Transcription Transcription des fichiers de la notice - <em>Mythologie</em>, Paris, 1627 - II, 01 : D’un seul Dieu, principe & Createur de toutes choses Conti, Natale 1627 chargé d'édition/chercheur Équipe Mythologia Projet Mythologia (CRIMEL, URCA ; IUF) ; projet EMAN, Thalim (CNRS-ENS-Sorbonne Nouvelle) PARIS
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1627 Fiche : Projet Mythologia (CRIMEL, URCA ; IUF) ; projet EMAN, Thalim (CNRS-ENS-Sorbonne Nouvelle). Licence Creative Commons Attribution – Partage à l’Identique 3.0 (CC BY-SA 3.0 FR)
Paris (France), BnF, NUMM-117380 - J-1943 (1-2)
Français

MYTHOLOGIE,

ov,

EXPLICATION DES FABLES.

LIVRE SECOND.

SOMMAIRE DES CHAPITRES.

I. D’vn ſeul Dieu, principe & Createur de toutes choſes. II. De Iupiter. III. De Saturne. IV. De Cœlus. V. De Iunon. VI. De Hebe. VII. De Vulcan. VIII. De Mars. IX. De Neptune. X. De Pluton. XI. De Plute.

D’vn ſeul Dieu, principe & Createur de toutes choſes.

CHAPITRE PREMIER.

NOVS auons cy deſſus expoſé certains poincts touchant la connoiſſance de la nature des Dieux anciens, & deſcouuert quelle affection ils ont porté aux hommes, & comment ils ſe ſont entretenus eux-meſmes ; tellement que nul d’entr’eux n’a eſté eternel, ſinon qu’au prix que les anciens ſages ſe ſeruoient de leurs noms au lieu des formes des choſes naturelles. Il reſte maintenant à montrer qu’il y a vn principe & auteur de toutes choſes, par lequel tout ce qui eſt au monde a eſté créé & mis en lumiere, puis qu’aucun de tous ces Anciens n’a eſté vray Dieu, comme nous auons dit, & qu’il ne peut y auoir pluſieurs Dieux enſemble. Ce que nous expliquerons le plus briefuement que faire ſe pourra : car autrement cette diſpute pourroit remplir vn gros volume, qui voudroient rechercher tout ce qui eſt neceſſaire. Or comme ainſi ſoit qu’vne multitude de pluſieurs choſes qui ſont ſous vne meſme forme, deſcouure la foibleſſe & incapacité de chacune en particulier, pource qu’elles ont beſoin d’engendrer, & ſont ſujettes à la mort ; nous perdrons temps & peine à ſeruir cette ſi grande multitude de Dieux, pource qu’ils nous manqueront vn iour, & ainſi il nous faudra touſiours faire de nouueaux vœux à ceux qui ſuruiendront. Le ſexe és creatures ſignifie que comme elles ont eu cõmencement de leur eſtre : auſſi doiuent elles prendre fin.Mais qu’eſt-ce que le ſexe ſignifie, ſinon qu’il luy faut prendre fin ? car il eſt neceſſaire que ce qui a commencement trouue quelque iour ſa fin, d’autant que tout ce qui naiſt eſt compoſé de certains commencemens, eſquels auec le temps il ſe reſoult. Si tous les Dieux ſont maſles ou femelles, & propres à faire race, & toutesfois ne produiſent rien ; vne grande abſurdité s’enſuiura : car pour neant peut celuy qui n’exerce iamais ſon pouuoir. Et pourtant là où il y a ſexe, il faut de neceſſité qu’il y ait generation, & là meſme ne peut y auoir nature d’vn Dieu eternel. Force eſt donc qu’il n’y ait qu’vn ſeul Dieu, qui ne ſoit ny engendré, ny n’engendre de ſoy aucun autre de diuerſe ſubſtance à la ſienne. Car la vraye & ſaincte Theologie nous apprend que le Pere a engendré le Fils, mais de meſme ſubſtance que la ſienne, immortel comme luy, ſans aucun commencement ny principe de temps. Derechef puis qu’il n’y a point de commencement, & eſt d’vne puiſſance infinie, pource que la puiſſance & vertu des corps finis & de toutes choſes finies, eſt auſſi finie à raiſon du corps ; c’eſt à bon droict que les Anciens l’ont qualifié Tout-puiſſant, & d’autant qu’on n’en a point veu d’autre deuant luy, & qu’il a eſté le premier, ils l’ont nommé Premier-né & Viſible, comme l’appelle Orphee en ſes hymnes. C’eſt donc luy qu’il nous faut neceſſairement reconnoiſtre pour Createur de toutes choſes. Nottable conſentement des anciens Philoſophes en la recognoiſſance d’vn ſeul createur de cet Vniuers.Or combien qu’il y ait eu grand differend entre les Philoſophes touchant la matiere des corps naturels, les vns n’eſtabliſſans à la generation qu’vn ſeul principe de tout ce qui ſe trouue en la Nature ; & les autres, pluſieurs : toutesfois nul n’a eſté ſi deſpourueu de ſens, qui ait introduit pluſieurs Dieux autheurs & ouuriers de cet Vniuers. Thales Mileſien.Car Thales Mileſien meſme, l’un des ſept Sages, eſtimant que l’eau fuſt le commencement & la matiere de toutes choſes, dit que l’Eſprit crea toutes choſes d’eau. Anaxagore Clazomenien.Anaxagoras Clazomenien croyant que les corps naturels ayent pris leur eſtre de certains poincts & menues parcelles ſemblables entre elles, a penſé qu’il ne leur ſeruiſt rien de s’aſſembler, ſi l’Ouurier ne ſuruenoit pour les agencer & compoſer ; & appelle cet Ouurier Eſprit Diuin, duquel voicy vn excellent vers ;

