Transcription Transcription des fichiers de la notice - <em>Mythologie</em>, Paris, 1627 - III, 19 : De Diane Conti, Natale 1627 chargé d'édition/chercheur Équipe Mythologia Projet Mythologia (CRIMEL, URCA ; IUF) ; projet EMAN, Thalim (CNRS-ENS-Sorbonne Nouvelle) PARIS
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Paris (France), BnF, NUMM-117380 - J-1943 (1-2)
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De Diane.

CHAPITRE XIX.

COMBIEN que la Lune, Hecate & Diane ne ſoient qu’vne meſme choſe, ſi eſt-ce que toutes les facultez & vertus qui ſont entenduës par tels tiltres, ne ſont pas comprises en vn ſeul nom, encore qu’elles deſcendent d’vne meſme ſource. Or qu’elle ſoit la meſme qu’Hecaté, Callimache le montre en l’hymne de Diane il appelle Pheræenne, d’où c’eſt choſe certaine qu’Hecate eſtoit nee. Genealogie de Diane.Diane fut fille de Latone & de Cœe l’vn des Titans, teſmoin Nicandre, qui és Theriaques la nomme Titanide. Les autres la font fille de Iupiter & de Latone, de laquelle Ciceron au troiſieſme de la nature des Dieux dit ce qui ſ’enſuit : Il y a eu pluſieurs Dianes : la premiere fut fille de Iupiter et de Proſerpine, que l’on dit auoir engendré l’ailé Cupidon : la ſeconde eſt mieux cognuë, laquelle nous auons ouy dire eſtre nee de Iupiter III. de ce nom, & de Latone : la troiſieſme fut fille de Vpis & Glaucé, & les Grecs l’appellent ſouuent Vpis, du nom meſme de ſon pere. Entre les ſuſdictes la fille de Iupiter III. a eſté la plus nottable, & pourtant tout ce qui concerne les autres eſt par les Poëtes aßigné à cette-là. Ils la nomment Delienne, d’autant qu’elle nâquit en Delos : & Orphee en ſes hymnes ne la nomme pas ſeulement fille de Iupiter, mais d’abondant terreſtre, auſſi bien qu’Hecate. Virgile au 9. liu. nous apprend qu’elles deux ne ſont qu’vne :

Sur la Lune hautaine au Ciel les yeux il dreße,Et la prie en ces mots : O toy bonne DeeſſeGardienne des bois, l’honneur des hauts flambeaux,Vierge Latonienne, aide nous en nos maux.

Et Ouide au 15. de ſes Metamorphoſes.

Il eſt außi certain que Diane nocturneNe peut touſiours auoir vne forme commune :Demain elle ſera plus grande en ſon croiſſant,Ou bien amoindrira ſ’elle va decroiſſant.

Diane née ſert auſſi toſt de ſage femme à ſa mere.Ciceron auſſi au 2. de la nature des Dieux teſmoigne que la Lune & Diane eſtoient vne meſme Deeſſe. Elle naſquit deuãt Apollon, toutefois d’vne meſme ventree, & ſeruit depuis de ſage-femme à ſa mere enfantant Apollon. Homere en l’hymne d’Apollon nous montre que cette Diane qui fut fille de Iupiter & de Latone, fut la plus renommee de toutes les autres :

Latone Dieu te gard, puiſque ſi noble engeance,Diane & Apollon, ont pris de toy naiſſance.L’vne chaße és foreſts, l’autre eſt grand terrien,L’vne eſt Ortygienne, & l’autre Delien.

