Transcription Transcription des fichiers de la notice - <em>Mythologie</em>, Paris, 1627 - IV, 17 : Des Heures Conti, Natale 1627 chargé d'édition/chercheur Équipe Mythologia Projet Mythologia (CRIMEL, URCA ; IUF) ; projet EMAN, Thalim (CNRS-ENS-Sorbonne Nouvelle) PARIS
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1627 Images : BnF, Gallica
Paris (France), BnF, NUMM-117380 - J-1943 (1-2)
Français

Des Heures.

CHAPITRE XVII.

Parens & noms des Heures.IL n’y a point, ou pour le moins peu de doute des parens & noms des Heures ; car preſque tous conſentent qu’elles ſont nees de Iupiter & de Themis ; entre autres Heſiode en ſa Theogonie, diſant que Iupiter l’eſpouſa en ſecondes nopces : & les nomme Eunomie, Dicé, Irene, l’vnanime obſeruation des bonnes loix, la iuſtice & la paix : qui conduiſent tous les ouurages des hommes à vne deuë maturité, chaſcun en ſaiſon opportune. Orphee adiouſte qu’elles naſquirent au primtemps, & les appelle floriſſantes, aymans la prairie, pure-nettes, riolle-piollees de toutes couleurs ; d’odeur tres-ſouëfues parmy les herbes en fleur : Heures touſiours verdoyantes, de gay & ioyeux viſage : veſtuës de ſurcots degouttans la roſee des fleurs delecttables : Compagnes des folaſtreries de Proſerpine, toutes les fois que les Parques & les Graces la ramenerent icy haut en lumiere. Pauſanias en l’Eſtat de Bœoce, leur donne des noms du tout diuers aux ſuſdits, & en nomme l’vne Carpo, l’autre Thallotte, quant à la troiſieſme il ne la nomme point. Carpòs ſignifie fruict, Thallein, pulluler & bourgeonner : & pour ce regard Arat les appelle Epicarpies, ou fruictieres. Leur charge.Leur charge eſtoit de garder les portes du Ciel, comme il appert au premier des Faſtes d’Ouide :

Ie garde l’huis du Ciel auec les douces Heures.

Theocrite dit qu’elles ont les pieds mols, & ſont les plus peſantes & plus tardifues que tous les autres Dieux, & apportent touſiours aux hommes quelque choſe de nouueau. Homere au 5. de l’Iliade ne dit pas ſeulement qu’elles gardent les portes du Ciel, mais auſſi qu’elles l’obſcurciſſent de nuages, & ramenent le beau temps quand il leur plaiſt : meſme les Poëtes appellent le Ciel ou l’air ouuert, quand il eſt clair & ſerain : & clos ou fermé, quand il eſt couuert de nuës ou de broüillas :

Lors les portes du Ciel s’ouurirent d’elles-meſmes, Que des Heures gardoient les majeſtez ſupremes, Le Ciel eſt leur charge, & L’Olympe negeux, Elles ſerenent l’air, & le font nubileux.

Auſſi ſont-elles dites Heures, du mot horévein, ſignifiant garder, car on leur donne la reputation de garder le Ciel, & d’eſtre fauorables & propices à ceux qui ſont ſtudieux & diligens.

Mythologie des Heures.Elles ſont filles de Iupiter & de Themis, d’autant que puis que Graces ſont cette ioye & reſiouyſſance qu’on reçoit de la fertilité des terres, les Heures ſont le fruict meſme d’icelles, que les Poëtes accompagnent preſque touſiours de Venus, mais iamais n’abandonnent les Graces. Elles ſont donc de meſme race que les Graces, veu que Themis, leur mere eſt l’equité ; & nómos, ſignifie loy, d’où vient le nom d’Eunomie ; Dicé ſignifie iustice ; & Irené, Paix. Leſquelles trois, à ſçauoir, les Loix, Iustice & Paix, conſeruent & maintiennent le labourage, au lieu que les guerres, les outrages & les querelles gaſtent & ruinent tout. C’eſt donc l’obſeruation des ordonnances diuines, & des loix ciuiles qui les engendrent, d’autant que comme ainſi ſoit que Themis eſt cette equité que nature meſme a imprimee és eſprits des hommes, le commencement duquel les loix ont prix leur origine eſt diuin ; puis après Iupiter, pere des Heures, tempere l’air, c’eſt à dire, que la benignité de Dieu conduit & gouuerne les gens de bien : car l’abondance de biens eſt volontiers accompagnee de probité ; comme au contraire la cherté & la famine ſont ſuiuies de beaucoup de meſchancetez & malheureux actes : & n’y a preſque miroir qui nous puiſſe mieux repreſenter, ou la malice ou la bonté des hommes, ou l’ire de Dieu enuers nous, que les viciſſitudes des ſaiſons. Explication de leur charge.C’eſt ce que les Anciens ont voulu ſignifier, diſans que les Heures eſtoient commiſes à la garde des portes du Ciel, qui ſelon leur bon plaiſir embroüilloient le Ciel de nuages, ou le faiſoient clair & ſerein, & gouuernoient toutes les ſaiſons de l’annee, en ſomme ils ne vouloient dire autre choſe, ſinon que les afflictions ne nous pourſuiuoient qu’à cauſe de nos pechez. Or ie croy que cecy peut ſuffire pour entendre quelle eſtoit la qualité des Heures ; & qu’elles accompagnoient ordinairement les Graces, & pourquoy c’eſt qu’elles eſtoient ſuiuantes de Venus ; item que par icelles ils exhortoient les hommes à la vertu, à la crainte & ſeruice de Dieu, leur propoſans abondance & foiſon de toutes choſes neceſſaires pour leur entretenement, laquelle il ne faut eſperer que de ſa liberale grauité.