Transcription Transcription des fichiers de la notice - <em>Mythologie</em>, Paris, 1627 - IV, 01 : Pourquoy les Anciens ont creu que Lucine assistoit aux femmes en leurs accouchemens Conti, Natale 1627 chargé d'édition/chercheur Équipe Mythologia Projet Mythologia (CRIMEL, URCA ; IUF) ; projet EMAN, Thalim (CNRS-ENS-Sorbonne Nouvelle) PARIS
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1627 Fiche : Projet Mythologia (CRIMEL, URCA ; IUF) ; projet EMAN, Thalim (CNRS-ENS-Sorbonne Nouvelle). Licence Creative Commons Attribution – Partage à l’Identique 3.0 (CC BY-SA 3.0 FR)
Paris (France), BnF, NUMM-117380 - J-1943 (1-2)
Français

MYTHOLOGIE,

OV,

EXPLICATION DES FABLES.

LIVRE QVATRIESME.

SOMMAIRE DES CHAPITRES. I. Pourquoy les Anciens ont creu que Lucine aßiſtoit aux femmes en leurs accouchemens. II. De Lucine. III. Des Penates. IV. Du Genie. V. Des Bares. VI. De Pallas. VII. De Promethée. VIII. D’Atlas. IX. D’endimion. X. De la Fortune. XI. D’Apollon. XII. D’Eſculape. XIII. De Chiron. XIV. De Venus. XV. De Cupidon. XVI. Des Graces. XVII. Des Heures.

Pourquoy les Anciens ont creu que Lucine aſsiſtoit aux femmes en leurs accouchemens.

CHAPITRE PREMIER.