Tacite parle d’vne reformatiõ des aſyles ou franchiſes à Rome ſur l’Empire Romain du temps de Tibere.Et Corn. Tacite au 3. liure nous apprend que les Epheſiens ſ’attribuoient la natiuité de ces deux Dieux. Voicy par quelles raiſons ils le prouuoient : Les Epheſiens ſe preſenterent les premiers, remonſtrans que Diane & Apollon n’eſtoient pas nez en Delos, comme on croyoit communement : Qu’ils auoient en leur païs la riuiere de Cenchre, & le lac d’Ortyge, où Latone preſte à enfanter, ſ’appuyant contre vn oliuier, qui eſtoit encore en eſtre, eſtoit accouchee de ces Dieux-là : Que par l’aduertiſſement des Dieux cette foreſt auoit eſté conſacree : Qu’Apollon aprés auoir defaict les Cyclopes, ſe ſauua là meſme pour euiter l’ire de Iupiter. Herodote ſuiuant l’auis des Egyptiens, dit que cette-cy & Apollon furent enfans de Cerés, ou Iſis, & de Dionyſe, nourris & éleuez par Latone. Et ſelon cette opinion Æſchyle a depuis appellé Diane fille de Cerés, que les Egyptiens nommoient auſſi Iſis, teſmoing Pauſanias en l’eſtat d’Arcadie. Autres la font fille de Cœe fils de Titan, & de Phæbé. Perpetuelle virginité concedee à Diane, & autres droits par elle obtenus.Or Diane apprehendant les douleurs qu’elle auoit veu endurer à ſa mere lors qu’elle luy ſeruit de ſage-femme, impetra de Iupiter ſon pere de pouuoir à iamais conſeruer ſa virginité, comme le teſmoigne Callimache en la priere qu’elle fait à ſon père :

Sainct Pere donne moy cette prerogatiue,Que vierge indefloree à tout-iamais ie viue.

Elle obtint en-outre le carquois ou trouſſe, & ſoixante filles de l’Ocean pour luy faire compagnie, & vingt autres qui auoient la charge de ſes arcs, fleches, &botines ou brodequins, & de penſer ſes Chiens. Iupiter luy accorda tout cela à ſa requeſte, & la cõmit ſur les chaſſes, chemins & ports, comme nous l’enſeigne Callimache :

Ie mets la venerie ormais entre tes mains,Et veux que tu commande és ports et és chemins.

Pour cette cauſe elle fut dicte Triuie. Et pource qu’elle aimoit fort la chaſſe, elle fut nommee Dictynne, de Dictyon, qui ſignifie vn filé ou panneau. Car Callimache au baing de Diane, dit que les Nymphes l’appelloient ainſi & Ouide au 2. de ſes Metamorph.

Ce temps pendant voicy la Chaſſereſſe ſainteDictynne, du trouppeau de ſes pucelles ceinte,Qui dedans le grand bois de Menale venoit,Et ſelon ſon maintien, tres fiere ſe tenoitD’auoir acrauanté par les traits de ſa trouſſeMaint ſanglier croche-dent & mainte beſte rouſſe.

Les Grecs la nommerent auſſi iocheære, c’eſt à dire aime-fleche, pour la meſme raiſon, & ainſi la qualifie Heſiode en ſa Theogonie :

Phœbus naſquit aprés, & Diane aime-fleche,Les plus exquis de ceux dont l’ame point ne peche.Latone les conceut d’vn amoureux deſirEsbatant chez Iupin ſon immortel plaiſir.

