Transcription Transcription des fichiers de la notice - <em>Mythologie</em>, Paris, 1627 - IV, 13 : De Chiron Conti, Natale 1627 chargé d'édition/chercheur Équipe Mythologia Projet Mythologia (CRIMEL, URCA ; IUF) ; projet EMAN, Thalim (CNRS-ENS-Sorbonne Nouvelle) PARIS
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1627 Fiche : Projet Mythologia (CRIMEL, URCA ; IUF) ; projet EMAN, Thalim (CNRS-ENS-Sorbonne Nouvelle). Licence Creative Commons Attribution – Partage à l’Identique 3.0 (CC BY-SA 3.0 FR)
Paris (France), BnF, NUMM-117380 - J-1943 (1-2)
Français

De Chiron.

CHAPITRE XIII.

Genealogie de Chrion.CHIRON precepteur d’Æculape, d’Hercule, Iaſon, Caſtor & Pollux, d’Achille & autres Princes, ſelon le dire de diuers Autheurs, a eu diuers peres & meres. Ouide au 6. des Metamorphoſes, le fait fils de Saturne ſelon qu’il eſtoit pourtrait en la toile d’Arachné :

Saturne elle pourtraict en ſon ouurage, & comme Il engendra Chiron my-cheual & my-homme.

Apollonius au 1. liure des Argo-Nochers luy donne Philyre pour mere. Car on dit que Saturne eut affaire en l’iſle de Philyre auec vne Nymphe, fille de l’Ocean, nommee Philyre, lequel craignant que Rhee ſa femme ſuruenant ne le ſurpriſt en cet adultere, ſe tranſmua en forme de cheual : & de ce concubinage naſquit vn enfant monſtrueux nommé Chiron, qui depuis le nombril en haut auoit forme d’homme ; & de là en bas, de cheual, teſmoin le meſme Apollonius, parlant des Argo-Nochers :

En fin ſinglans les flots de la plaine liquide, Ils viennent prendre terre en l’iſle Philyride, Où Saturne iadis, comme encor il eſtoit Tenant ſon ſceptre és cieux, et que Iupin tettoit Par le ſoing des Curets ſous l’Ide cauerneuſe, Embraſſa Philyré d’vne flame amoureuſe. Mais il ne pût ſa fraude à ſa femme couurir, Qui vint ſecrettement ces amants deſcouurir, Sans leur donner loiſir d’acheuer leur carriere. Lors ſe voyans ſurpris, l’vn verſe ſa criniere Sur ſon col cheualin, et fait tout retentir D’vn clair henniſſement : l’autre d’vn repentir Vergogneux rougiſſant colore ſon visage, Qui luy fait renoncer l’iſle & le payſage. Elle fait ſa retraitte és Pelaſges coutaux Vertement ombragez de cheſnes & fouteaux. Icy naſquit Chiron d’vn part à double forme, En haut ſemblable aux Dieux ; en bas, cheual difforme.

Voiez liure. 9. chap. 11.La Nymphe de deſplaiſir & de regret, partie d’auoir fait vn fils de ſi eſtrange figure, partie de ſe voir par l’indignation de Rhee contrainte d’abandonner ſa patrie pour viure en vn perpetuel & ennuyeux exil, requit aux Dieux de la vouloir muer en forme autre qu’humaine. Ainsi fut-elle transformee en vn arbre que nous appellõs Tilleul. Toutefois Suidas a opinion que Chiron & les autres Centaures ſoiẽt enfans d’Ixion. On dit qu’il eſpouſa Chariclo fille d’Apollon, ou de l’Ocean, ou de Perſes, ſelon l’opinion de quelques-vns, laquelle comme les Argenauchers abordoient au riuage où ſe tenoit Chiron, print entre ſes bras le petit Achille, qui leur auoit eſté donné pour le nourrir & eſleuer, & courut au port pour le faire voir à ſon pere Pelee, qui eſtoit de la troupe.Quel a eſte Chiron. Staphyle au liure qu’il a faict de la Theſſalie, dit que Chiron fut vn perſonnage fort adonné & bien entendu en l’Aſtrologie, & de grande ſageſſe, qui voulant faire acquerir beaucoup de reputation à Pelee, fit venir à ſoy la fille d’Actor Myrmydon, & luy fit entendre qu’il falloit faire courir le bruit que Pelee fils d’Æaque & de la Nymphe Daïs, frere de Télamon & de Phoque, deuoit par la permiſſion de Iupiter eſpouſer Thetis : & que les Dieux ſe trouueroient aux nopces auec vne groſſe pluye & tempeſte. Ce qu’ayant ainſi accordé, il eſpia le temps & le iour auquel couroit vn vent impetueux, accompagné de groſſe pluye, & fit eſpouſer Philomele à Pelee, & dés lors le bruit courut que Pelee auoit eſpouſé Thetis. Toutesfois d’autres diſent que Pelee abſous & purgé du meurtre de ſon frere Phoque qu’il auoit tué par hazard, en iettant la pierre, eſpouſa Antigone fille d’Actor, non pas Thetis. D’autres encore disent qu’il eſpouſa en premieres nopces Antigone : & cette-cy morte, Thetis. Puis aprés Chiron eſtant venu en aage, ſe retira és ſolitudes des bois & montagnes, notamment du mont Pelion, & s’adonna à la recherche des herbes, & de leurs vertus, & prattiqua le premier leurs facultez & pource qu’il y proufita tant qu’il en acquit beaucoup de gloire, ioint auſſi que par vne ſinguliere perfection, d’vne main fort legere il penſoit les vlceres, il fut nommé Chiron, du mot Cheir, qui ſignifie la main. Car c’eſt bien l’vne des plus grandes graces dont puiſſe eſtre doüé le Chirurgien, d’auoir la main legere pour manier doucement vne playe. Chiron eut de la Nymphe Chariclo vne fille nommee Ocyrhoé, ainsi dicte pource qu’elle naſquit ſur le riuage d’vn fleuue rapide, teſmoin Ouide au 2. des Metamorphoſes :

