Transcription Transcription des fichiers de la notice - <em>Mythologie</em>, Paris, 1627 - IV, 04 : Du Genie Conti, Natale 1627 chargé d'édition/chercheur Équipe Mythologia Projet Mythologia (CRIMEL, URCA ; IUF) ; projet EMAN, Thalim (CNRS-ENS-Sorbonne Nouvelle) PARIS
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1627 Fiche : Projet Mythologia (CRIMEL, URCA ; IUF) ; projet EMAN, Thalim (CNRS-ENS-Sorbonne Nouvelle). Licence Creative Commons Attribution – Partage à l’Identique 3.0 (CC BY-SA 3.0 FR)
Paris (France), BnF, NUMM-117380 - J-1943 (1-2)
Français

Du Genie.

CHAPITRE IV.

Genealogie & naiſſance du Genie.PAVSANIAS en l’Eſtat d’Arcaïe dit que le Genie eſtoit fils de Iupiter & de la Terre. Il naſquit ſans compagnie de femme, de la ſemence que Iupiter laiſſa choir vne fois en terre en dormant : & auoit bien forme humaine, mais de ſexe ambigu, & fut depuis nommé Agdiſte.Ses ſacrifices. Car quand les Anciens luy ſacrifioient, ils eſpandoient force fleurs par terre, & luy preſentoient du vin en des taſſes, comme le declare Horace au 2. des Epiſtres :

Ils ſe rendoient propice La Terre, en luy offrant vn Porc en ſacrifice : Syluain, offrans du laict : et offrans fleurs et vin, Genie, à qui ſouuent que toſt l’aage prend fin.

Offices & commiſſions. Entre les arbres le Plane luy fut dedié. Les Anciens croyoient que chaſque homme dés qu’il eſtoit né auoit deux Demons : l’vn bon, l’autre mauuais, qui le prenoient en leur protection & tutelle, & les appelloient Genies, & penſoient qu’ils naſquiſſent quand & quand l’homme.Hiſtoire d’vn Genie combatu & vaincu. Pauſanias eſcrit que lors que ceux de Temeſſe tuerent l’un des compagnons d’Vlyſſe il leur fut faict commandement de vouër tous les ans, tant que la calamité affligeroit leur pays, à l’eſprit ou ame du treſpaſſé l’vne des plus belles filles qui ſe pourroient trouuer. Or Euthyme, celuy qui à la 75. Olympiade emporta le prix à l’eſcrime à coups de poing, eſtant arriué là, & ayant obtenu permiſſion d’entrer dans le Temple, il vid vne belle ieune fille qui n’atten-doit que l’heure qu’on la veint eſgorger, de laquelle il eut pitié, & qui plus eſt fut eſpris de ſon amour, aprés auoir tiré d’elle promeſſe de l’eſpouſer, ſi par ſa valeur elle eſtoit deliuree, & pouuoit eſchapper le danger qui la menaçoit de ſi prés. Alors les armes au poing, il s’en va combattre le Genie dudit compagnon d’Vlyſſe, qui luy apparut ; lequel finalement vaincu s’enfuit non ſeulement hors de la ville de Temeſſe, mais auſſi de tout le pays, & finalement ſe jetta dans la mer. On dit qu’il eſtoit merueilleuſement noir, au reſte d’vne forme tres-hideuſe & eſpouuenttable ; & quand il paroiſſoit, il ſe couuroit d’vne peau de loup.

Etymologie du Genie.Le mot de Genie eſt venu d’engendrer, ou d’autant qu’il eſt engendré quand & quand l’homme, ou pource qu’on penſoit que la charge de ceux qui eſtoient engendrez, luy fuſt diuinement baillee. On croyoit que tels Demons tantoſt conſeillans, tantoſt deſconſeillans, gouuernaſſent entierement toute la vie de l’homme, & tinſſent en leur puiſſance l’eſprit & plaiſir des perſonnes ; & qu’ils ſe repreſentaſſent comme en vn miroir les images & ſemblances des choſes qu’ils vouloient perſuader: eſquelles images & ſemblances l’ame venant à ſe mirer, ſe repreſente des choſes, deſquelles examinees auec raiſon, l’eſprit prend vne bonne reſolution. Mais ſi quelqu’vn mettant en arriere la raiſon, ſe laiſſe aller à l’appetit des mauuaiſes apparitions & viſions, il ne ſe peut faire qu’il ne tumbe en de grandes erreurs, principalement ſi de telles viſions & ſemblances viennent de la part des mauuais eſprits. Parquoy pluſieurs deuiennẽt voluptueux & deſbordez, ou cruels, ou auaricieux ; tous leſquels vices on impute au Genie.Genie de Socrates. Ainſi l’a creu Euclide de Socrate ; & Platon fait bien ſouuent mention du Demon de Socrate, ſon conſeiller.De Brutus. Or que le Genie ait eſté vn Demon, Plutarque le teſmoigne, diſant en la vie de Brutus qu’il luy apparut vne nuict : Comme il diſcouroit à part ſoy de quelque affaire, il luy ſembla auoir ſenty entrer quelqu’vn en ſa chãbre, ainſi donc iettant la veuë vers la porte, il apperçoit vne hideuſe, eſpouuenttable & monſtrueuſe forme ſe preſentant à luy ſans dire mot. Brutus eut bien le courage de l’interroger : Qui és tu (dit-il) ou des Dieux ou des hommes ? & que viens-tu cercher icy ? A quoy ce phantoſme reſpondit comme en grommelant ; Ie ſuis ton mauuais Genie, ô Brutus : tu me verras à Philippes, Et bien (dit Brutus ſans s’eſtonner de rien) ie t’y verray. Et quand ce demon fut diſparu, Brutus appelle ſes ſeruiteurs, qui l’aſſeurerent de n’auoir ouy aucune voix, ny veu choſe quelconque. Opinions touchant le Genie.Quelques-vns ont creu que l’on a tiltré du nom de Genie cette proportion d’élemens qui cõſerueles corps voire meſme tout ce qui a vie. Les autres cette force & vertu de planetes qui cachément nous pouſſe à la generation.Demons Genies. Car ces Demons-là furent premierement nommez Gerules (cõmequi diroit porte-faix) puis-aprésGenies. Au reſte ce n’eſtoit pas ſeulement les creatures humaines qui auoient leurs Genies, mais auſſi les plantes, baſtimens & places, comme on recueille de Virgile au 7. liure :

Ce dict, vn rameau verd autour ſon chef il plie, Les Nymphes inuoquant, & du lieu le Genie, Et la Terre qui tient entre les plus grands Dieux Le premier rang et puis les fleuues ſinueux Encores inconnus–

Mais d’autant que la proportion des élemens imprime en nous des mœurs ſelon qu’elle eſt bonne (ce qu’auſſi l’on penſe, que faſſe la vertu des Eſtoilles) ce que nous faiſons, contrains par quelque externe neceſſité, & non point volontairement, nous le faiſons malgré le Genie ; & le trompons, ou luy agreons & ſommes indulgens, lors que nous ſouſtrayons à noſtre volonté ſes plaiſirs, ou bien les luy accordons.Pourquoy le front eſt dedié au Genie. Le front eſtoit, entre autres parties du corps humain, dedié au Genie, parce que cette partie eſt ordinairement la montre en laquelle on void ſi nous faiſons quelque choſe ou à contre-cœur, ou volontairement & de bon gré : & ſi nous ſommes ioyeux ou triſtes.