Metamorphoſe de Cẽchrie. On conte qu’vn iour eſtant à la chaſſe elle tua par meſgarde Cenchrie fils de la Nymphe Pirene : & comme Pirene le pleuroit, elle ietta ſi grande quantité de larmes, qu’elle fut conuertie en vne fontaine nommee de ſon nom. Suiet de la commiſfion de Diane ſur la chaſſe.Voicy la raiſon pour laquelle les Anciens ont dict que Diane eſtoit commiſe ſur la venerie. Vne Nymphe Britomartis (ou Britimartys) natifue de Candie, en chaſſant ſe trouua priſe en certains filez qui eſtoient tendus ; deſquels ne ſe pouuant deſpetrer, voyant accourir contr’elle vne beſte ſauuage, elle fit vœu de baſtir à Diane, ſi elle pouuoit eſchapper de là ſaine & ſauue, vne chappelle : ce que depuis elle fit, & la dedia à Diane Dictynne à cauſe deſdicts filez. Les autres aiment mieux dire que c’eſt parce qu’elle prenoit vn ſingulier plaiſir à la chaſſe ; & pour cette cauſe ſon image eſtoit touſiours garnie d’vn arc. Quelques vns adiouſtent que Britomartis fille de Iupiter & de Charmé eſtoit fort és bonnes graces de Diane, pource qu’elle aimoit la chaſſe ; & que comme elle fuyoit deuant Minos qui la couroit à force pour en iouïr à ſon plaiſir, elle ſe ietta dans la mer en des filez qui eſtoient là tendus pour prendre des poiſſons : laquelle fut par Diane miſe au nombre des Dieux. Il y en a auſſi qui veulẽt dire que cette Britomartis inuenta la facon des filez, que les Grecs appellent Dictyon, & que pour cette cauſe elle fut nõmee Dictynne ; ce qui fait croire à quelques-vns que Dictynne & Diane ne ſont qu’vne. Et de faict les Æginetes & Candiots l’adoroient ſoubs le nom de Dictynne & Alpheïe, comme dit Apollodore Cyrenien au liure des Dieux. Homere en l’hymne de Venus dit, que Diane prenoit plaiſir aux dances & aux inſtrumẽts de muſique :

Venus ne put iamais eſchauffer la poictrineDe la chaſte Diane en ſa flame diuine,Quoy qu’elle ait mille appaſts, mille ieux, mille traits,Mille deduits mignards, mille ris, mille attraits,Mille amoureux diſcours, & mille gaillardiſes,Mille benings accueils, mille douces feintiſesDiane prend plaiſir és fleches & carquois,A trauerſer d’un trait la beſte fauue és bois,Elle aime la muſique et les chanſons gentilles,Les dances & le bal, & des iuſtes les villes.Mais elle aime ſur tout l’ombrage des foreſts,A tendre des filez panneaux haliers et rets.

Ayans donc obtenu de Iupiter de demeurer perpetuellement vierge & d’eſtre commiſe ſur les chemins & ports, elle fuioit la hantiſe des hommes, pour eſloigner de ſa perſonne les amorces & les chatoüillemens de la chair, & ne bougeoit guere des bois, ſe conten-tant de la ſuitte, & compagnie de ſes Nymphes & damoiſelles : pourtant fut elle nommee Chaſſereſſe & gardienne des foreſts & montagnes. Ainſi meſme la qualifie Horace au 3. liure des Carmes :

Des monts et bois garde, Vierge Deeſſe,Qui vas trois fois appellee eſcoutantL’angoiſſeux cri des pucelles que preſſeDu flanc la charge, à la mort les oſtant,Trois noms ſainte portant.Et Virgile en l’onzieſme :Chere garde des bois, vierge Latonienne.

D’auantage elle eut la charge des accouchees, à fin qu’elle connuſt quelle quantité de maux elle auoit euité en demandant de garder touſiours ſa virginité, comme on peut veoir en ces vers de Callimache :

Ie n’entreray iamais dedans aucune ville,Sinon pour aßiſter aux Dames de familleSi requiſe i’en ſuis au milieu du tourmentDes trenchantes douleurs de leur enfantement.