Le Centaure Chiron auoit lors vne fille, Laquelle Chariclo, iadis Nymphe gentille, Enfanta ſur le bord d’vn fleuue de renom, Et pour ce luy donna d’Ocyrhoé le nom.

Il en eut encore vne autre de ſa femme Philyre, nommee Endeis ; & vn fils, Charicle, de la Nymphe Piſidice. D’auantage on luy donne cette loüange, d’auoir le premier rangé les mortels à iuſtice, & montré la forme des iugemens & du ſerment ; les Sacrifices & les ſolemnitez des feſtes ; en ſomme, tout l’ordre & façon de faire du ciel, c’eſt à dire de la Religion & du ſeruice diuin & pour ce le nomme-on la perle des Anciens heros. On dit que dés qu’il eut commencé à hanter les bois, Diane luy apprit l’art de venerie : & qu’outre la cognoiſſance qu’il eut des choſes celeſtes, il ſçauoit fort bien ioüer de la harpe, iusques à guerir par ce moyen quelques maladies, comme diſent Staphyle en l’hiſtoire Theſſalique, & Boëce en ſa muſique. Liure 7. chap. 2.Hercule (ce dit-on) apprit de luy l’Aſtrologie : comme nous dirons ailleurs. Et comme quelque temps aprés Hercule tirant pays logeoit chez ce bon homme, il vint à manier les fleches d’iceluy, frottees du ſang & du venin de l’Hydre de Lerne, deſquelles il en laiſſa choir par meſgarde vne ſur ſon pied gauche, qui luy cauſa vne douleur inſupporttable : toutesfois n’en pouuant mourir, pource qu’il eſtoit né d’vn pere immortel, il ſe prit à requerir les Dieux de luy faire cette grace de pouuoir finir ſa vie. Ce qu’ayant obtenu par la miſericorde de Iupiter, il fut mis au nombre des eſtoilles, ſuiuant Hygin au liure des eſtoilles. Or ſa fille Ocyrhoé luy auoit auparauant predit cet inconuenient, comme on void en Ouide au 2. des Metamorphoſes, deuant qu’elle fuſt transformee en iument :

Et toy, mon pere cher, à qui la deſtinee N’a de limite aucun la vie terminee, Voudras pouuoir mourir lors que ton corps atteint Tu ſentiras d’vn dard au ſang de l’Hydre teint. Meſmes les Dieux rendront ta naiſſance immortelle, Et paßible & ſubiette à la vie mortelle.

C’eſt le signe du Sagittaire.Chiron fut donc conuerty en l’vn des douze ſignes du Zoidaque, qui retient encore pour le iourd’ huy le nom de cette fleche ; & le forme-on de ſorte qu’il ſemble vouloir montrer la fleche tiree de ſa playe. Or pource qu’il auoit eſté fort religieux & fidele ſeruiteur des Dieux, on dit qu’on luy fit vn Autel deuant ſes yeux aprés qu’il fut colloqué entre les eſtoilles, pour teſmoigner à iamais ſa religion & pieté. Mneſagoras dit qu’il ne fut pas bleſſé, mais que s’ennuyant de viure trop longuement, il demanda aux Dieux de pouuoir mourir. Toutefois Achee & Eraſiſtrate maintiennent que Chiron ne mourut pas de cette playe, mais qu’il ſe guerit y appliquant d’vne herbe dont il auoit eſté l’inuenteur, qui ſe nommoit pour cette raiſon Centaure, autrement Rheupontique ; de laquelle fait mention Virgile au 4. des Georgiques :

& le Thym de l’Attique, Et l’herbe fort-ſentant qu’on nomme Rheupontique.

