Transcription Transcription des fichiers de la notice - <em>Mythologie</em>, Paris, 1627 - II, 06 : De Hebe Conti, Natale 1627 chargé d'édition/chercheur Équipe Mythologia Projet Mythologia (CRIMEL, URCA ; IUF) ; projet EMAN, Thalim (CNRS-ENS-Sorbonne Nouvelle) PARIS
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1627 Fiche : Projet Mythologia (CRIMEL, URCA ; IUF) ; projet EMAN, Thalim (CNRS-ENS-Sorbonne Nouvelle). Licence Creative Commons Attribution – Partage à l’Identique 3.0 (CC BY-SA 3.0 FR)
Paris (France), BnF, NUMM-117380 - J-1943 (1-2)
Français

De Hebé.

CHAPITRE VI.

Genealogie de Hebé.N’AGVERE au diſcours de Iunon nous auons dit que Hebé (c’eſt à dire Ieuneſſe) a eſté fille de Iunon. Les vns ont creu que Iupiter ait eſté ſon pere, comme Homere en l’unzieſme de l’Odyſſee.

Apres luy i’apperceu d’Hercul l’image feinte. Il eſt là reſſeant parmy la trouppe ſainte Des habitans du Ciel, en feſtins, en esbas, Ayant à ſon coſté compagne en ſes repas, La fille de Iupin, & de Iunon houſee De riches patins d’or, Hebé ſon eſpouſee.

Plaiſante natiuité de Hebé.Les autres luy donnent vne natiuité plus fabuleuſe, & auec moins d’apparence : diſans qu’vn iour Apollon conuia Iunon à vn feſtin qu’il faiſoit en la maiſon de Iupiter, & qu’entre autres mets on ſeruit des laictues ſauuages, deſquelles ayant mangé, elle deuint tout auſſi-toſt enceinte, au lieu qu’auparauant elle eſtoit ſterile, & accoucha puis aprés d’vne fille nommee Hebé : laquelle eſtant tres-belle, & Iupiter la trouuant agreable, il la commit ſur la Ieuneſſe, & la choiſit pour le ſeruir de couppe, portant ſur ſa teſte vn chappeau treſſé de diuerſes ſleurs. Mais comme vn iour il banquetoit en Æthiopie auec les autres Dieux, elle luy portãt ſon Nectar, broncha par meſgarde ſi rudement, que tumbant, ſes habits ſe renuerſerent ſur ſa teſte, & fit voir à toute la compagnie ſes parties hõteuſes, à cauſe dequoy cette charge luy fut oſtee, & Ganymede fils de Laomedon, Roy de Troye mis en ſa place, que l’Aigle par le commandement de Iupiter emporta au Ciel. Homere au 4. de l’Iliade, teſmoigne que Hebé eſtoit l’Eſchanſonne de Iupiter :

La venerable Hebé gentiment leur ſeruoit Le doux-boire Nectar, dont chacun d’eux beuuoit, L’vn l’autre s’inuitant, & la doree couppe Marchoit de main en main par la diuine trouppe.

Iunon voyant Ganymede receu en cet eſtat & charge, fut tres-malcontente : ſelon que les Poëtes l’introduiſent touſiours ennemie partiale des Troyens : teſmoin Virgile au 1. de l’Æneide :

Et la race ennemie, & l’honneur odieux Faict à Ganymedés le verſe-boire aux Dieux.

Ce qu’auſſi confirme Ciceron au 1. liure de la nature des Dieux. Pauſanias en l’Eſtat de Corinthe dit que les Anciens l’ont quelquefois nommé Ganymede. Car ils appelloient Hebé le plaiſir, ou reſiouyſſance qu’on receuoit aux feſtins : c’eſt pourquoy Homere la fait ſeruir aux banquets. Les Sicyoniens & Phliuntins l’appelloient Die : & en certains endroits elle auoit de ſomptueux Tẽples, où elle eſtoit auec beaucoup de deuotion adoree, comme eſcrit Strabon au 8. liure. Les Corinthiens luy faiſoient de grands honneurs en vn petit boſcage de Cyprés, dont le plus grand eſtoit, que quiconque fuyoit en ce lieu là, ſuppliant auec humilité cette Deeſſe, eſtoit deliuré pour l’amour d’elle de tout chaſtiment & peine qu’il euſt merité pour quelque crime que ce fuſt. Ceux qui eſtoient deliurez de priſon, portoient là leurs ceps & manotes, & les appendoient à des arbres au Temple.

Hebé eſpouſee par Hercule deifié.Les Anciens ont laiſſé par leurs memoires, qu’Hercule ayant paracheué tous les combats, & ſurpaſſé toutes les difficultez & hazards que Iunon luy auoit propoſez, eſtant monté au Ciel, Iupiter luy donna Hebé en mariage : & pourtant en ce petit quartier que les Atheniens nommoient Les iardins, il y auoit des Autels en vn Temple cõmun dediez à Hercule & à Hebé, teſmoin Pauſanias en l’Eſtat d’Attique. Apollodore au 2. liure dit qu’elle eut d’Hercule, fille & fils, Alexiaré, & Anicet.