Ceremonie des filles Atheniennes deſirans joüir des joyes de ce monde.En vne nuit, Diane eut pluſieurs charges & offices : car les filles d’Athenes qui venoient à ſ’ennuyer de demeurer ſi lõg temp vierges pour euiter le courroux de cette Deeſſe, en la garde & protection de laquelle elles auoient eſté iuſqu’alors, auoiẽt accouſtumé de porter en des paniers certaines offrandes au Temple de Diane, luy demandans pardõ de ce qu’elles changeoient de deſſein : & nulle ne portoit tels paniers qui ne fuſt en aage mariable. Theocrite en ſa Pharmaceutrie.Puis-aprés comme le ventre leur eſtoit groſſi de telle facon qu’elles ne ſe pouuoient plus ſeruir de leur ceinture ou demi-ceint ordinaire, elles la poſoient au Temple de Diane ſurnommee Lyſizone, c’eſt à dire deſtache-ceinture. Ce qui fut cauſe que pour ſignifier vne fille eſtre enceinte, on diſoit qu’elle auoit deſtaché ſa ceinture. Ces vers d’Apollonius au premier liure en font foy :

Ie n’ay point qu’vne fois deſtaché ma ceinture,Lucine m’enuiant toute autre geniture.

c’eſt à dire qu’elle n’auoit eu qu’vn enfant. Agathias Poëte Grec nous apprẽd cette meſme couſtume de conſacrer les ceintures à Diane par les filles enceintes, ainſi qu’elles dedioient encore à Venus des chappeaux & couronnes de fleurs, & à Pallas quelque treſſe ou bracelet de cheueux :

Callirhoé à Pallas donna ſa cheuelure,Des boucquets à Venus, Diane eut ſa ceinture.Car elle auoit n’aguere acquis vn ſeruiteurGentil, braue, tout tel que deſiroit ſon cœur,Qui dedans peu de mois par la faueur diuineLa fit mere paroir de race maſculine.

Charges & offices de Diane.Eſtant donc vray qu’elle faiſoit office de ſage-femme, les Grecs la nommerent Ilythie, & les femmes Latines en leur geſine l’inuoquoient ſous le nom de Iuno Lucine ; c’eſt a ſçauoir Iuno du verbo Iuno, ſignifiant aider, parce qu’elle aidoit & ſoulageoit leurs douleurs ; & Lucine, venant de Lux, c’eſt à dire lumiere, d’autant qu’elle mettoit en lumiere & au monde tous ceux qui naiſſoient. Et quand elle alloit à la chaſſe, on dit qu’elle ſ’habilloit d’vne robe veluë cõme vne mante, de couleur de pourpre, garnie de boucles d’or, qu’elle trouſſoit iuſques au deſſous des iarrets, auec le carquois bien equippé de fleches. Les anciens luy ont donné vn chariot d’or où elle ſe faiſoit tirer par des Biches, teſmoing Callimaches.

Tes armes ſont d’or pur, d’or eſt ton equipage,Domptrice de Titye, & ton riche attellageD’or eſt ton demi-ceint, et les mors et les frainsDont les Biches tirans ton coche tu refrains.

Elle auoit auſſi la charge & le ſoing de la peſche & des peſcheurs, ſelon qu’Apollonidas nous l’apprend en cet epigramme ſur le vœu de ce peſcheur Theris :

Ie te donne Theris pauure peſcheur, Dictyne,Vn anchois, vn barbeau prins en cette marine,Grillez ſur les charbons : ie t’offre puis-aprèsVn plein pot eſcumant iuſqu’aux bords de vin frais,Auec du pain roſty, Recoy donc fauorableCe que ma pauureté te donner eſt capable ;Et fay que deſormais ie puiſſe en mon filéTrouuer grand’ quantité de poiſſon enfilé.Diane, ie ſcay bien que de toy eſt cherieLa ſeime & ce qui tient de l’art de peſcherie.

