Transcription Transcription des fichiers de la notice - <em>Mythologie</em>, Paris, 1627 - III, 14 : De Mort Conti, Natale 1627 chargé d'édition/chercheur Équipe Mythologia Projet Mythologia (CRIMEL, URCA ; IUF) ; projet EMAN, Thalim (CNRS-ENS-Sorbonne Nouvelle) PARIS
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1627 Images : BnF, Gallica
Paris (France), BnF, NUMM-117380 - J-1943 (1-2)
Français

De la Mort.

CHAPITRE XIIII.

LA Mort eſtant le plus fort & le plus puiſſant archer qui fuſt aux Enfers, emmenant toutes creatures humaines vers la riuiere d’Acheron, l’on n’en a guere conté de Fables, ſinon qu’elle eſtoit ſœur du Sommeil, comme eſcrit Homere au quatortieſme de l’Iliade :

Elle ſ’en vient trouuer le frere de la Mort,Le Somme qui de nuict toutes choſes endort.

Et que la Nuict ſa mere l’auoit nourrie. Images de la Mort.C’eſt pourquoy Pauſanias és Eliaques dit que les Eleens auoient en vn Temple l’image d’vne femme, qui portoit des enfans aſſopis, à ſçauoir en la main droite vn blanc, & en la gauche vn noir, qui reſſembloit à vn dormant ; ayans tous deux les pieds tortus, deſquels les inſcriptions montroient, que l’vn eſtoit le Somme, l’autre la mort : la femme qui le nourriſſoit eſtoit la Nuict. On ſacrifioit quelquefois à la Mort vn Coq, auſſi bien qu’à Mars & à Æſculape ; d’autant que la Nuict ayme fort qu’on tuë celuy qui trouble ſon repos & ſilence. Les Anciens feignent qu’elle auoit des aiſles noires, comme dit Horace au deuxieſme des Sermons :

Comme quand la Mort vole auec ſes ailes noires.

Item.

La mort voltige autour auec ſes ailes ſombres.

La Mort à eſté donnee aux hommes par vn ſingulier bien-fait de Dieu, pour remede & gueriſon de leurs miſeres & calamitez, & pour mettre fin à toutes leurs douleurs & faſcheries. Ce qu’Agathias exprime gentiment en vn Epigramme Grec :

Que craignez vous, la Mort, la mere du repos,Qui guerit les langueurs, qui deſcharge le dosDu faix de pauureté ? Elle vient compareſtreVne fois ſeulement, & ne void-on renaiſtreAucun des treſpaſſez : mais les maux , les langueurs,Rechargent coup ſur coup par diuerſes douleurs,Chocquans or’ l’un, or l’autre, & d’vn commun meſlangeFont ordinairement de corps en corps eſchange.

Elle eſtoit tenuë pour la plus dure, la plus impetueuſe & la plus impitoyable de toutes les Deïtez : & parce qu’il n’y auoit priere aucune qui la peuſt fleſchir, auſſi n’obtint elle point de Sacrifices, fors le Coq ; ny de monſtiers, ny de preſtres, ny de ſeruices ou ceremonies. Orphee par le vers ſuiuant exprime ſa durté & courage inexorable :

On ne peut t’accoiſer par dons ne par prieres.

Pour ce ſujet les Poëtes l’appellent, Somme ferré, Somme d’airain, pour repreſenter la durete d’icelle : & luy donnent les epithetes de Dure, & Longue. Elle eſtoit habillee d’vne robe ſemee d’eſtoilles, de couleur noire. Les Sages Anciẽs l’ont loüee tant & plus, comme celle qui eſt ſeul & ſeur port ou haure de repos. Elle nous affranchit de beaucoup de maladies corporelles ; elle nous deliure de la cruauté des tyrans ; elle nous eſgale aux Princes ; elle eſt tres-agreable à tous gens de bien, ſinon entant que les loix de nature y repugnent : & n’y a perſonne qui ne la reçoiue gayement, fors les meſchans, qui durant leur vie deuinent deſia & apprehendent d’endurer de plus griefs tourmens aprés leur mort. Et la vie n’eſt autre choſe que l’uſage de la lumiere que Dieu nous preſte : que ſ’il la redemande, il n’en faut pas eſtre plus mal-contens, que ſi eſtans allez voir vn noſtre amy, il nous commandoit le ſoir venu de nous retirer chez nous ; ou ſi celuy qui nous a preſté quelque choſe la nous demandoit. Et pourtant Dieu ne nous fait point de tort quand il repete ce qui eſt ſien. Et d’autant que ie ne trouue point que les Anciens en ayent rien dict myſtiquement, ie ſuis deliberé de laiſſer paſſer le reſte de ce que les fables nous en content, & de traicter du Somme.