Explication Phyſique de la fable de Hebé.Voila en peu de mots ce qui ſe trouue de Hebé : voyons-en maintenant le ſens. Quant à moy ie ſuis de l’aduis de Ciceron au 1. des diſputes Tuſcul.choice> diſant : Ie ne croy pas que les Dieux prennent plaiſir ny à l’Ambroſie, ny au Nectar, ny d’auoir la Ieuneſſe pour eſchanſonne, & n’adiouſte point de foy à Homere, qui dit que les Dieux firent rauir & enleuer Ganymede à cauſe de ſa beauté pour verſer à boire à Iupiter. Ce ſont fictions d’Homere, accommodant aux Dieux les choſes humaines. Cõment Hebé eſt fille de Iunon.Mais comment dit-on que Hebé ſoit fille de Iunon ? parce que toutes ſortes d’herbes & arbres pouſſent & croiſſent par le moyen d’vne bonne & heureuſe temperature de l’air. Car comment peut elle naiſtre ſans pere, & eſtre fille de Iunon ? il n’y a aucune temperature d’air que la chaleur du Ciel par ſon mouuement ne la cauſe, veu que toute l’action des corps d’embas prouient de l’agitation & mouuement de ceux d’enhaut. Car comment eſt-ce que l’air peut faire pouſſer & naiſtre quelque choſe, s’il n’eſt eſchauffé du Soleil, & de la region etheree ? joint que, ſelon la doctrine d’vn des anciens Sages, Diſcord & amitié ne ſont pas ſeulement les principes & les commencemens de la naiſſance & mort des creatures, mais auſſi conſeruent en leur eſtre les choſes creées, leur departiſſans leurs forces par égales portions. Et ſœur de Mars.Hebé eſt dicte ſœur de Mars, d’autant que l’abondance & bon rapport de tous biens, & la fertilité des terres, procede du temperament de l’air ; d’où viennent auſſi les guerres & la deſtruction des fruits de la terre. Dauantage vne bonne & riche contree nourrit & entretient Mars & la guerre, au lieu que perſonne ne ſe met en peine pour conqueſter vn maigre & pauure pays. Que Iunon ait eſté engroſſie pour auoir mangé des laictues ſauuages, que veut dire cela, ſinon que Hebé eſt nee de la temperature de l’air ? Iunon traittee & feſtoyee par Apollon en la maiſon de Iupiter, s’eſchauffa à cauſe de la trop grande chaleur du Soleil & du Ciel : & & pour ſe rafraiſchir elle mangea des laictues ſauuages, qui ſont froides, & deuint enceinte. Qui ne void que tout cela ne ſignifie autre choſe que la temperature & bonne diſpoſition de l’air ? lequel eſtant chaud plus que de raiſon, demãde la fraiſcheur & vne portion & ſymmetrie pour engendrer. De là prouient Hebé, qui preſide ſur la ieuneſſe, tant des plantes que des animaux. Que ſignifie la cheute de Hebé montrãt ſa vergongne.S’eſtãt laiſſee choir en ſeruant à ttable, & ayant monſtré aux Dieux ſes parties honteuſes, Iupiter luy oſta l’eſtat qu’il luy auoit donné pour l’amour de ſa beauté. Que veut dire cela, ſinon que quãd les fueilles des arbres ſont cheutes, les plãtes perdent leur ieuneſſe & honneur ? & ſi l’on faict comparaiſon de leur premiere condition auec la derniere, elles ſont laides & de peu de grace : Que repreſente Ganymede.En meſme temps Ganymede eſt ſubrogé en la place d’Hebé, diſgraciee, qui ne repreſente autre choſe que l’hyuer, ainſi nommé du Grec hyein, ſignifiant pleuuoir : & pour cette raiſon Ganymede fut en fin conuerty au ſigne d’Aquarius, ou Verſe-eau : Voyla ce que i’ay penſé concerner les raiſons naturelles.

Explication morale.Quant aux mœurs, ie croy qu’il le faut ainſi prendre ; que la faueur & la bonne grace des Grands eſt vne choſe la plus inconſtante du monde, qui auiourd’huy trouuent beau ce qui demain leur deſplaiſt : & n’y a choſe qui tant leur agree, qu’en peu de temps ils n’en ſoient deſgouſtez. Leger & volage naturel des grãds de ce mõde.Ceſte legereté ſe trouue principalement és Grands Seigneurs, qui ont plus de moyens & de commoditez que le reſte du monde, mais n’ont pas plus de ceruelle ny de ſageſſe qu’vn d’entre le commun peuple. Car l’or, l’argent, & tous leurs moyens ne les rendent pas mieux auiſez. Mais és maiſons des Princes & grands terriens, la diſſolution & vie deſbordee, tant de ceux de dehors comme de leurs domeſtiques, peut corrompre & peruertir meſme le plus retiré & le plus affectionné : d’autant que toute beauté ſe doit comporter & maintenir entiere en mœurs, en equité & innocence : ſi telles vertus n’y ſont, qu’vn homme de bien en deſtourne ſes veux. C’eſt aſſez diſcouru de Hebé, parlons maintenant de Vulcan.