Pauſanias eſcrit que les Eleens auoient vne image de Diane qui de la main droite tenoit vn Leopard, & de la gauche vn Lion. Dauantage Euripide l’appelle Lucifere ou Porte-iour, & tient qu’elle n’eſt point differente de la Lune, comme nous auons dict. C’eſt pourquoy Callimache luy donne le pouuoir de faire beaucoup de maux à qui il luy plaiſt : comme de faire mourir de clauelee & peſtilence le beſtail de ceux contre leſquels elle ſ’irrite, enſemble de perdre leurs bleds ; tuer leurs enfans, faire auorter leurs femmes, & autre tels effects. Miracles de Diane. Car la Lune peut tout cecy, Plutaque en la vie d’Arat dit que ceux de Pellene ville d’Achaïe auoient vne image de Diane d’vne merueilleuſe efficace : de laquelle on ne tenoit conte le reſte du temps ; mais quand le Preſtre la portoit dehors, elle ne regardoit perſonne, & deſtournoit ſes yeux pour ne voir aucun en face. Car ſon regard n’eſtoit pas ſeulement eſpouuenttable & dangereux aux hommes qu’il rendoit inſenſez ; mais auſſi faiſoit mourir les arbres, ou choir les fruicts par où elle paſſoit. Et Strabon au 12. liure eſcrit qu’en Perſe il y auoit vn Temple de Diane nommé Caſtabalis, où les Religieuſes marchoient ſur les charbons rouges ſans ſe bleſſer les pieds. Herodote en ſa Melpomene dit, que tous les Grecs qui par naufrage arriuoient en la Tauride, eſtoient ſacrifiez à la vierge Diane, ou (ſelon le dire de quelques autres) eſtoient precipitez d’vn lieu fort haut. Quelques-vns diſent que la couſtume eſtoit de leur coupper la teſte, & la pendre au gibet : toutesfois quelques-vns maintiennent qu’on l’enterroit. Aucuns ont penſé que cette Diane Taurique fuſt Iphigenie, fille d’Agamemnon, de laquelle on fait le conte qui ſ’enſuit : Amours d’Alphee enuers Diane & commẽt elle le deceut.On dit qu’Alphee aymant Diane, ſans la pouuoir induire à l’eſpouſer, ny par bonne grace ; ny par prieres, la voulut forcer : mais elle ſ’enfuyant de deuant luy, qui la pourſuiuit iuſques à Letrin, ville d’Elide, l’amuſa, tant que la nuict venuë, elle ſe print à danſer & ioüer auec les Nymphes, & ſe barboüilla le viſage, tant d’elle que de ſes compagnes, auec la bouë, ſi bien qu’Alphee ne la pouuant reconnoiſtre, ſ’en retourna auec ſa courte honte. Alors les Letrins firent baſtir vn Temple qu’ils dedierent à la Diane d’Alphee. Sacrifices de Diane:On luy ſacrifioit des bœufs : & pourtant Plutaque en la vie de Lucine eſcrit qu’en paſſant l’Euphrate il rencontra les bœufs de la Diane de Perſe, qui alloient paiſſans par le pays ſans qu’aucun les gardaſt, marquez d’vne lampe, marque de la Deeſſe. Neantmoins Horace dit qu’on luy ſacrifioit vn Verrat :

Tien ſoit le Pin panchant ſur mon village,Pin ſur lequel vn verrat ſ’effoçantD’vne morſure oblique faire outrage,Ioyeuſement chaſque an ſe finiſſant,I’iray, le ſang verſant.

Voiez le 3. chap. du 7. liu.Les autres diſent qu’on luy preſentoit les premices & le meilleur de tout le reuenu de l’annee. Auſſi quand Oenee, Roy d’Ætalie, offrit les premices aux autres Dieux champeſtres, & mit Diane au rang des pechez oubliez, elle par vengeance ſuſcita le Sanglier de Calydon, grand à merueille, qui fit vn degaſt general par tout le pays d’Oenee, ſelon qu’Ouide le deſcrit au 8. de ſes Metamorphoſes :

