Transcription Transcription des fichiers de la notice - Lettre d'Eugène Lee-Hamilton à Vernon Lee - 9 juin 1871 Lee-Hamilton, Eugene 1871-06-09 chargé d'édition/chercheur Geoffroy, Sophie (édition scientifique et transcription)<br /> Holographical-Lee, Sophie Geoffroy, Université de La Réunion ; projet EMAN (Thalim, ENS-CNRS-Sorbonne nouvelle) PARIS
http://eman-archives.org
1871-06-09 Document : Courtesy of Special Collections and Archives, Colby College Libraries, Waterville, Maine
Vernon Lee Archive, Miller Library, Colby College, ME
MeWC<br /> Versailles<br /> Le 9 Juin 1871<br /> Ma bien chère Violette.<br /> Je ne puis quitter Versailles, c’est la consigne, je ne puis par conséquent pas me faire le plaisir (et c’en eût été un très grand) de te chercher ce que tu me demandes au quai Voltaire. Reste encore à savoir si le quai Voltaire est existe encore, ce qui est fort douteux, car tout ce quartier y inclus la Rue du Bac, est incendié.<br /> Vu que Voici ce que je me propose de faire : envoyer chercher à Paris les deux volumes de l’Encyclopédie du Dictionnaire qui contiennent les articles Sacchi et Métastase et te mander ce que j’y trouve. Il est probable que je me trouverai pour au moins une demi journée à Paris avant peu, et je te promets de fouiller ˆalorsˆ ce qui reste du quai Voltaire.<br /> As-tu lu un Roman anglais qui a paru récemment et que Tauchnitz a publié, qui s’appelle « Love the Avenger » ? Ce roman est par Mme Blaze de Bury. Cette femme doit être très remarquable. Elle écrit des livres en anglais, en français et en allemand avec la même facilité. Je t’avoue que je crois qu’il faut se méfier de ces ˆgrandsˆ talents polyglottes. Il est rare que ce soit des gens de génie. Du reste Mme B. de B. paraît être tant soit peu une intrigante politique. Elle a dit-on une connaissance très approfondie des partis qui se divisent partagent la France. Je finirai par faire connaissance avec elle et sa famille, je suppose.<br /> Quant à Montigny je suis à peu près de ton avis ; mais il faut faire la part et une large part de la ˆsaˆ nationalité et de son éducation. Montigny a toutes les qualités qui distinguent le Français –l’esprit, l’exagération, l’ignorance de l’étranger ; comme tous ses compatriotes il ne voit dans les désastres de la France que trahison et méchanceté. En définitive les Français sont le peuple le plus puéril du monde, tout en étant le plus spirituel. Ils ont une vanité inouïe, colossale. C’est cette vanité qui se fait dicte ce fameux télégramme qui disait quelques jours avant la capitulation de Paris : « Paris est magique, régénéré, antique ».<br /> Strasbourg a fait une défense très médiocre. Eh bien il fallait absolument couler la statue de Strasbourg en bronze. Aujourd’hui on n’en parle plus. La trahison de Jules Favre est à l’ordre du jour. Hier c’était Ollivier, demain ce sera Thiers.<br /> Me voici donc seul à Versailles –espèce de chargé d’affaires sans affaires. Toutefois si quelqu’un s’avise de me demander où est l’ambassade d’Angleterre, je lui répondrai très gravement à la Louis XIV : « L’ambassade d’Angleterre c’est moi ».<br /> Adieu adieu, ton Eugène<br /> Français MeWC<br /> Versailles<br /> Le 9 Juin 1871<br /> Ma bien chère Violette.<br /> Je ne puis quitter Versailles, c’est la consigne, je ne puis par conséquent pas me faire le plaisir (et c’en eût été un très grand) de te chercher ce que tu me demandes au quai Voltaire. Reste encore à savoir si le quai Voltaire est existe encore, ce qui est fort douteux, car tout ce quartier y inclus la Rue du Bac, est incendié.<br /> Vu que Voici ce que je me propose de faire : envoyer chercher à Paris les deux volumes de l’Encyclopédie du Dictionnaire qui contiennent les articles Sacchi et Métastase et te mander ce que j’y trouve. Il est probable que je me trouverai pour au moins une demi journée à Paris avant peu, et je te promets de fouiller ˆalorsˆ ce qui reste du quai Voltaire.