάρκειαν δὲ ἀγαθὸν μέγα νομίζομεν, οὐχ ἵνα πάντως τοῖς ὀλίγοις χρώμεθα, ἀλλ᾽ ὅπως ἐὰν μὴ ἔχωμεν τὰ πολλά, τοῖς ὀλίγοις ἀρκώμεθαχρώμεθα,, πεπεισμένοι γνησίως ὅτι ἥδιστα πολυτελείας ἀπολαύουσιν οἱ ἥκιστα ταύτης δεόμενοι, καὶ ὅτι τὸ μὲν φυσικὸν πᾶν εὐπόριστόν ἐστι, τὸ δὲ κενὸν δυσπόριστον. οἱ γὰροἵ τε λιτοὶ χυλοὶ ἴσην πολυτελεῖ διαίτῃ τὴν ἀηδίανἡδονὴν ἐπιφέρουσιν, ὅταν ἅπανἅπαξ τὸ ἀλγοῦν κατ᾽ ἔνδειαν ἐξαιρεθῇ:

C'est donc par comparaison et examen de l'utile et du nuisible qu'il convient de juger de toutes ces choses. Car nous faisons usage à certains moments du bien comme d'un mal, et du mal en retour comme d'un bien. Et nous pensons que l'autosuffisance est une grand bien, non pas pour faire toujours usage de peu, mais pour que, si jamais nous n'avons pas beaucoup, nous soyons satisfaits de peu ; étant vraiment convaincus que ceux qui ont le moins besoin de ces biens de luxe sont ceux qui en tirent le plus de plaisir, et que ce qui est naturel est facile à se procurer, tandis que ce qui est difficile à obtenir n'est que vide. Car des mets simples apportent le même plaisir qu'un régime somptueux, une fois que la souffrance venue du manque a été annihilée ;

καὶ μᾶζα καὶ ὕδωρ τὴν ἀκροτάτην ἀποδίδωσιν ἡδονήν, ἐπειδὰν ἐνδέων τις αὐτὰ προσενέγκηται. τὸ συνεθίζειν οὖν ἐν ταῖς ἁπλαῖς καὶ οὐ πολυτελέσι διαίταις καὶ ὑγιείας ἐστὶ συμπληρωτικὸν καὶ πρὸς τὰς ἀναγκαίας τοῦ βίου χρήσεις ἄοκνον ποιεῖ τὸν ἄνθρωπον καὶ τοῖς πολυτελέσιν ἐκ διαλειμμάτων προσερχομένουςπροσερχομένοις κρεῖττον ἡμᾶς διατίθησι καὶ πρὸς τὴν τύχην ἀφόβους παρασκευάζει. Ὅταν οὖν λέγωμεν ἡδονὴν τέλος ὑπάρχειν, οὐ τὰς τῶν ἀσώτων ἡδονὰς καὶ τὰς ἐν ἀπολαύσει κειμένας λέγομεν, ὥς τινες ἀγνοοῦντες καὶ οὐχ ὁμολογοῦντες ἢ κακῶς ἐκδεχόμενοι νομίζουσιν, ἀλλὰ τὸ μήτε ἀλγεῖν κατὰ σῶμα μήτε ταράττεσθαι κατὰ ψυχήν.

et du pain et de l'eau donnent le plaisir le plus grand, lorsque celui qui en manque les a obtenus. L'habitude des régimes simples et non somptueux est donc le gage d'une santé parfaite, elle soutient l'homme qui s'active aux nécessaires corvées de la vie, elle nous renforce dans les moments où nous avons accès aux biens de luxe et nous prépare à être sans crainte face à la fortune.