Calydon à Theſé de priere ſemblableHumblement demanda ſa vertu ſecourable,Combien qu’elle euſt en main le preux MeleagerFils du Roy Oeneus qui la pouuoit vengerDu rauage inhumain & fureur inſenſeeDu ſanglier venge-honneur de Diane offenſee.Car on dit qu’Oeneus regnant en CalydonAyant vne fois eu de fruits ample rendon,Offrit à chaſque Dieu condignes ſacrifices.Il preſente à Cerés de ſes grains les premices,Il reſerue à Bacchus le raiſin autonnier,A la blonde Pallas du fruict de l’oliuier.Il commence à ces trois autheurs du labourage,Puis tous les autres Dieux guerdonne : mais, peu ſage,Faiſant en recompenſe vn Sacrifice tel,Il oublie encenſer de Diane l’autel.Certainement des Dieux il conuient croire & direQue bien ſouuent ils ſont enflammez de griefue ire.Eſt-il vray (dit Diane en indignation)Ce traict ne paſſera ſans grand punition.S’il ne m’a point rendu l’honneur d’obeyſſance,I’ay bien de me venger d’Oenee la puiſſance.

Voyez liure chap. 2 On luy ſacrifioit auſſi vne Biſche blanche, qu’on penſoit luy eſtre offrande agreable, d’autant qu’elle l’auoit ſubſtituee en la place d’Iphigenie, quand on la voulut immoler. Ce qu’Ouide touche au 1. des Faſtes :

Iadis pour vne vierge vne Biſche tout blancheOn offroit à Diane, or’ de tel ſujet francheSur ſon autel on fait la meſme oblationPour luy ſacrifier d’humble deuotion.

Ceux de Platee auoient accouſtumé deuant que celebrer leurs nopces, d’appaiſer par Sacrifices Diane Euclie, penſans, pource qu’elle eſtoit vierge, qu’elle hayſt les mariages. Plutaque en faict mention en la vie d’Ariſtide. Deſcriptiõ du tẽple de Diane en Epheſe.Le plus ſuperbe & magnifique Temple qu’elle euſt, eſtoit celuy d’Epheſe, qui par l’eſpace de deux cens & vingt ans auoit eſté tres-richement baſty, ſelon l’architecture de Cherſiphron, toute l’Aſie contribuant aux fraiz. Il auoit de long quatre cens vingt cinq pieds : & de large deux cens vingt, & cent vingt ſept colomnes dreſſees par autant de Roys, d’vne admirable longueur & beauté. Car elles auoient enuiron ſoixante pieds de long deſquelles il y en auoit trente ſix grauees & eſtoffees d’vn artifice incroyable & ſi exquis, qu’il ne ſe pouuoit rien voir de plus ſomptueux, auec des chapiteaux accommodez d’vne incomprehenſible adreſſe. Il y auoit des peintures excellentes & de tres-belles ſtatuës, ſelon qu’il conuenoit pour l’ornement & magnificence du Temple. Tout ce beau baſtiment fut bruſlé par vn Epheſien nommé Heroſtrate, afin que par ce moyen il fiſt qu’on parlaſt eternellement de luy, ne pouuant par valeur ny eſprit acquerir aucune reputation. Or cela auint enuiron le ſixieſme iour de Iuin, iour de la natiuité d’Alexandre le Grand, comme dit Plutaque en ſa vie. Mais afin que ce poltron ne jouyſt de l’eſperance qu’il auoit par vne ſi maudite meſchanceté conceuë, les Epheſiens defendirent ſur groſſes peines & amendes, de nommer en facon quelconque, ny en bien, ny en mal, le nom d’Heroſtrate. Strabon au 14. liure dit qu’apres l’embraſement de ce beau & riche Temple, les Epheſiens en baſtirent vn autre non moins magnifique, faiſans racouſtrer les premieres colomnes, contraignans les Dames de donner leurs bagues, joyaux & dorures, outre vne infinité de biens & richeſſes qu’ils mirent en commun, chacun ſe cottiſant en particulier pour fournir aux frais & deſpenſes neceſſaires à tel ouurage. Dione inuoquee par les ſorcieres.Les Sorcieres en leurs ſacrifices ſouloient inuoquer Diane, comme teſmoigne Horace au liure des Epodes :

O (dit elle) qui m’eſtes,Des choſes que ie fay ſecrettes,Vous deux teſmoings non indignes de foyNuict & Diane qui le coySilence vas regiſſant és myſteresQue font en ſecret les ſorcieres.