Vn eſprit eſt autheur de tout ce qui ſe void.

Pythagore Samien.Pythagore Samien eſtabliſſant les nombres pour commencemens de toutes choſes, & introduiſant l’vnité & nombre binaire, ou de deux, à ſçauoir la Matiere & l’Ouurier, met en auant vn Dieu, lequel il entend par l’Vnite. Empedocle Agrigentin.Empedocle Agrigentin apres les quatre Elemens qu’il poſe pour la matiere de generation, les voyans d’eux-meſmes laſches & inſuffiſans, a penſé que l’amitié donnaſt eſtre & forme à toutes choſes, & que le diſcord les défit. Socrate & Platon.Socrate & Platon, apres la matiere & idee, qu’ils prennent pour vn exemplaire de forme, adiouſtent Dieu pour Autheur de la generation, Zenon Cittien.Zenon Cittien ne pouuant croire que la forme peuſt conſiſter nulle part ſans la matiere, a dict que la ſeule matiere, & Dieu, ont faict toutes choſes ; pource que d’eux procedoit la forme quand ils ſe mettoient à la beſongne. Anaximandre.Anaximandre, qui eſt d’opinion que le commencement de tout l’vniuers ſoit l’Infiny ; Anaximene.Anaximene, l’air ; Heraclite.Heraclite, le feu ; Epicure.Epicure, certains corps ſolides, non-creez, eternels, perceptibles d’entendement, qu’il appelle Atomes : & Ariſtote, la matiere & la forme, ne diſans rien touchant l’Ouurier, Impieté de ces derniers Philoſophes.ſi ce n’eſt qu’en paſſant ils en touchent vn mot par maniere d’acquit, n’ont pas creu qu’il y euſt aucun Dieu ; ou bien ſe ſont faict acroire qu’il n’auoit point de ſoin des affaires de ce monde. Car comment ſe peut-il faire que ce qui n’eſt point, s’approche de ſoy-meſme à ce qui eſt, & ſans y eſtre appellé de perſonne ? ou bien, ce qui n’a point de raiſon en ſoy, ny de commencement de connoiſſance, comment peut-il faire venir à ſoy vne choſe ſi digne & ſi excellente, & luy commander qu’elle vienne ? Peut-on iamais faire vn pot d’argent, encore qu’on ait l’argent, ſi l’ouurier n’y vient mettre la main pour luy donner ſa forme & la façon ? Certes la forme ne viendra iamais de par-ſoy à l’argent, & l’argent auſſi ne ſe mettra iamais à l’appeller ; veu que l’vn ne parle, & l’autre n’entend point. Or rien ne ſe peut faire qui ne ſe faſſe par vne diuine prouidence. Voyla pourquoy ie trouue bien ſots & dignes de riſee ceux qui attribuent tout à la Fortune, & Atomes d’Epicure.qui ont eu opinion que ce monde ait eſté faict & compoſé par certains Atomes ou grains de pouſſiere amaſſez en vn tas, s’entrechocquans d’vn certain mouuement fortuit & temeraire. Tel fut l’auis d’Epicure & de Democrite. Car bien qu’ils gazoüillaſſent ie ne ſcay quoy de Dieu, toutesfois ils n’ont pas eſté mieux auiſez que Diagoras Milſien, Theodore Cyrenien, & Eumere Tegeate. Par où il eſt euident que rien ne ſe peut faire ſans Dieu, ſouuerain Ouurier, & que pluſieurs Dieux ne peuuent eſtre ; mais vn ſeul, voire iceluy eternel, de qui la puiſſance eſt infinie, & qu’il eſt Autheur & Createur de toutes choſes, & n’eſt ny maſle ny femelle. Eſpluchons deſormais ſi c’eſt celuy que les Anciens ont appellé Iupiter.