Transcription Transcription des fichiers de la notice - <em>Mythologie</em>, Paris, 1627 - II, 04 : De Cœlus Conti, Natale 1627 chargé d'édition/chercheur Équipe Mythologia Projet Mythologia (CRIMEL, URCA ; IUF) ; projet EMAN, Thalim (CNRS-ENS-Sorbonne Nouvelle) PARIS
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1627 Fiche : Projet Mythologia (CRIMEL, URCA ; IUF) ; projet EMAN, Thalim (CNRS-ENS-Sorbonne Nouvelle). Licence Creative Commons Attribution – Partage à l’Identique 3.0 (CC BY-SA 3.0 FR)
Paris (France), BnF, NUMM-117380 - J-1943 (1-2)
Français

De Cœlus.

CHAPITRE IV.

Genealogie de Cœlus.COELVS, que les vns nomment Cœlius, les autres Vranus, d’vn mot Grec, qui ſignifie le Ciel, eſt eſtimé fils d’Æther & du Iour, comme teſmoigne Ciceron au 3. de la nature des Dieux, diſant : Si ainſi eſt, il faut außi faire eſtat que les pere & mere du Ciel, Æther et le Iour, & ſes freres & ſœurs ſont Dieux. On dit que Veſte fut ſa femme, laquelle nous monſtrerons en ſon lieu n’eſtre autre choſe que la Terre. Neantmoins Heſiode eſcrit que la Terre a engendré le Ciel :

La Terre fit iadis le Palais port’-eſtoille, Afin que ſon pourprix de tous coſtez la voile.

Ses enfans.Laquelle ayant eſpouſee le Ciel, & eü ſa compagnie, luy procrea vne brigade d’enfans, à ſçauoir Cœe, Crie, Hyperion, Iapet, Thie, Rhee, Themis, Mnemoſyne, Phœbé, Thetys, Saturne, Bronte, Sterope, Arge, Cotte, Briaree, Gyge, nommez par Heſiode en ſa Theogonie, & par Apollodore Athenien au 1. liure de ſa Bibliotheque, comme il a eſté dit cy-deſſus. Puis apres cette meſme Terre par la copulation du Tartare enfanta Typhœe, ſelon le dire dudit Heſiode. Saturne l’un de ſes plus ieunes fils ſe reuoltant contre luy, print vne faux d’acier, que ſa mere luy bailla, & luy en couppa les genitoires, s’eſtant ſaiſi de ſa perſonne, d’autant qu’il auoit empriſonné ſes freres les Titans. Trois furies nees des genitoires du Ciel.Du ſang de ce membre tranché naſquirent, Alecto, Tiſiphone & Megere : toutesfois d’autres les font filles des genitoires de Saturne, taillez par Iupiter. Lactance au liure de la fauſſe Religion eſcrit, que Cœlus fut plus puiſſant en credit & authorité que les autres hommes, & parce qu’anciennement on adoroit les Roys en guiſe de  Dieux : Suiet de la Fable du Cœlus.de là vint qu’on adora Cœlus ſous le nom d’Æther : & Saturne pour ſe faire valoir, & magnifier la nobleſſe de ſa race (ſelon que ceux qui iouyſſent des plus grands eſtats & honneurs de ce monde, ſont ordinairement accompagnez d’vn extreme deſir & volonté d’acquerir de la reputation qui rende recommendable l’illuſtre nom de leur famille) ſe vanta d’eſtre fils du Ciel, ſiege de tous les Dieux, & de la Terre. Cependant ſi vous y prenez garde, nature a fort librement donné pareille eſpece de nobleſſe aux Grenoüilles, aux Mouſches, & pluſieurs autres animaux, parce que de l’Æther ou chaleur des eſtoilles, & de la terre, durant la pluye, beaucoup de telles engeances ſe font, comme diſent ces vers ;

L’Æther tout puiſſant pere en pluye copieuſe Deſcend dedans le ſein de ſa femme ioyeuſe, Et ſelon qu’il eſt grand, peſle-meſlant ſon corps, Nourrit ce qu’elle engendre, & ce qu’elle met hors.

Voila les contes que les Anciens ont fait touchant Cœlus, ou le Ciel.

Expoſition phyſique de cette fable.Or qu’il ait eſté fils de l’Æther & du Iour, il ſemble que cela ne ſignifie autre choſe que l’ordre de nature en la diſpoſition des corps celeſtes. Car ceux qui ſont les plus purs ſont au deſſus des autres, & ſituez en la plus haute region. Et pourtant, le Ciel eſtant ſeparé d’aueque ces corps, quand chacun d’eux receut ſa place & aſſiette, il fut dict qu’il eſtoit né d’Æther & du Iour à cauſe de la clairté des eſtoilles plus baſſes. Les autres diſent qu’il eſt né de la Terre, croyans que Dieu le createur fit le monde d’vne matiere ſans forme. Neantmoins le Ciel eſt vne partie de l’Æther, & meſme il fut appellé de ce nom, teſmoin ce vers de Pacuue allegué par Ciceron au 2. de la nature des Dieux.