Elle eut pluſieurs ſurnoms empruntez, tant des lieux où elle eſtoit ſeruie & adoree, que de ceux qui luy baſtirent des Temples ; & ſelon diuerſes rencontres qui ſe preſentoient, chaſque nation luy bailloit tel nom que bon leur ſembloit.

Mythologie de DianeOr cecy ſuffira quant à Diane. Et pour en tirer le vray ſens, il faut ſçauoir qu’elle eſt dite fille de Iupiter & de Latone, & ſœur d’Apollon, d’autant que Latone, laquelle Platon dit auoir eſté ainſi nommee d’vn mot ſignifiant douceur & clemence ; peut auſſi auoir tiré ce nom d’vn autre mot qui vaut autant à dire que ſe muſſer, ou tenir caché, parce qu’Apollon & Diane ſont nais des tenebres, c’eſt à dire d’vne confuſion & meſlange de choſes. Leur pere eſt Iupiter, qui les a tirez hors de cette matiere, à ſçauoir Dieu, Pere & Gouuerneur de l’Vniuers, comme nous auons dit. Les autres rapportans cecy aux mœurs, ont penſé que Latone fuſt l’oubly des iniures & des outrages receus. Les autres alleguent cette raiſon, que ceux qui tiennent de la Lune ſont oublieux, pource qu’ils ont le cerueau fort humide. Elle eſt touſiours vierge, d’autant que l’acte venerien faict beaucoup de tort à telles gens, attendu que leur nature ſ’entretient & ſe conſerue fort bien par la chaſſe & autres exercices qui aident à la chaleur naturelle. Les autres la font fille de Dionyſe & de Cerés, quelques-vns de Cœe & de Phœbé, ayans neantmoins tous eſgard au naturel de la Lune, & ſçachans bien que Dionyſe & Cœe & Titan n’eſtoient autres que le Soleil ; & que l’on appelle Cerés tantoſt la terre, tantoſt les plus groſſiers corps, tel que le corps de la Lune paroiſt. Or d’autant que la Lune luit aux deſpens de la lumiere d’autruy, c’eſt à bon droit qu’elle eſt dicte fille du Soleil, & d’vne groſſe matiere. On luy a donné la garde des chemins & des montagnes, parce que de nuict elle eſclaire aux voyageurs & chaſſeurs : & pour cette raiſon elle eſt auſſi nommee Porte-iour. Elle aſſiſte aux femmes qui ſont en couche, pource que l’abondance d’humeurs ayde & auance l’enfantement : & plus elle eſt forte, comme quand elle eſt pleine, plus aiſément les femmes accouchent. Les Anciens luy font porter l’arc & les fleſches, à cauſe des douleurs & des trauaux que les femmes ſentent en leur enfantement, qui comme fleſches acerees les percent iuſques au coeur. Et d’autant que ſon naturel eſt d’humecter ou ramoitir, & que la peſtilence ne ſ’engendre point ſans abondance d’humeurs ; c’eſt pourquoy Callimache dit qu’elle cauſe la peſte, & le Pin luy eſt dedié, parce que cet arbre eſt du temperament de la Lune. Les Anciens auſſi ſ’esbahiſſans de ſa viſteſſe, l’ont equipee d’ailes, & l’ont fait porter ſur vn carroſſe par des Biches toutes blanches ; d’autant que le blanc eſt ſur toutes couleurs approprié à la Lune : & pourtant entre les metaux l’argent luy eſt dedié. Or laiſſons Diane pour paſſer aux champs Elyſiens.