Et Lucrece au 2. liure :

—la forte Rheupontique Qui d’vne orde ſaueur la boucne poind & pique.

Car elle eſt amere, & de forte odeur, & la premiere & plus ſimple des Anciens eſtoient racines & fueilles d’herbes, par leſquelles ils gueriſſoient beaucoup de maladies : teſmoing ce paſſage d’Homere :

—il y iette vne forte racine La broyant en ſes mains.

Mythologie phyſique de Chiron.C’eſt ce que nous auons appris des Anciens touchant Chiron. Or eſt-il fils de Saturne & de Philyre, pource que comme ainſi ſoit qu’on le tient pour inuenteur de la Medecine & Chirurgie, cette cognoiſſance eſt nee du temps & de l’experiance. Car nous ſçauons que Saturne n’eſt autre choſe que le temps : & Philyre ſe peut extraire de deux mots Grecs, dont l’vn, à ſçauoir Philé, ſignifie amie ; l’autre, à sçauoir peira, ſignifie experience, ainsi donc la mere de l’inuention de la Chirurgie eſt dicte Philyre ou pluſtoſt Phileire. Car ſi du mot de peira, vous oſtez la premiere lettre, & que des deux ſimples vous en faciez vn composé, vous aurez le nom de Phileire. Car la Medecine Empirique a eſté deuant la theorique. Ocyrhoé fut ſa fille, pource que cet art fait neceſſairement voye aux humeurs corrompuës, leſquelles tant plus aisément & plus viſtement elles s’eſcoulent, tant plus ſoudainement la playe eſt gueriſſable. C’eſt ce que ſignifie le mot d’Ocyrhoé, à ſçauoir, qui s’eſcoule viſtement & promptement. Et de faict pour faire court, le principal poinct de la Medecine conſiſte à bien euacuer les mauuaiſes humeurs : pour à quoy paruenir il faut premierement auiſer que par bon regime & vie bien reglee noſtre corps ſoit vuide de telles humeurs ; car plus il en ſera net & purgé, plus aiſément coulerons-nous le cours de cette vie : puis-aprés ſi le corps eſt mal habitué, il faut faire en ſorte que les mauuaiſes humeurs puiſſent trouuer paſſage pour s’eſcouler. Explication des deux formes de Chiron.Chiron fut partie homme, partie cheual ; pource qu’il enſeigna le premier l’vſage de monter à cheual, inſtruiſant ſes Eſcuyers en la congnoiſſance des ſimples, pource auſſi qu’il eſtdoit l’vſage de ſa ſcience & Chirurgie non ſeulement ſur les hommes, mais auſſi ſur les animaux, & principalement ſur les beſtes cheualines. Pour- ſes parens eſtoient immortels. On dit que ſes pere & mere eſtoient immortels, d’autant que cette cognoiſſance eſt comme infinie, que l’eſprit de l’homme n’a peu encore rendre parfaite ny accomplie. Et aprés auoir veſcu beaucoup de centaines d’annees, il obtint de Iupiter de pouuoir vn iour mourir, pource que bien ſouuent toutes les ſciences & les cognoiſſances que l’homme peut auoir en ce monde ſe changent par ſucceſſion de temps : leſquelles eſtans paruenuës à leur perfection, en tant que l’eſprit en eſt capable, viennent puis-aprés à decroiſtre & s’abaſtardir, comme toutes autres choſes. Pourquoy il fut placé entre les Eſtoilles.Il fut ſitué entre les eſtoilles, d’autant que les anciens ſouloient dreſſer des Autels à ceux qui auoient employé leur vie & leurs moyens pour l’auancement, la conſeruation & l’aide du public : leſquels ils plaçoient aprés leur mort entre les Dieux, ou pour le moins entre les Eſtoilles : & vouloient faire croire que cela n’amoindriſſoit en rien la Religion, & ne derogeoit point à l’honneur & au ſeruice de leurs Dieux : pour inciter les autres hommes à ſuiure l’exemple de ces Heros, & s’adõner à probité, puis que Dieu vient en fin ſoulager les afflictions d’vn homme de bien & entier de conſcience, & luy donne en recompenſe vne incomparable perpetuelle gloire & felicité. Quelques-vns neantmoins ont eſtimé que Chiron auoit adiouſté aux inuentions de ſon pere la Chirurgie, & la recognoiſſance de certaines racines & ſimples, & beaucoup de potions & bruuages : & tant auança la medecine, qu’il fut reputé en eſtre le prince, l’inuenteur & le Dieu. Voila quant à Chiron : diſcourons deſormais de Venus, mere de toutes choſes.