IE PENSE auoir és liures precedens monſtré qu’en partie les affections & penſers qui ſe forment és cœurs des hommes mourans : en partie les forces & proprietez des elemens & des corps celeſtiels, qui ſe tranſmettent d’enhaut és corps inferieurs, ont eſté par les Anciens qualifices de noms & tiltres diuins, voire meſme ſeruies & honorees en guiſe de Dieux & Deeſſes. Mais pource que le fil de noſtre diſcours nous a conduits iuſqu’à ce poinct, de dire que toutes choſes prennent fin, & que derechef aprés quel- que nõbre d’annees elles reprennent vie, & que ſelon Pythagore, les ames paſſent en d’autres corps que ceux qui leur ont pour la premiere fois ſeruy de domicile (leſquelles choſes eſtoient premierement ſous la charge & commiſſion de Lucine) il eſt bon d’eſplucher deſormais les raiſons qui ont induit ces honnes gens à croire que Lucine aſſiſtaſt aux femmes eſtant en trauail d’enfant. Fondement de ce diſcours.Il nous faut en tout ce diſcours poſer pour fondement ce que nous auons dict cy deſſus, que les Grecs (l ayans appris en l’eſchole des Egyptiens) tenoiẽt pour Dieux le Soleil, la Lune, & les autres Eſtoilles que nous voyõs à l’œil auoir force & puiſsãce ſur la diſpoſition des ſaiſons : & les pacifioient ſelon qu’ils cuidoient eſtre expedient, par parfums, encens, chanſons, & odeurs des beſtes qu’ils bruſloient ou roſtiſſoient en leur honneur. Etimologie de Lucine, & ſes effects.Or voyans que la Lune apportoit beaucoup de ſoulagement aux femmes qui accouchoient, les vns ont deduit le nom d’icelle du mot de Lumiere ; les autres ont eu eſgard à ſes effects, parce qu’elle ne ceſſe de tournoyer & circuir au deſſus de nous auec vn mouuement viſte à merueilles. Les Phyſiciens en ont donné d’autres raiſons ; & les Aſtronomes, d’autres. Quant aux Phyſiciens, ils ont enſeigné que la Lune preſidoit aux enfantemens, pource que par ſon ayde le part ſe facilite & s’auance ſelon que l’humeur a de force, veu que c’eſt par le moyen d’icelle que l’enfant croiſt & groſſit dans la matrice : à quoy faire le Soleil & la Lune peuuent beaucoup. Vertu de la Lune à l’endroit des humeurs.Car ie croy que pour peu de ſçauoir que l’on ait, on ſçait bien que par le moyen de la Lune les humeurs croiſſent & ſe renforcent ; la vertu de laquelle ſe deſcouure en pluſieurs choſes, mais principalement és hiſtoires & autres poiſſons à eſcaille, leſquels ſelon le cours de la Lune, croiſſent ou decroiſſent ; comme fait auſſi la moële dans les os. Il y a dauantage, c’eſt que le terme d’enfanter venu, les membranes contiennent auec l’entant dans la matrice vne quantité d’humeur reſemblant à du meſgue ; qui fait que le ventre s’enfle & s’efforce à vuider cette humeur auec l’enfant, & puis que la Lune eſt la planette qui gouuerne les humeurs, on tient qu’elle y fait beaucoup : & pourtant on a creu qu’elle auoit la charge & la commiſſion de ſecourir les femmes en leur geſine. Quant à ceux qui ont eu opinion que toutes les choſes de ce monde dependoient de la puiſſance des aſtres, ils ont rapporté toutes les cauſes ſuſdites à des raiſons priſes de l’Aſtrologie. L’enfant au ſeptiéme mois est accompli, & peut viure, & le moyen.Car ceux qui ont creu la connoiſſance des corps celeſtes, ont enſeigné qu’au ſeptieſme mois l’enfant eſt parfaict & accomply, lequel mois eſt dedié à la Lune ; & pour ce regard elle preſide à bon droit és accouchemens. Or voicy commẽt cela ſe fait. Le premier mois apres la conception eſt à Saturne, qui par ſa froidure & ſeichereſſe fait que la ſemence qui couloit comme de l’eau, s’eſpaiſſit, ſurſied ou prend arreſt. Puis apres le mois ſuiuant vient Iupiter, qui par ſa chaleur & humeur la nourrit ſelon qu’elle a beſoin de force pour cognoiſtre & s’eſtendre ou eſlargir ; car ſi la nature du premier planete duroit longtemps, elle empeſcheroit que les lineamens & premiers traits ne ſe peuſſent former. Au troiſieſme mois, Mars en prend la charge, qui par ſa chaleur naturelle deſſeche les humeurs ſuperfluës, & eſchauffe l’enfant, & cõmence à luy donner mouuement & le faire bouger ; car la faculté chaude & ſeiche eſt tres-propre à cet effect. Celuy qui puis aprés reçoit en ſa garde l’enfant, c’eſt le Soleil, Prince & gouuerneur de tous les aſtres & de l’Vniuers, qui luy donne beaucoup de vigueur, & n’apporte pas peu pour l’augmentation de ſa vie. Venus luy ſuccede, qui tempere la chaleur & ſechereſſe de Mars & du Soleil par ſa force qui leur eſt contraire, & donne beaucoup plus d’accroiſſement à l’enfant que les ſuſdits ; & lors il commence a eſtendre ſes membres en forme conuenable à la creature humaine. Mercure conſequemment prend cet affaire en main, qui deſſechant tout ce qu’il y a de ſuperflu, tempere auſſi & aſſaiſonne les qualitez, & diſtingue plus à plein toutes les parties du corps, & luy donne vne forme mieux agencee. Mais le ſeptieſme mois eſt dedié à la Lune, qui par ſon humeur nourrit ſi bien le fruict du ventre, qu’en ce terme là il eſt parfaict & accomply, & capable de viure s’il vient deſlors à ſortir de la matrice. Que s’il y a encore quantité d’humeur, & que la reſpiration que l’enfant tire par le nombril de ſa mere (de façon qu’il ſe peut paſſer d’en prendre par la bouche d’icelle) n’eſt encore aſſez ſuffiſante & forte, naturée, tres-bonne & tres-ſage diſpenſiere & gouuernante de tels viures, prolonge l’enfantement iuſqu’au neufieſme mois : mais ſi l’humeur luy manque, & qu’il ne tire pas aſſez d’air par le nombril, & ſi le ventre de la mere eſt maniable & mol, comme eſt ordinairement celuy des femmes qui accouchent, alors l’enfant naiſt au ſeptieſme mois, & peut viure. Et pourtant ſoit que nous regardions aux forces & proprietez des planetes, ſoit que nous conſiderions les raiſons naturelles, en toutes facons l’humeur de la Lune ſeruira beaucoup pour mettre au monde l’enfant formé au ventre de ſa mere. Mais d’autant que nous auons expoſé les cauſes qui ont eſmeu les Anciens à donner à Lucine tant de vertu, & vne charge ſi honorable, il eſt temps d’entrer en la recherche de ce qu’ils nous ont laiſſé dans leurs eſcrits.