οὐ γὰρ πότοι καὶ κῶμοι συνείροντες οὐδ᾽ ἀπολαύσιςἀπολαύσεις παίδων καὶ γυναικῶν οὐδ᾽ ἰχθύων καὶ τῶν ἄλλων, ὅσα φέρει πολυτελὴς τράπεζα, τὸν ἡδὺνἡδὶν γεννᾷ βίον, ἀλλὰ νήφων λογισμὸς καὶ τὰς αἰτίας ἐξερευνῶν πάσης αἱρέσεως καὶ φυγῆς καὶ τὰς δόξας ἐξελαύνων ἐξ ὧν πλεῖστος τὰς ψυχὰς καταλαμβάνει θόρυβος. τούτων δὲ πάντων ἀρχὴ καὶ τὸ μέγιστον ἀγαθὸν φρόνησις: διὸ καὶ φιλοσοφίας τιμιώτερον ὑπάρχει φρόνησις, ἐξ ἧς αἱ λοιπαὶ πᾶσαι πεφύκασιν ἀρεταί, διδάσκουσα ὡς οὐκ ἔστιν ἡδέως ζῆν ἄνευ τοῦ φρονίμως καὶ καλῶς καὶ δικαίως, οὐδὲ φρονίμως καὶ καλῶς καὶ δικαίως ἄνευ τοῦ ἡδέως: συμπεφύκασι γὰρ αἱ ἀρεταὶ τῷ ζῆν ἡδέως, καὶ τὸ ζῆν ἡδέως τούτων ἐστὶν ἀχώριστον.

Donc lorsque nous disons que le plaisir est la fin, nous ne parlons pas des plaisirs des libertins ni de ceux qui résident dans les jouissances, comme ceux le pensent ceux qui sont ignorants et qui nous contredisent ou nous comprennent ma ; mais nous parlons du fait de ne pas souffrir dans son corps et de ne pas être troublé dans son âme. Car ce ne sont ni les défilés de beuveries et d'orgies, ni la jouissance des jeunes gens et des femmes, ni les poissons ou les autres mets qu'on trouve sur une tttable luxueuse, qui rendent la vie agréables, mais un raisonnement sobre, qui élucide les causes de tout choix et de tout rejet et qui éradique les opinions responsables du plus grand tumulte dans les âmes. Le principe de toutes ces choses et le plus grand bien, c'est la sagesse. C'est pourquoi plus vénérable encore que la philosophie est la sagesse, elle dont toutes les autres vertus procèdent naturellement, enseignant qu'il n'est pas possible de vivre agréablement sans vivre sagement, ni de façon belle et juste, de même qu'on ne vit ni sagement ni bellement ni justement sans vivre agréablement. Car les vertus accompagnent naturellement la vie agréable, et ne font qu'un avec elle.

Ἐπεὶ τίνα νομίζεις εἶναι κρείττονα τοῦ καὶ περὶ θεῶν ὅσια δοξάζοντος καὶ περὶ θανάτου διὰ παντὸς ἀφόβως ἔχοντος καὶ τὸ τῆς φύσεως ἐπιλελογισμένου τέλος, καὶ τὸ μὲν τῶν ἀγαθῶν πέρας ὡς ἔστιν εὐσυμπλήρωτόν τε καὶ εὐπόριστον διαλαμβάνοντος, τὸ δὲ τῶν κακῶν ὡς ἢ χρόνους ἢ πόνους ἔχει βραχεῖς, τὴν δὲ ὑπό τινων δεσπότιν εἰσαγομένην πάντων διαγελῶντοςἀγγέλλοντος εἱμαρμένην καὶ μᾶλλον ἃ μὲν κατ᾽ ἀνάγκην γίγνεσθαι λέγοντος εἱμαρμένην *** ὧν ἃ μὲν κατ᾽ ἀνάγκην γίνεται*** ὧν ἃ μὲν κατ᾽ ἀνάγκην ἐστίνom., ἃ δὲ ἀπὸ τύχης, ἃ δὲ παρ᾽ ἡμᾶς διὰ τὸ τὴν μὲν ἀνάγκην ἀνυπεύθυνον εἶναι, τὴν δὲ τύχην ἄστατον ὁρᾶν, τὸ δὲ παρ᾽ ἡμᾶς ἀδέσποτον, ᾧ καὶ τὸ μεμπτὸν καὶ τὸ ἐναντίον παρακολουθεῖν πέφυκεν