<br /> As-tu lu un Roman anglais qui a paru récemment et que Tauchnitz a publié, qui s’appelle « Love the Avenger » ? Ce roman est par Mme Blaze de Bury. Cette femme doit être très remarquable. Elle écrit des livres en anglais, en français et en allemand avec la même facilité. Je t’avoue que je crois qu’il faut se méfier de ces ˆgrandsˆ talents polyglottes. Il est rare que ce soit des gens de génie. Du reste Mme B. de B. paraît être tant soit peu une intrigante politique. Elle a dit-on une connaissance très approfondie des partis qui se divisent partagent la France. Je finirai par faire connaissance avec elle et sa famille, je suppose.<br /> Quant à Montigny je suis à peu près de ton avis ; mais il faut faire la part et une large part de la ˆsaˆ nationalité et de son éducation. Montigny a toutes les qualités qui distinguent le Français –l’esprit, l’exagération, l’ignorance de l’étranger ; comme tous ses compatriotes il ne voit dans les désastres de la France que trahison et méchanceté. En définitive les Français sont le peuple le plus puéril du monde, tout en étant le plus spirituel. Ils ont une vanité inouïe, colossale. C’est cette vanité qui se fait dicte ce fameux télégramme qui disait quelques jours avant la capitulation de Paris : « Paris est magique, régénéré, antique ».<br /> Strasbourg a fait une défense très médiocre. Eh bien il fallait absolument couler la statue de Strasbourg en bronze. Aujourd’hui on n’en parle plus. La trahison de Jules Favre est à l’ordre du jour. Hier c’était Ollivier, demain ce sera Thiers.<br /> Me voici donc seul à Versailles –espèce de chargé d’affaires sans affaires. Toutefois si quelqu’un s’avise de me demander où est l’ambassade d’Angleterre, je lui répondrai très gravement à la Louis XIV : « L’ambassade d’Angleterre c’est moi ».<br /> Adieu adieu, ton Eugène<br />
Me WC
Versailles.
Le 9 Juin 1871
Ma bien chère Violette.
Je ne puis quitter Versailles, c’est la consigne, je ne puis par conséquent pas me faire le plaisir (et c’en eût été un très grand) de te chercher ce que tu me demandes au quai Voltaire. Reste encore à savoir si le quai Voltaire est existe encore, ce qui est fort douteux, car tout ce quartier y inclus la Rue du Bac, est incendié.    
Vu que Voici ce que je me propose de faire : envoyer chercher à Paris les deux volumes de l’Encyclopédie du Dictionnaire qui contiennent les articles
Sacchi et Métastase et te mander ce que j’y trouve. Il est probable que je me trouverai pour au moins une demi journée à Paris avant peu, et je te promets de fouiller ˆalorsˆ ce qui reste du quai Voltaire.  
 As-tu lu un Roman anglais qui a paru récemment et que Tauchnitz a publié, qui s’appelle « Love the Avenger » ? Ce roman est par Mme Blaze de Bury. Cette femme doit être très remarquable. Elle écrit des livres en anglais, en français et en allemand avec la même facilité. Je
t’avoue que je crois qu’il faut se méfier de ces ˆgrandsˆ talents polyglottes. Il est rare que ce soit des gens de génie. Du reste Mme B. de B. paraît être tant soit peu une intrigante politique. Elle a dit-on une connaissance très approfondie des partis qui se divisent partagent la France. Je finirai par faire connaissance avec elle et sa famille, je suppose.    
Quant à Montigny je suis à peu près de ton avis ; mais il faut faire la part et une large part de la ˆsaˆ nationalité et de son éducation. Montigny a toutes les qualités qui distinguent le Français –l’esprit, l’exagération, l’ignorance de l’étranger ; comme
tous ses compatriotes il ne voit dans les désastres de la France que trahison et méchanceté. En définitive les Français sont le peuple le plus puéril du monde, tout en étant le plus spirituel. Ils ont une vanité inouïe, colossale. C’est cette vanité qui a fait dicte ce fameux télégramme qui disait quelques jours avant la capitulation de Paris : « Paris est magique, régénéré, antique ».    
Strasbourg a fait une défense très médiocre. Eh bien il fallait absolument couler la statue de Strasbourg en bronze. Aujourd’hui on n’en parle plus. La trahison de Jules Favre est à l’ordre du jour. Hier c’était Ollivier, demain ce sera Thiers.    
Me voici donc seul à Versailles –espèce de chargé d’affaires sans affaires. Toutefois si quelqu’un s’avise de me demander où est l’ambassade d’Angleterre, je lui répondrai très gravement à la Louis XIV : « L’ambassade d’Angleterre c’est moi ».
Adieu adieu, ton Eugène