Nous le nommons le Ciel, les Grecs Æther l’appellent.

Orphee auſſi en ſes hymnes eſtime que le Ciel n’eſt autre choſe que cet Æther qui conſte & brille de ces hauts feux celeſtes :

Ciel tout creant, la plus ſaincte parcelle De l’Vniuers, & d’eſſence eternelle.

Il a eſté nommé Ciel, d’vn mot Grec ſignifiant Creux. Mais ie n’ay encor trouué perſonne qui rende raiſon aſſez valable de ce qu’on dit que Saturne ſon fils luy trencha le membre viril. Car celle que Ciceron allegue au 2. de la nature des Dieux, eſt ridicule, diſant : Cette vieille opinion a rempli toute la Grece, que le Ciel fut taillé par Saturne ſon fils, & Saturne garrotté par Iupiter ſon fils. Telles fables impies enuelopent vne raiſon naturelle non impertinente. Car ils ont voulu que cette nature celeſte, haute, & atheree, c’eſt à dire ignee, qui de ſoy engendre toutes choſes, manquaſt de cette partie du corps qui a beſoin de ſe ioindre auec vne autre pour faire race. Si cela eſt, il faloit declarer pourquoy c’eſt que l’Æther a eu quelquesfois cette partie-là, & ſi l’on prend Saturne pour le Temps, parce qu’il ſe ſaoule d’ans, ſelon l’ethymologie Latine que quelques-vns luy donnent, veu que l’on dit communément que le temps engendre tout, & deſtruit tout auſſi : pourquoy eſt-ce que Iupiter ſon fils le chaſtra ; aſſauoir-mon ſi le Temps chaſtré n’engendrera plus rien ? Ainſi donc on ne peut donner aucune interpretation de tels myſteres qui ſoit ſuffiſante & receuable, ou bien il la faut rapporter (comme ie diſois tantoſt) à la creation du monde, laquelle interpretation a pris ſon origine partie des hiſtoires, partie des noms que Nature a donnez à toutes choſes creées. Raiſon du chaſtrement du Ciel par Saturne.Cœlus donc fut taillé, ſelon mon auis, parce qu’il n’y a qu’vn æther, & vn Ciel, & nul temps ne permettra qu’il ſe puiſſe faire vn autre æther, ny vn autre Ciel, veu qu’il eſt compoſé d’vne matiere vniuerſelle. Car puis qu’il n’y a qu’vn monde, & n’y en peut auoir pluſieurs, c’eſt à bon droict qu’ils diſent que le Ciel fut chaſtré par ſon fils, d’autant que le Temps ne permettra iamais qu’il s’engendre choſe ſemblable à luy. Il n’y a donc qu’vn Ciel, & vn Temps, qui naiſt du mouuement d’iceluy : & tous deux ſont chaſtrez, parce qu’il n’y en peut auoir pluſieurs. De là eſt puiſee la doctrine des Peripateticiens. Nous n’auons aucuns memoires qui nous apprennent rien touchant les faits de Cœlus ; ce qui me fait aiſément croire qu’à cauſe de ſa ſageſſe & preud’hommie on luy defera l’honneur de cõmander dans ſon pays. Ie n’en trouue qu’vn ſeul article approuué par le teſmoignage de pluſieurs Autheurs ; c’eſt qu’il eſt mort en Oceanie (ie croy que l’iſle de Candie ſe nommoit ainſi jadis) & fut enterré en la ville d’Aulaire, comme dit Lactance. Ie ſcay bien qu’il y en a qui prennẽt le Ciel pour l’ame du plus haut & eſtoillé Ciel, qu’ils penſent eſtre tantoſt Dieu, tantoſt la fecondité & largeſſe de Dieu meſme ; & prenans Iupiter pour cette bienfaiſante volonté de Dieu, par laquelle il pouruoid à toutes choſes, ils diſoient qu’il auoit chaſtré Saturne, c’eſt à dire qu’il paruient iuſqu’à l’eſprit de Dieu, puis apres Saturne taille le Ciel, d’autant que l’entendement meſme obtient beaucoup de choſes de l’abondance & fecondité du Dieu : & les choſes qui prouiennent de luy, ne ſont pas entieres ne parfaictes comme elles ſont en luy, mais Iupiter les lie & reſtreint és plus eſtroittes bornes de nature, à cauſe du vice de celuy qui les reçoit. Quant à ce qui attouche aux mœurs, c’eſt preſque meſme choſe que ce qui a eſté dict en Saturne. Paſſons à Iunon.