Et donc, qui penses-tu plus puissant que celui qui a sur les dieux des opinions pieuses, et qui sur la mort est dépourvu de toutes craintes, et qui a raisonné empiriquement sur la fin de la nature, et qui a compris que la limite des biens est facile à atteindre et à obtenir, et que celle des maux comporte, soit peu de temps, soit peu de peines, et qui se rit de celui qu'on a fait maître de toutes choses, le destin, et qui affirme plutôt que les choses adviennent tantôt du fait de la nécessité>, tantôt du fait du hasard, tantôt de notre fait, car la nécessité n'est pas responsable, et qu'on voit que le hasard est incertain, tandis que ce qui est de notre fait est libre, et c'est bien pour cela qu'on peut l'approuver ou le blâmer,

ἐπεὶ κρεῖττον ἦν τῷ περὶ θεῶν μύθῳ κατακολουθεῖν ἢ τῇ τῶν φυσικῶν εἱμαρμένῃ δουλεύειν: ὁ μὲν γὰρ ἐλπίδα παραιτήσεως ὑπογράφει θεῶν διὰ τιμῆς, ἡ δὲ ἀπαραίτητον ἔχει τὴν ἀνάγκην, τὴν δὲ τύχην οὔτε θεόν, ὡς οἱ πολλοὶ νομίζουσιν, ὑπολαμβάνοντοςὑπολαμβάνων οὐθὲν γὰρ ἀτάκτως θεῷ πράττεταἰ οὔτε ἀβέβαιον αἰτίαν πάντων αἰτίαν οὐκ οἴεται μὲν γὰρ ἀγαθὸν ἢ κακὸν ἐκ ταύτης πρὸς τὸ μακαρίως ζῆν ἀνθρώποις δίδοσθαι, ἀρχὰς μέντοι μεγάλων ἀγαθῶν ἢ κακῶν ὑπὸ ταύτης χορηγεῖσθαἰ,

- puisqu'il vaudrait mieux se plier au mythe au sujet des dieux que s'enchaîner servilement au destin des physiciens ; car le premier esquisse l'espoir d'une grâce divine par le culte, tandis que le second ne contient que la nécessité inébranlable-, et qui comprend que la fortune n'est pas un dieu, comme le pense la foule, (car rien de désordonné ne viendrait d'un dieu) ni une cause incertaine (car il ne croit pas que ce soit elle qui donne aux hommes le bien et le mal en vue de la vie heureuse, mais qu'elle mène dans sa danse les principes de grands biens et de grands maux ;

κρεῖττον εἶναι νομίζοντοςνομίζεινομίζων εὐλογίστως ἀτυχεῖν ἢ ἀλογίστως εὐτυχεῖν: βέλτιστονβέλτιον γὰρ ἐν ταῖς πράξεσι τὸ καλῶς κριθὲν μὴ ὀρθωθῆναι διὰ ταύτην. <μὴ ὀρθωθῆναι ἢ τὸ μὴ καλῶς κριθὲν> ὀρθωθῆναι διὰ ταύτην. Ταῦτα οὖν καὶ τὰ τούτοις συγγενῆ μελέτα πρὸς σεαυτὸν ἡμέρας καὶ νυκτὸς πρός τεκαὶ πρόςπρὸς τὸν ὅμοιον σεαυτῷ, καὶ οὐδέποτε οὔθ᾽ ὕπαρ οὔτ᾽ ὄναρ διαταραχθήσῃ, ζήσειςζήσῃ δὲ ὡς θεὸς ἐν ἀνθρώποις. οὐθὲν γὰρ ἔοικε θνητῷ ζῴῳ ζῶν ἄνθρωπος ἐν ἀθανάτοις ἀγαθοῖς.

enfin qui pense qu'il vaut mieux bien raisonner dans la mauvaise fortune que mal raisonner dans la bonne ; car il est préférable que dans nos actions, ce qui est jugé comme beau le soit du fait de ce bon raisonnement. Donc ces conseils, et ceux qui leur sont apparentés, préoccupe-t-en jours et nuits pour toi et pour ton semblable, et tu ne seras jamais, ni en veille ni en songe, troublé de façon violente, mais tu vivras comme un dieu parmi les hommes. Car il n'a rien de commun avec un vivant mortel, l'homme qui jouit de biens immortels.